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Perspectives

Objectif de carboneutralité du Canada : le point sur la réglementation de l’électricité propre et les émissions du secteur pétrolier et gazier

Le 7 décembre 2023, le gouvernement du Canada a présenté la plus récente version de son Plan de réduction des émissions pour 2030 (« PRÉ »), par l’entremise de son Rapport d’étape 2023 sur le PRÉ pour 2030 (le « Rapport d’étape 2023 »). Il s’agit du premier de trois rapports prévus par la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, laquelle constitue un engagement à mettre en œuvre des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques. La publication des prochains rapports est prévue pour 2025 et 2027.

Le Rapport d’étape 2023 arrive à point nommé étant donné la publication du Cadre réglementaire pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier et du projet de Règlement sur l’électricité propre,et la participation du Canada à la Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (la « COP 28 »).

Le communiqué de presse du gouvernement sur le Rapport d’étape 2023 présente notamment sa stratégie globale pour accélérer la réduction des émissions à l’approche de la cible de 2030. Celle-ci comprend les éléments suivants :

  • Mise à jour de la réglementation pour réduire les émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz d’au moins 75 % d’ici 2023
  • Établissement d’un plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier
  • Lancement de la Stratégie canadienne pour les bâtiments verts
  • Élaboration de plans climatiques pour les secteurs maritime, ferroviaire et aérien

Collectivement, ces efforts devraient mener à une réduction de 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030; dans l’intervalle, l’objectif est de réduire les émissions de 20 % par rapport à ces niveaux d’ici 2026.

Depuis les derniers commentaires de BLG sur l’annonce du PRÉ et les instruments financiers introduits dans le budget fédéral de 2023, le gouvernement canadien a réalisé d’importants progrès vers l’atteinte de son objectif de carboneutralité d’ici 2050, notamment en déposant le Règlement sur l’électricité propre et en établissant un système de plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier.

Plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier

À la suite de la publication en 2022 de son document de travail proposant deux options réglementaires pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre (« GES ») des activités en amont du secteur pétrolier et gazier, le gouvernement du Canada a présenté, en décembre 2023, un Cadre réglementaire à cet effet (le « Cadre réglementaire »). Il prévoit en outre mettre en œuvre un système national de plafonnement et d’échange pour les émissions au moyen d’un règlement qui sera pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (« LCPE »).

Le Cadre réglementaire vise à ce que les quantités d’émissions à l’étape de la production soient réduites de 35 % à 38 % sous les niveaux de 2019 d’ici 2030. Afin d’introduire une certaine souplesse, le gouvernement propose d’établir une « limite supérieure légale » qui permettrait de dépasser le plafond d’émissions jusqu’à concurrence de 131 à 137 mégatonnes d’équivalent de dioxyde de carbone (« CO2e »), ce qui correspondrait tout de même à une réduction de 20 % à 23 % par rapport au niveau de référence. Seront également introduits plusieurs mécanismes comme des crédits liés à la conformité, l’échange de droits d’émissions, des périodes de conformité pluriannuelles, la mise en réserve de crédits et diverses autres mesures compensatoires. Les droits d’émissions seront propres à ce programme et ne pourront pas être échangés sous d’autres systèmes de tarification du carbone ou d’autres cadres réglementaires; l’allocation des unités d’émissions a en outre été conçue pour diminuer graduellement en vue de permettre l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050.

Le Cadre réglementaire s’appliquera aux producteurs et aux usines de valorisation de pétrole, aux usines de production et de traitement du gaz naturel ainsi qu’aux centrales de gaz naturel liquéfié. Les activités de raffinage et les activités en aval continueront d’être régies par le Règlement sur les combustibles propres. Le Cadre réglementaire est actuellement en cours d’élaboration. Il devrait être adopté par l’entremise de règlements d’ici 2025, et entrer pleinement en vigueur d’ici 2030.

Règlement sur l’électricité propre

D’ici 2025, le Canada prévoit aussi l’entrée en vigueur du Règlement sur l’électricité propre en vertu de la LCPE, qui exigera que les installations de production d’électricité fonctionnent à une intensité inférieure ou égale à 30 tonnes de CO2 par gigawattheure (« GWh ») d’ici 2035 (la « norme de rendement »). Cette norme entraînera des coûts plus élevés pour les entreprises exerçant leurs activités dans des provinces dont la production d’électricité dépend largement des combustibles fossiles que pour celles qui ont davantage recours à des énergies propres.

La création d’un réseau électrique carboneutre, comme le souligne le gouvernement, devra se faire de manière à ce que les efforts de décarbonisation ne nuisent pas à la fiabilité du réseau ni à l’abordabilité de l’électricité. Cela n’est toutefois pas gagné d’avance, notamment à cause des technologies déjà en place et des coûts connexes. Les provinces qui dépendent fortement des combustibles fossiles, notamment l’Alberta, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse, verront leurs dépenses d’investissement augmenter pour ce qui touche les énergies et technologies propres et les infrastructures. Les entreprises qui exercent leurs activités à ces endroits pourraient par ailleurs avoir de la difficulté à maintenir leur abordabilité et leur avantage concurrentiel, les coûts liés à la production d’électricité propre devant en partie se répercuter sur les contribuables.

Diverses initiatives fédérales, par exemple certains des crédits d’impôt annoncés dans le budget de 2023, visent à soutenir les investissements dans l’énergie propre. Cette aide financière pourrait être tributaire d’engagements provinciaux à se conformer aux politiques énergétiques du Parlement. Les provinces comme l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique, le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador, qui disposent de centrales hydroélectriques ou nucléaires, ne devront pas engager les mêmes coûts et pourraient même tirer un avantage concurrentiel de leur profil d’émissions plus faibles.

Conclusion

Malgré certaines avancées, le Canada est susceptible de ne pas atteindre ses objectifs de réduction des émissions d’ici 2030. Les politiques actuelles, même si elles sont resserrées, pourraient s’avérer insuffisantes pour atteindre le seuil minimal de réduction des émissions, soit 40 % par rapport aux niveaux de 2005.  De plus, même si l’engagement du Canada représente une étape importante dans le chemin vers une économie carboneutre, il est crucial pour les acteurs des secteurs visés de se tenir au courant de ce que fait le gouvernement à ce titre, notamment les mesures législatives qu’il prend, ses réponses à divers enjeux juridiques et les initiatives qu’il met en place pour atteindre les cibles de 2030.

Les projets de Règlement sur l’électricité propre et de plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier marquent un virage important dans la politique énergétique du Canada, qui touchera les entreprises à l’échelle mondiale. Pour atteindre les cibles de réduction des émissions établies, assurer la sécurité énergétique et favoriser la croissance économique, il est important de mettre en place des politiques claires, des mesures incitatives et des cadres réglementaires précis. Compte tenu des décisions d’investissement qu’il reste à prendre, des obstacles réglementaires à surmonter et des travaux de construction à entreprendre, l’échéance de 2030 arrive à grands pas. Si les intentions du gouvernement fédéral demeurent les mêmes, il sera crucial pour les entreprises de mettre la dernière main à leur approche rapidement afin de ne pas prendre de retard.

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