Car on a road

Sur le radar : Perspectives juridiques relatives aux véhicules autonomes

POINT DE VUE

La boule de cristal du droit : évolution du cadre juridique applicable aux véhicules autonomes en 2019

En 2019, les législateurs peineront sans doute à suivre les progrès de ce secteur en constante évolution, en quête d’un équilibre entre la nécessité de protéger le public, d’assurer la sécurité des données et la confidentialité, d’édicter des normes de sécurité et de cristalliser la réglementation sans freiner l’innovation dans ce secteur très compétitif. Nous explorerons ici certaines des grandes percées susceptibles de dominer le paysage du droit applicable aux véhicules autonomes en 2019.

Nouvelles règles en vue

Dans le monde, seulement quelques pays, surtout en Amérique du Nord, en Asie-Pacifique et en Europe, ont adopté des lois et des règlements régissant la classification, la mise à l’essai et le déploiement de véhicules autonomes. Au Canada, les discussions entourant le cadre réglementaire devraient s’intensifier parallèlement à la poursuite des essais en Ontario et au Québec. Après la mise en place en 2018 des lignes directrices de Transports Canada et du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, les intéressés semblent favorables à l’instauration de certaines règles qui contribueraient au développement et au déploiement sécuritaires des véhicules autonomes sur les routes canadiennes.

En fait, l’Ontario a déjà annoncé une nouvelle mouture de son programme pilote de mise à l’essai des véhicules automatisés entré en vigueur le 1er janvier 2019. Le ministère des Transports en a fait l’annonce en ces termes : 

« Les VA équipés de la technologie SAE de niveau 3 qui sont vendus au public au Canada peuvent être conduits sur les routes de l’Ontario. Ces véhicules ne seront plus réservés aux participants inscrits au programme pilote. Cependant, les véhicules munis d’une technologie SAE de niveau 3 de marché secondaire (technologie qui a été ajoutée à un véhicule après sa vente, et non par le fabricant d’équipement d’origine) demeureront réservés au programme pilote et ne pourront être utilisés par le public.

Un conducteur humain doit être présent en tout temps, afin de pouvoir reprendre la tâche de conduite lorsqu’il en est averti par le véhicule. Les conducteurs devront avoir la garde et le contrôle complets des véhicules dotés de la technologie SAE de niveau 3 et ils demeureront assujettis à toutes les lois applicables (comme les lois régissant les sources de distraction, la négligence et la conduite avec facultés affaiblies). Ils seront responsables, en tout temps, de la conduite sécuritaire de ces véhicules. »

Les modifications en vertu du Règlement de l’Ontario 306/15, intitulé Pilot Project – Automated Vehicles, montrent que la province ouvre la voie à l’adoption et à l’utilisation à brève échéance des véhicules autonomes – du moins ceux de niveau 3 – sur son territoire.

L’incontournable question de l’assurance

L’apparition des véhicules autonomes force les assureurs et les gouvernements de nombreux pays à revoir leur approche en matière d’assurance de la responsabilité civile automobile. L’Allemagne et le Royaume-Uni, qui font figure de précurseurs, ont déjà adopté des lois portant spécifiquement sur l’assurance. Le Japon compte leur emboîter le pas en 2019. Le Canada n’a toujours pas pris de mesures en ce sens, mais à l’automne 2018, le Bureau d’assurance du Canada s’est prononcé en faveur de l’adoption de l’approche britannique en recommandant la création d’une police d’assurance unique couvrant à la fois les erreurs humaines et les défectuosités des technologies automatisées (y compris les atteintes à la cybersécurité). Si un modèle du genre est envisagé ou mis en place au Canada en 2019, il y a fort à parier que, comme au Royaume-Uni, une collaboration proactive entre l’État, les assureurs et les constructeurs automobiles sera essentielle à la création d’un cadre viable de réglementation de l’assurance. 

Au diapason de la protection de la vie privée et de la cybersécurité

Les données demeureront au cœur des préoccupations entourant le déploiement commercial prévu de véhicules complètement autonomes. Ce type de véhicule génère une quantité phénoménale de données (soit un volume par seconde équivalant à celui de 10 000 internautes), dont une grande partie doit être stockée, triée et traitée. Un lourd fardeau sera ainsi imposé aux infrastructures de données et aux sociétés, ce qui suscite des craintes pour la sécurité et la protection de la vie privée. Quels types de données sont enregistrés et qui les utilise? Et comment ces données sont-elles transmises dans le cadre des communications véhicule-véhicule (V2V), véhicule-infrastructure (V2I) et dans l’ensemble du réseau (V2X)?

En 2018, la commissaire à la protection de la vie privée du Canada a fait part aux représentants de l’industrie des inquiétudes du Commissariat relativement aux données générées par les véhicules connectés et autonomes. Lors de son allocution devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (« TRAN »), elle a insisté sur la nécessité d’être plus transparent avec les consommateurs quant aux flux de données générés par ces véhicules, ainsi que sur l’importance d’améliorer le consentement à cet égard.

Les enjeux de confidentialité et de cybersécurité continueront sans doute d’influencer le droit applicable aux véhicules autonomes, mais on pourrait assister en 2019 à la création de normes pancanadiennes sur les véhicules autonomes ou de pratiques exemplaires sur la protection de la vie privée et la cybersécurité, comme l’avait proposé le TRAN au début de 2018.

Litiges éventuels

Il faudra suivre de près les litiges concernant les véhicules autonomes. Compte tenu de l’état actuel de la technologie, on pourrait voir l’émergence de litiges entre des parties revendiquant la propriété intellectuelle des technologies de véhicules autonomes. De toute évidence, les essais à grande échelle et le déploiement d’un plus grand nombre de véhicules autonomes risquent de donner lieu à des défaillances technologiques et à des erreurs de conduite provoquant des accidents avec des piétons ou des conducteurs/passagers de véhicules non autonomes sur nos routes. Même si certains défendeurs – surtout ceux qui participent aux essais commerciaux – voudront sans doute régler de tels différends d’entrée de jeu, ces premiers cas pourraient donner un aperçu des problèmes auxquels seront confrontés ceux qui iront de l’avant avec un procès sur le fond.

Conclusion

Même si l’avenir des véhicules autonomes est difficile à prédire, nous avons tenté ici de décrire les principaux points de droit susceptibles de dominer le secteur des véhicules autonomes en 2019. Une chose est sûre : étant donné la commercialisation imminente des véhicules autonomes et l’évolution de l’infrastructure en vue du déploiement de cette technologie, il faudra se pencher d’emblée sur les questions de droit afin de se prémunir contre les risques de responsabilité qui pointent à l’horizon.

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