Les véhicules autonomes vont changer notre façon de vivre et de nous déplacer dans la ville et hors de celle-ci. En effet, la circulation et les configurations connexes seront mieux gérées, les voies d’accès et les paysages urbains, repensés et plus sécuritaires, la fonction des aires de stationnement et des garages, redéfinie et les services de collecte des déchets, modifiés. La ville de l’avenir ne ressemblera en rien à celle d’aujourd’hui.
Et la transition est déjà en cours :
- L’Université du Michigan a créé Mcity, une micro-ville qui permet de simuler des conditions de conduite en banlieue pour les véhicules autonomes et les véhicules connectés.
- À la fin de 2016, Audi a mis sa technologie V2I à l’essai à Las Vegas. Ses véhicules recevaient de l’information de signalisation en temps réel en provenance d’un système de gestion du trafic perfectionné qui surveille les feux de circulation au moyen de la connexion de données embarquée 4G LTE. Lorsqu’un véhicule approche d’un feu de circulation connecté, le délai avant que celui-ci ne change s’affiche sur le groupe d’instruments de bord.
- General Motors a procédé aux premiers essais d’une technologie similaire en 2017.
- Cette même année en Ohio, un câble à fibres optiques et des émetteurs radio à courte portée ont également été installés sur une distance de 56 kilomètres, le long de la Route 33, et les essais pour véhicules autonomes sur ce tronçon optimisé devraient débuter à l’été 2018.
Au Canada, il n’existe actuellement aucune législation ni directive fédérale ou provinciale à l’intention des municipalités pour ce qui touche les véhicules autonomes ou les communications V2V et V2I. L’Ontario et le Québec ont bien lancé des programmes pilotes pour véhicules autonomes, mais ceux-ci portent sur les premiers stades d’essai des véhicules autonomes et non sur les importantes relations qui s’établiront entre les villes et les municipalités utilisant les technologies connexes. Transports Canada reste tout autant muet sur la question.
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a reconnu cette lacune et, le 29 janvier 2018, il a rendu son rapport sur les questions techniques et de réglementation liées au déploiement des véhicules autonomes et véhicules connectés. Intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé, le rapport met en lumière le fait que ces véhicules sont appelés à influer sur la planification des infrastructures et des transports, l’étalement urbain, l’utilisation du terrain et le transport collectif. C’est pourquoi, dans sa deuxième recommandation, le Comité recommande :
«…[q]ue Transports Canada collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, par l’intermédiaire du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, à l’élaboration d’une politique provinciale modèle portant sur l’utilisation des véhicules automatisés et branchés sur la voie publique. Le Ministère devrait aussi convier les municipalités à participer à cet effort de collaboration. »
Malgré l’absence d’orientation politique, des villes telles que Toronto, Ottawa, Edmonton et Calgary se préparent déjà à l’arrivée des technologies des véhicules autonomes et des véhicules connectés. En juin 2016, Toronto a constitué un groupe de travail interdivisions pour collaborer aux efforts déployés au chapitre des véhicules autonomes. Première ville à affecter à temps plein du personnel à ce dossier, Toronto est à mi-parcours d’un plan de travail triennal dans le cadre duquel elle dirigera d’autres recherches sur le rôle que ces véhicules joueront dans son réseau de transport et dans l’ensemble de sa planification urbaine. Le 20 novembre 2017, elle a également annoncé qu’elle s’associait avec le concepteur-exploitant de la populaire application de navigation Waze pour partager des données en temps réel afin d’aider les conducteurs à se déplacer en ville. Grâce à ce partenariat à part entière, la ville partagera ses données sur la circulation routière avec Waze, comme celles qui concerne les fermetures de routes, des événements particuliers, des travaux de construction ou des incidents divers, tandis que l’application échangera avec elle les données sur la circulation provenant de ses utilisateurs.
Par ailleurs, Ottawa, Edmonton et Calgary ont également entrepris de faire l’essai d’autobus autonomes. Compte tenu du coût élevé de la technologie sous-jacente aux véhicules autonomes destinés aux particuliers et du prix associé à ceux-ci qui risque de demeurer prohibitif pendant un certain temps, il y a tout lieu de croire que les véhicules autonomes seront dans un premier temps l’apanage des parcs automobiles et des plateformes de conavettage. C’est ainsi qu’en 2017, Uber Technologies Inc. s’est associée avec la Ville d’Innisfil pour créer le premier partenariat de conavettage et de transport collectif du Canada. Après avoir connu l’inefficacité des autobus à trajet fixe et les coûts qu’ils engendrent, Innisfil a jugé qu’un service de transport sur demande subventionné serait plus abordable et plus fiable. En avril 2018, elle a annoncé l’élargissement de son programme de transport sur demande qui lui aurait fait économiser plus de 8 millions de dollars dès la première année.
L’on s’attend à ce que les véhicules autonomes prennent la part de marché actuellement dévolue aux services traditionnels de transport collectif municipaux à horaire et trajet fixes. Il serait possible d’étendre ces services aux résidents de zones actuellement mal desservies ou non desservies. En outre, la mobilité demeure problématique dans le contexte du vieillissement de la population au Canada. Faciliter l’accès géographique et économique aux services de transport pourrait améliorer la qualité de vie de 11 p. cent des Canadiens présentant une incapacité.
Un virage fondamental devra s’opérer dans la politique municipale et la planification des transports publics, des infrastructures et des aires de stationnement pour permettre le plein usage des véhicules autonomes et en tirer tous les avantages possibles. Bien qu’ils puissent circuler dans les infrastructures actuelles, les véhicules autonomes devront faire l’objet d’importantes améliorations pour maximiser leur utilisation. Il pourra s’agir par exemple de la conception d’une signalisation routière connectée, d’une connectivité Wi-Fi accrue ainsi que de télécommunications, de réseaux de points de recharge et d’infrastructures en mesure de traiter des volumes élevés de données. Ces améliorations nécessiteront des investissements considérables dans la technologie V2I. Pour les financer, les villes devront collaborer et s’associer avec les acteurs des industries de l’automobile et des technologies. La propriété, l’utilisation et la gestion des données sont des questions complexes qu’il faudra élucider.
La quantité phénoménale de données produites par les communications V2V et V2I ne fera qu’accélérer les changements qui s’opèrent dans nos villes. Les préoccupations entourant la protection des renseignements personnels et la sécurité des données de même que les menaces de cyberattaques s’en trouveront également multipliées.
Mais avant que les véhicules autonomes puissent être connectés, tous les ordres de gouvernement devront conjointement déterminer la meilleure façon d’aborder les possibilités et les défis associés aux technologies. Une politique publique unifiée et cohérente visant le développement d’une architecture de communications V2V et V2I sera nécessaire pour permettre le déploiement complet de véhicules véritablement autonomes et de villes intelligentes.