Le fonctionnement sécuritaire et efficace des véhicules connectés et autonomes (les « VCA ») dépend de leur capacité à communiquer avec divers systèmes et acteurs. Dans ce numéro, nous abordons les deux principales technologies de communication des véhicules connectés, la CDCD et la 5G C-V2X, et nous nous attardons aux points saillants connexes en ce qui concerne l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et le Canada.
Contexte
Les VCA doivent communiquer avec :
- les véhicules (communication véhicule-véhicule ou « V2V »);
- les infrastructures (communication véhicule-infrastructure ou « V2I »);
- les piétons (communication véhicule-piéton ou « V2P »);
- les réseaux (communication véhicule-réseau ou « V2N »);
- les appareils (communication véhicule-appareil ou « V2D »).
Pour simplifier les choses, utilisons le terme communication « véhicule à tout » (ou Vehicle to Everything) (« V2X »), expression fourre-tout qui englobe les communications V2V, V2I, V2P, V2N, V2D et tous les autres types de communication des VCA.
Toute cette communication signifie que les VCA produisent des quantités astronomiques, et croissantes, de données. Pour mettre les choses en perspective, dites-vous que les VCA qui sont actuellement mis à l’essai produisent en une journée autant de données que le télescope Hubble en une année.
Une communication V2X rapide et fiable constitue la technologie clé nécessaire pour faciliter le déploiement de VCA de niveaux 4 et 5. Il est établi dans le document Conseil de coopération en matière de réglementation (CCR) Canada – États-Unis : plan de travail en lien avec les véhicules branchés que Transports Canada et le ministère des Transports des États-Unis « [se] coordonneront et collaboreront » en ce qui concerne les technologies de communication véhiculaire.
À l’heure actuelle, il existe essentiellement deux technologies de V2X qui se disputent la première place :
1. Communication dédiée à courte distance (« CDCD »)
En 1999, la Federal Communications Commission (FCC) des États-Unis a alloué 75 MHz de la bande de 5,9 GHz des STI (à savoir les fréquences allant de 5850 à 5925 Mhz) à la CDCD dans le cadre du service radio visant les systèmes de transport intelligents (« STI »). La CDCD est également connue sous les noms ITS-G5 et 802.11p. Ainsi, la CDCD constitue le principal protocole recommandé pour ce qui touche la communication entre les véhicules connectés. Le 13 décembre 2016, la National Highway Transportation Safety Administration (« NHTSA ») a proposé une nouvelle règle, à savoir la Federal Motor Vehicle Safety Standard (« FMVSS ») No. 150, pour encadrer la CDCD des véhicules légers, qui permettrait de nouvelles applications anti-collision pouvant éviter des centaines de milliers d’accidents chaque année grâce à la capacité des véhicules de « se parler ».
Pour soutenir la technologie de CDCD, des investissements (vraisemblablement publics) dans l’installation et l’entretien d’importantes infrastructures seraient requis. On estime que le coût lié au déploiement d’un système de CDCD complet aux États-Unis pourrait s’élever à 108 G$ US.
La CDCD prend en charge la diffusion de données anonymes précises sur le véhicule plusieurs fois par seconde, y compris son emplacement, sa vitesse et son accélération. Ces renseignements peuvent être utilisés par d’autres véhicules et dispositifs compatibles avec la CDCD pour aider les conducteurs à éviter les collisions. La communication peut également servir à fournir des renseignements utiles en temps réel aux conducteurs, notamment en ce qui concerne les dangers potentiels, les véhicules lents ou arrêtés en amont ou encore les signaux, panneaux et entraves routières qui peuvent être difficiles à voir.
Tel que mentionné, la CDCD fonctionne au moyen de 7 canaux de la bande de fréquences de 5,9 GHz attribuée aux STI aux États-Unis et dans de nombreux autres pays. Étant donné que la technologie n’exige pas de réseau cellulaire ou de réseau de données, les véhicules équipés de la CDCD ne se voient pas facturer de frais d'exploitant de réseau cellulaire.
Le principal avantage de la CDCD est également son principal inconvénient : il s’agit d'une technologie V2X bien établie qui a été mise à l’épreuve. La CDCD a été déployée dans des véhicules en Amérique du Nord, en Europe et au Japon et est, ou a été, la technologie de communication de prédilection de certains des plus grands constructeurs automobiles au monde. Elle a été décrite par Toyota comme une « technologie éprouvée » qui est « sortie des phases de test et de conception depuis un certain temps ». Cependant, la CDCD fonctionne selon une norme vieille de 10 ans (IEEE 802.11p), offre des fonctionnalités limitées par rapport à d’autres technologies et n’a qu’un seul usage, à savoir la communication V2X.
2. 5G
Un autre protocole de communication véhiculaire fonctionnant sur les réseaux 3G et 4G existants est la communication cellulaire véhicule à tout (« C-V2X »). Cette technologie vient complètement changer la donne lorsque jumelée aux nouveaux réseaux mobiles 5G (« 5G C-V2X ») – norme de plus en plus répandue à mesure que les pays s’emploient à déployer des réseaux 5G.
Les partisans de la 5G C-V2X soutiennent que la capacité de la technologie à offrir des débits de données qui se comptent en gigaoctets par seconde, la prise en charge de la mobilité à haut débit, l’imposante communication machine et la communication à très faible latence lui donnent un avantage déterminant sur la CDCD et constitueraient la base technologique nécessaire au déploiement de VCA davantage automatisés. Il est important de noter que, contrairement à la CDCD, l’actuelle V2X et la future 5G C-V2X pourraient compter sur une infrastructure cellulaire privée, ce qui limiterait les dépenses dans les infrastructures publiques nécessaires à la mise en place d’un système V2X. La 5G C-V2X a l’avantage d’utiliser une technologie de pointe, de s’appuyer sur une technologie cellulaire polyvalente déjà largement répandue et d’offrir une gamme d’applications plus vaste. Toutefois, elle évolue sans cesse et n'a pas encore fait l’objet d’autant de tests que la CDCD, qui est mieux connue. Il faudra donc développer et mettre à l’essai davantage la 5G C-V2X pour mieux évaluer son fonctionnement dans des applications concrètes. En outre, rien ne garantit que des réseaux 5G suffisamment étendus et denses rendront l’adoption de la 5G C-V2X possible sur tous les marchés.
États-Unis
La NHTSA des États-Unis est responsable de la rédaction et de l’application de la FMVSS et joue un rôle de réglementation central dans l’élaboration de lignes directrices fédérales pour les véhicules automatisés. Après avoir publié la Federal Automated Vehicles Policy le 20 septembre 2016 et A Vision for Safety 2.0 le 12 septembre 2017, la NHTSA a récemment publié son guide Preparing for the Future of Transportation: Automated Vehicles 3.0.
On peut considérer que les États-Unis, sous l’administration actuelle, sont passés d’une position où ils appuyaient la CDCD pour les communications V2X à une position de neutralité technologique. Ainsi, la NHTSA a choisi de prendre du recul et laissera les forces du marché déterminer quels protocoles de communication V2X seront mis en place.
Sur le marché américain, la C-V2X semble avoir pris son élan. Lors du Salon de l’électronique grand public 2019, Ford a annoncé son intention d’introduire la C-V2X dans ses véhicules en Amérique du Nord en 2022. Si les constructeurs automobiles semblaient délaisser la CDCD, un mouvement général favorisant la C-V2X paraît maintenant se dessiner, même si, dans certains cas, les deux technologies sont envisagées.
Union européenne
En juillet 2019, l’Union européenne a officiellement rejeté la recommandation de la Commission européenne d’utiliser la technologie de CDCD (connue en Europe sous le nom de « Cooperative Intelligent Transportation System » ou C-ITS) comme protocole de communication V2X. Il s’agit là d’un revirement majeur puisque, depuis une dizaine d’années environ, il y avait une préférence manifeste dans la région pour la technologie de CDCD V2X bien établie et éprouvée. Cette décision politique a été bien accueillie par les acteurs concernés car elle a, selon certains, fournis des éclaircissements nécessaires sur le développement futur de la technologie V2X et permettra une plus grande harmonisation avec la politique menée aux États-Unis et en Chine. Encore une fois, comme aux États-Unis, la C-V2X semble avoir le vent dans les voiles en Europe.
Chine
En Chine, la C-V2X a été privilégiée comme unique protocole de communication véhiculaire. Le choix de la Chine de privilégier la C-V2X, son important marché des véhicules et ses sociétés de VCA dominantes pourraient suffire à assurer l’adoption de la C-V2X à l’échelle mondiale. La Chine est aujourd'hui le plus grand marché automobile du monde – 29 millions de voitures et de camions y ont été vendus en 2017 –, ce qui confère à ses normes un très grand ascendant sur l’industrie automobile mondiale. Les constructeurs automobiles chinois, pour leur part, vont de l’avant avec la C-V2X : en février 2019, le fabricant chinois Zhejiang Geely Holding Group a annoncé un partenariat majeur qui lui permettra d’entamer la production en série de ses premiers véhicules 5G C-V2X d’ici 2021.
Conclusion
Le gouvernement canadien n’a appuyé ni la CDCD, ni la C-V2X. Étant donné l’essor manifeste de la technologie C-V2X dans les marchés clés et le fait qu’elle cadre avec la réglementation américaine, toutefois, ce protocole semble gagner en popularité au Canada également.
Bien que la 5G C-V2X paraisse avoir la faveur des principaux pays concernés, elle est loin d’avoir été autant mise à l’épreuve que la CDCD, et des questions cruciales demeurent en ce qui concerne les coûts et les infrastructures qui y sont liés ainsi que le moment de son entrée en jeu. Comment le déploiement de la technologie CDCD ou 5G se présenterait-il hors des marchés densément peuplés ou avancés du point de vue technologique? Enfin, des questions déterminantes se posent quant à la sécurité et à la vulnérabilité de la CDCD et du 5G. Ces questions, notamment, feront l’objet d’intenses débats tandis que les constructeurs automobiles, les sociétés de technologie et les organismes de réglementation réfléchissent à l’avenir de la communication V2X.