La technologie autonome s’infiltre dans tous les secteurs. À cet égard, d’aucuns considèrent que l’industrie maritime a une longueur d’avance. Qu’il s’agisse de navires sans équipage ou encore du chargement ou du déchargement autonome, la technologie autonome appliquée aux navires commerciaux connaît un succès grandissant. Néanmoins, à l’instar de toute technologie révolutionnaire, elle comporte son lot de défis.
D’ailleurs, le respect de la légalité est plus compliqué qu’il n’y paraît. En effet, il est difficile de déterminer comment les navires autonomes pourraient respecter certaines lois actuellement applicables, notamment pour ce qui touche l’exploitation en toute sécurité d’un navire. Par exemple, selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), tout capitaine d’un navire battant le pavillon d’un des États signataires doit porter secours aux personnes en détresse qu’il croise en mer. On sait que les navires autonomes peuvent éviter les obstacles même si personne ne tient le gouvernail, mais seront-ils capables de repérer une personne en détresse? De quels mécanismes pourraient-ils ou devraient-ils être dotés pour y parvenir? La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) gagnerait également à être mise à jour. Elle prévoit notamment des exigences minimales en matière d’équipage qu’il conviendrait sans doute d’adapter, car elle n’a pas été rédigée en envisageant l’absence de personnes physiques à bord.
Il importe également de se pencher sur les incidences de ce vide juridique pour les assureurs si la législation n’est pas révisée afin de régler les questions liées à la responsabilité. Parmi les avantages présumés des navires autonomes figure l’aspect sécuritaire de leurs traversées. Il convient néanmoins de noter que, bien que nous disposions de statistiques sur le nombre d’événements en mer imputables à une action ou à une omission humaine, il n’existe en revanche aucun moyen de quantifier les accidents évités grâce à une intervention de l’équipage. De plus, les navires autonomes pourraient se trouver davantage menacés par le piratage informatique et constituer des cibles de choix pour les terroristes et les pirates. Le nombre d’emplois qui vont disparaître avec l’arrivée des navires autonomes n’est pas non plus à négliger : cette technologie bouleversera la vie et la carrière de milliers de marins.
En septembre 2018, Transports Canada a convié des membres de l’industrie maritime (dont BLG) à un atelier sur les navires de surface autonomes (Maritime Autonomous Surface Ships ou « MASS ») et leur a fourni des indications quant à ses plans de réglementation des navires autonomes au Canada. Les participants ont pu formuler les inquiétudes et commentaires des acteurs de l’industrie, parmi lesquels des marins. Les perspectives sur les plans juridique et technologique ont également été abordées. Voici les demandes les plus couramment présentées par les membres de l’industrie :
- Si l’on procède à des changements en matière de réglementation, des représentants de tous les segments de la chaîne du transport maritime devraient être consultés;
- Il convient de mettre en place un mécanisme permettant d’adapter rapidement les modifications réglementaires au contexte changeant du secteur, à défaut de quoi l’industrie maritime canadienne risque de se retrouver à la traîne sur la scène internationale;
- Les conditions environnementales extrêmes du Canada doivent être prises en considération lors de la mise au point de la réglementation, de façon à ce que l’applicabilité des accords internationaux ne s’en trouve pas entravée;
- Compte tenu de la réglementation existante, il serait judicieux d’octroyer des permis ou des dispenses pour autoriser la mise à l’essai ou l’exploitation de navires autonomes ou semi-autonomes dans les eaux locales ou des zones de navigation circonscrites dans les eaux canadiennes afin de procéder à des tests avant la signature et la mise en œuvre d’accords internationaux.
Transports Canada entend proposer une ébauche de réglementation d’ici 2020 parallèlement aux efforts de l’Organisation maritime internationale visant à établir un cadre réglementaire pour les MASS. Bien qu’il soit difficile de prédire l’avenir des navires autonomes, il ne fait pas de doute qu’il s’agira d’une traversée intéressante à observer.