L’utilisation de systèmes autonomes et guidés par les données devrait être l’un des meilleurs moyens d’augmenter l’efficacité énergétique des activités d’exploitation minière. À l’heure actuelle, seulement trois pour cent de l’équipement mobile du secteur minier est autonome. Mais à mesure que ces technologies gagneront en fiabilité, leur extensibilité devrait faire baisser les coûts, ce qui les rendra plus accessibles1. Cela dit, l’essor de l’automatisation et de la connectivité soulève de nouveaux enjeux juridiques, et l’adoption des technologies autonomes dans le secteur minier ne fait pas exception. Ce nouveau paradigme oblige les acteurs du secteur à s’informer et à évaluer les enjeux juridiques et les nouveaux risques, dans le but d’offrir aux parties intéressées la certitude dont elles ont besoin pour adopter les systèmes autonomes et guidés par les données (ci-après, les « technologies minières autonomes »).
Certains de ces enjeux juridiques peuvent être gérés au moyen des droits et recours prévus par les contrats de technologie. Ainsi, lorsqu’elles structurent un contrat, les parties qui souhaitent exploiter ces technologies doivent considérer trois éléments clés : l’utilisation des données et les droits des parties à leur égard, les droits d’utilisation de la propriété intellectuelle et la simplification du règlement des différends.
1. Utilisation des données et droits y afférents
Les technologies minières autonomes vont générer ou contenir certains renseignements essentiels des plus délicats concernant l’efficacité, la productivité et la valeur d’une exploitation minière. Afin de protéger ces renseignements confidentiels et, surtout, l’avantage concurrentiel des développeurs de technologies et des intervenants du secteur minier, les parties seraient bien avisées de concevoir des programmes d’utilisation des données de premier ordre. Ces programmes devront tenir compte de la sensibilité commerciale des renseignements générés ou contenus par les technologies minières autonomes. Les acteurs du secteur minier devront considérer les points qui suivent.
Cybersécurité
Pour bien faire leur travail, les technologies minières autonomes ont besoin d’énormes quantités de données qui sont constamment échangées entre machines, capteurs, serveurs et ordinateurs2. Avant de pouvoir adopter les technologies minières autonomes dans la mesure requise pour combler le fossé entre la demande et les exigences de durabilité, les acteurs du secteur devront définir clairement – par des relations contractuelles – les risques et les responsabilités relatifs à la protection des données qui alimenteront les systèmes autonomes et d’intelligence artificielle des futures activités d’exploitation minière.
Les récentes cyberattaques contre des infrastructures critiques font ressortir l’urgence d’intégrer aux contrats des obligations en matière de protection et de stockage des données. En outre, étant donné l’envergure et la diversité des activités d’exploitation minière, les acteurs du secteur risquent fort d’établir des relations contractuelles avec plusieurs fournisseurs d’équipement autonome et d’intelligence artificielle.
Obligations de protection des systèmes
Les parties qui négocient un accord sur le déploiement de technologies minières autonomes dans le contexte d’une exploitation minière se doivent de bien définir les responsabilités en cause et de voir à ce que chaque partie prenne les mesures appropriées pour préserver la sécurité de ces technologies. Plus particulièrement, il est impératif d’intégrer aux contrats des obligations relatives à la cybersécurité et à la protection des systèmes, de sorte que toutes les parties comprennent l’importance de protéger l’intégrité de ces systèmes et de gérer le risque lié aux cybervulnérabilités.
Régimes d’utilisation des données
En plus de bien articuler les obligations relatives à la protection des données et des systèmes, les acteurs du secteur minier auraient intérêt à établir un programme d’utilisation des données qui énonce les droits et les responsabilités des parties à l’égard des données générées, collectées, utilisées et éventuellement transmises à des tiers. Les développeurs de technologies et les exploitants miniers pourront utiliser ces régimes pour créer un équilibre entre le besoin de protection et la possibilité de perfectionner les technologies minières autonomes pour le secteur minier élargi que permet ce type de données concrètes.
2. Droits d’utilisation de la propriété intellectuelle
Pour intégrer ces technologies aux activités d’exploitation minière, les développeurs de technologies et les exploitants miniers devront s’échanger des renseignements exclusifs et confidentiels, ce qui soulève certains enjeux auxquels les parties devront répondre clairement au moyen des types d’ententes suivants.
Des sociétés de personnes plutôt que des licences
Lorsque ces technologies novatrices seront suffisamment sophistiquées, les licences de propriété intellectuelle traditionnelles pourraient devenir insuffisantes eu égard à l’importance et à la valeur inestimables des données concrètes générées par les exploitants miniers. Les développeurs de technologies auront alors sans doute avantage à travailler au sein d’une société de personnes ou d’une coentreprise afin que soit bien représentée la valeur des données concrètes. D’ailleurs, cette idée pourrait être d’une importance capitale dans les premiers stades du développement de certaines technologies autonomes liées à l’exploitation minière, étant donné qu’elles nécessitent de grands ensembles de données. Cette approche pourrait également favoriser le perfectionnement de ces technologies et réduire leur coût global.
Clauses de résiliation
Les ententes concernées devront être soigneusement rédigées afin d’exprimer que, dans certaines circonstances, ces systèmes et les technologies connexes peuvent jouer un rôle crucial pour une exploitation minière ou représenter une condition pour une approbation réglementaire. Les parties auront intérêt à rédiger des clauses de résiliation qui répartissent équitablement le risque, soulignent l’importance relative de chaque technologie minière autonome utilisée, prévoient des mécanismes pour éviter une résiliation soudaine et décrivent la transition suivant une résiliation.
3. Simplifier les différends
L’intégration de ces technologies dans l’infrastructure d’une exploitation minière peut s’avérer éprouvante et conflictuelle, notamment parce que les nouvelles technologies peuvent soulever des enjeux au chapitre de la responsabilité du fait du produit. Dans le but de bien soupeser les risques et d’éviter que les différends ne viennent perturber la mise en valeur d’une exploitation minière, les intervenants du secteur devront tenir compte des points suivants.
Des clauses uniformes
Les parties ont intérêt à adopter des dispositions claires, non équivoques et uniformes. Par exemple, les clauses limitatives de responsabilité devraient être les mêmes d’un contrat multipartite à l’autre, afin de simplifier le processus de règlement des différends pour toutes les parties intéressées et d’éliminer l’incertitude et la friction qui peuvent découler d’une cyberattaque ou d’une affaire de responsabilité du fait du produit.
Les clauses de confidentialité et d’échange de données devraient aussi être uniformes, chaque partie devant saisir pleinement la portée de ses droits en matière de confidentialité et être en mesure de remplir ses obligations dans toute la mesure du possible. Les clauses de confidentialité et les éventuelles dispositions sur l’usage permis ou limité devront établir les normes de conduite minimales que chaque partie à un projet minier devra observer.
Un autre moyen simple et généralement non controversé de simplifier et d’améliorer le processus de règlement des différends est d’adopter des clauses uniformes en la matière. De plus, en faisant des choix uniformes en matière de territoire de compétence et de méthode de règlement des différends (litige ou arbitrage) pour tous les contrats, les parties au projet minier (y compris les développeurs de technologies) réduisent leur risque d’obstacles et de retards procéduraux, car elles n’ont pas à intenter des actions judiciaires distinctes dans plusieurs territoires.
Intégrer la confidentialité au règlement des différends
En plus d’adopter des clauses de confidentialité uniformes dans les contrats, les acteurs du secteur (et en particulier ceux qui sont susceptibles de faire affaire directement avec des gouvernements étatiques, provinciaux ou nationaux) auront intérêt à intégrer des clauses de confidentialité exhaustives aux dispositions de règlement des différends. Par exemple, lorsqu’elles optent pour l’arbitrage, les parties devraient envisager ce qui suit :
- inclure des clauses de confidentialité dans leurs conventions d’arbitrage;
- convenir de règles d’arbitrage qui prévoient la protection de la confidentialité durant les procédures;
- limiter la portée des obligations d’information en adoptant des normes concernant la production de documents, comme les Règles de l’IBA sur l’administration de la preuve, qui prévoient des motifs pour la rétention de certains renseignements confidentiels ou commercialement sensibles;
- adopter un protocole de confidentialité pour régir le processus de communication de l’information lors d’un arbitrage.
Intégrés prospectivement aux dispositions de règlement des différends, les mécanismes de protection de la confidentialité éliminent l’incertitude et font savoir à toutes les parties qu’advenant un différend, les droits et obligations en matière de communication de l’information offriront un contrepoids approprié à la protection des documents commercialement sensibles.
Conclusion
L’automatisation croissante du secteur minier vient avec un lot de questions connues et nouvelles liées aux technologies minières autonomes. D’une part, on ne saurait sous-estimer le potentiel qu’ont ces systèmes de diminuer le nombre de blessures, d’augmenter la productivité et de combler l’écart entre la demande et la durabilité. Mais d’autre part, l’automatisation amène des risques connus et nouveaux sur le plan juridique et commercial. Bien que les avantages à long terme l’emporteront vraisemblablement sur les risques, le développement et l’adoption des technologies minières autonomes nécessiteront la plus grande prudence.
Groupe Véhicules autonomes de BLG
Fort d’une vaste expérience dans ce secteur et d’une expertise particulière dans la conception de solutions autonomes au sein de l’industrie minière, le groupe Véhicules autonomes de BLG est là pour aider les clients à saisir les occasions et à relever les défis que devrait présenter cette ère révolutionnaire d’autonomie. Pour en savoir plus sur les véhicules autonomes, veuillez communiquer avec votre avocat·e de BLG ou l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-dessous.
1 Peter Bryant et Satish Rao, Clareo et Twin, 2019 : « Accessing the Fast and Furious Pace of Autonomy to Transform Mining », 3 juin 2019
2 Wards Auto : « Mining Industry Laboratory for Self-Driving Tech », 17 mars 2020