L’autonomisation des transports passera fort probablement par leur électrification. Les véhicules électriques (VE) présentent un rendement énergétique supérieur à celui des véhicules à combustion interne, ce qui cadre mieux avec les objectifs gouvernementaux d’amélioration de l’économie de carburant et de réduction des gaz à effet de serre. Qui plus est, les principaux systèmes nécessaires au fonctionnement d’un véhicule autonome (caméras et systèmes de détection, de cartographie et de guidage) sont énergivores. La batterie principale et le système de propulsion d’un VE (batterie, onduleur et moteur électrique à freinage régénératif) sont plus à même de répondre à cette demande énergétique qu’un système de batterie intégré à un véhicule à combustion interne.
La prédominance des VE parmi les véhicules autonomes s’explique également par l’écart croissant du coût de possession. En effet, le prix des batteries pour VE diminue et le coût d’utilisation de ces véhicules demeure inférieur à celui d’un véhicule à combustion (un plein d’essence est beaucoup plus coûteux que la recharge d’une batterie), une différence qui ira en s’accentuant. Enfin, la batterie d’un VE peut servir à d’autres fins que la propulsion du véhicule. Elle peut par exemple constituer une source d’énergie distribuée et alimenter le réseau, au moment et à l’endroit voulus; le VE deviendrait ainsi une source potentielle de revenus au lieu d’un centre de coûts.
Cette tendance vers l’automatisation des VE s’observe aussi dans un autre segment en croissance du secteur des transports : le covoiturage. Des entreprises comme Google, GM, Alphabet Inc. et Uber proposent ou testent déjà des parcs de VE autonomes, et les propriétaires d’un VE automatisé pourront sans doute bientôt louer leur véhicule ou le partager avec d’autres utilisateurs. Uber a également investi dans la recherche sur les véhicules autonomes et mène en ce moment plus d’une centaine de projets pilotes aux États-Unis, et un à Toronto. En décembre 2017, Uber cumulait plus de 3,2 millions de kilomètres de conduite autonome. Son PDG, Travis Kalanick, a indiqué que l’objectif ultime de l’entreprise était de rendre le coût d’un trajet en véhicule autonome si bas et concurrentiel qu’être propriétaire d’un véhicule deviendrait financièrement inintéressant.
Par ailleurs, l’électrification des transports pourrait avoir des répercussions majeures sur la demande d’électricité à long terme. Par exemple, selon les prévisions du gouvernement de l’Ontario, il y aura d’ici 2035 l’équivalent d’environ 2,4 millions de VE sur les routes de la province. Même constat chez nos voisins du Sud, où une étude menée par le Fonds monétaire international et l’Université de Georgetown montre que 90 % de tous les véhicules de promenade aux États-Unis, au Canada, en Europe et dans les autres pays développés seront électriques d’ici 2040. L’incidence sur le réseau électrique pourrait être considérable, car la recharge complète d’une batterie typique de VE équivaut à peu près à la consommation d’électricité quotidienne d’un ménage moyen. L’adoption massive des VE pourrait donc avoir des conséquences importantes sur le réseau électrique. Cette réalité a d’ailleurs entraîné le développement sans précédent de nouvelles infrastructures de charge partout en Amérique du Nord. Les propriétaires de VE pourront donc prévoir de longs déplacements l’esprit tranquille, puisque les bornes de recharge seront plus accessibles, un peu comme les stations-services. L’offre comprend des chargeurs rapides de niveau 3 (480 V), des chargeurs de niveau 2 (240 V) et des chargeurs standards de niveau 1 (110 V).
Contrairement aux charges électriques traditionnelles qui sont stationnaires, les VE sont mobiles et peuvent se connecter au réseau à des moments et dans des endroits impossibles à prévoir. Les gouvernements, les organismes de réglementation, les fournisseurs d’électricité et les services publics locaux devront donc s’adapter, car les systèmes de distribution locaux pourraient enregistrer des pics de demande soudains en cas de recharge simultanée de plusieurs véhicules au même endroit. L’automatisation des VE pourrait rendre la situation encore plus complexe, car les systèmes de recharge automatisés et le covoiturage sont susceptibles de modifier les habitudes d’utilisation et de charge des grands groupes d’utilisateurs et de propriétaires de VE. L’électrification et l’automatisation des transports auront d’énormes répercussions sur les consommateurs, les réseaux électriques, les services publics, les entreprises et les gouvernements.
À l’heure actuelle en Ontario, peu de règlements et de lois s’appliquent précisément aux VE, ces derniers étant régis par les mêmes lois que les véhicules à combustion interne qui circulent sur les routes de la province. Les quelques mesures législatives ontariennes visant les VE concernent les subventions offertes pour encourager l’achat de VE ainsi que l’infrastructure de charge, qui a nécessité de récents changements au Code de sécurité de l’électricité de l’Ontario, plus précisément à la Loi de 1998 sur les condominiums, L.O. 1998, et à divers codes du bâtiment, compte tenu de son développement pour les VE. Ailleurs, par exemple au Royaume-Uni, les législateurs rédigent et adoptent des lois complètes visant non seulement à encourager le développement des VE et des véhicules automatisés, mais aussi à préparer l’arrivée de la réglementation future. Par exemple, le Parlement britannique a adopté en août dernier l'Automated and Electric Vehicles Act 2018, qui définit un cadre réglementaire pour le développement et l’installation de bornes de charge publiques pour les VE, ainsi que les spécifications techniques connexes (BLG a publié un article à ce sujet dans un numéro antérieur).
Des projets pilotes de véhicules automatisés sont en cours en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta. En Ontario, le Règlement de l’Ontario 306/15: Projet pilote – Véhicules automatisés et le Réseau d’innovation pour les véhicules autonomes viennent appuyer le développement et la démonstration de technologies d’automatisation des véhicules, notamment les infrastructures pour les véhicules légers produits en série (automobiles, camionnettes, fourgonnettes, etc.) et les véhicules utilitaires lourds (véhicules commerciaux, camions, autobus, véhicules récréatifs, etc.), l’infrastructure des transports, les systèmes de transport intelligents et les véhicules et systèmes de transport en commun. En août 2018, au Québec, le ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports a lancé un projet pilote d’autobus et de minibus autonomes autorisant la mise à l’essai de ce type de véhicules sur certaines voies publiques de la province. Ce projet aidera le Québec à développer et à évaluer la circulation des autobus et des minibus autonomes sur le réseau routier, ainsi que la cohabitation avec les divers usagers de la route, dans l’optique d’élaborer des règlements adaptés à ce type de véhicules.
La question de la réglementation des véhicules autonomes et des véhicules électroniques reste à trancher : seront-ils régis de façon distincte par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, ou de façon harmonisée, comme c’est le cas au Royaume-Uni? Ces enjeux, qui devront faire l’objet d’un examen plus poussé par les administrations publiques de tous les échelons, ne manqueront pas de perturber considérablement la mobilité, les transports et les infrastructures au Canada et dans le reste du monde.
pChaque mois, dans notre publication Sur le radar : Perspectives juridiques relatives aux véhicules autonomes, nous nous penchons sur l’incidence systématique de ces véhicules sur l’ensemble des secteurs d’activité afin d’aider nos clients à affronter les défis juridiques et réglementaires que pose cette nouvelle réalité.