une main qui tient une guitare

Perspectives

Une victoire majeure pour un accès significatif à l’éducation dans la langue officielle minoritaire au Canada

Le 8 décembre 2023, dans l’affaire Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest c. Territoires du Nord-Ouest (Éducation, Culture et Emploi), 2023 CSC 31, la Cour suprême du Canada (CSC) a confirmé à l’unanimité le rôle important des droits à l’instruction dans la langue officielle minoritaire en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) pour tous les parents et gardiens d’enfants au Canada. Avec cette décision, la plus haute cour du Canada a envoyé un message fort aux tribunaux et aux décideurs administratifs pour s’assurer qu’ils prennent en compte le rôle essentiel que joue l’éducation dans la préservation de la langue officielle minoritaire quand ils prennent des décisions discrétionnaires liées aux protections constitutionnelles.

Les parents ayants droit contre les parents non‑ayants droit

Cette affaire concerne les Territoires du Nord-Ouest, où le français est une langue minoritaire, et porte sur les droits constitutionnels des parents « non‑ayants droit» qui souhaitent envoyer leurs enfants dans une école francophone.

En vertu de l’article 23 de la Charte, les citoyens canadiens qui ont appris et comprennent encore la langue officielle minoritaire de leur province, ou qui ont reçu un enseignement primaire ou secondaire dans la langue officielle minoritaire de leur province, ont le droit de faire en sorte que leurs enfants reçoivent un enseignement primaire et secondaire dans cette langue officielle minoritaire. Il s’agit de personnes dites titulaires de droits. Cependant, les parents ou les tuteurs légaux peuvent également être « non titulaires de droits » lorsqu’ils ne satisfont pas aux exigences spécifiques de l’article 23 pour diverses raisons, par exemple lorsqu’ils n’ont pas la citoyenneté canadienne ou lorsqu’ils ne parlent pas l’autre langue officielle en tant que deuxième langue.

Dans cette affaire, plusieurs parents « non titulaires de droits » ayant des liens avec la communauté francophone ont cherché à faire admettre leurs enfants dans une école francophone. Leur admissibilité dépendait d’une directive ministérielle qui énonçait trois circonstances dans lesquelles les enfants de parents non-ayants droit pouvaient être admis :

  1. le parent ou le grand-parent de l’enfant aurait été titulaire de droits n’eût été du manque de possibilités de fréquenter une école francophone;
  2. le parent répondrait aux critères de l’article 23 s’il était citoyen canadien; et
  3. le parent est un nouvel immigrant dont l’enfant ne parle ni anglais ni français et qui s’inscrit pour la première fois dans une école canadienne.

Les parents ne répondaient pas aux critères de la directive et ont demandé à la ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire résiduel, en dehors de la directive, pour admettre les enfants dans les écoles de français langue première. La ministre a refusé de le faire. Les parents, avec le soutien de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO), ont saisi la Cour d’appel d’une demande de contrôle judiciaire. La Cour d’appel a annulé la décision initiale, mais la majorité a néanmoins estimé qu’il n’y avait pas d’obligation légale ou constitutionnelle d’admettre l’enfant d’un parent non titulaire de droits (2021 NWTCA 8). L’affaire a fait l’objet d’un recours devant la Cour suprême.

La question

La CSC a dû à son tour déterminer si les parents non titulaires de droits qui avaient néanmoins des liens avec la communauté francophone pouvaient faire admettre leurs enfants dans une école francophone.

Les Conseils scolaires de la minorité linguistique officielle sont essentiels aux communautés linguistiques minoritaires

La CSC a confirmé que les milieux scolaires sont des lieux de socialisation où les élèves peuvent développer leur potentiel dans leur propre langue et se familiariser avec leur culture. Ainsi, ils sont essentiels à la protection des droits linguistiques de la minorité. Au lieu d’adopter une interprétation étroite de l’article 23, la CSC a confirmé le droit à l’enseignement dans la langue officielle minoritaire aux enfants de parents non titulaires de droits, dans la mesure où ils font preuve d’un engagement véritable envers les communautés francophones. Ce faisant, elle a établi que le maintien des conseils scolaires de la minorité officielle linguistique favorise la vitalité des communautés linguistiques minoritaires dans lesquelles ils sont situés.

À ce titre, la CSC a conclu que la ministre avait exagéré à la fois son obligation de prendre des décisions cohérentes et le coût des services envisagés, ce qui rendait la décision de la ministre déraisonnable.

Mises en garde et pistes à suivre

Cette décision est loin de permettre l’accès à l’enseignement dans la langue de la minorité officielle pour tous les enfants du pays. Avec cette décision, toutefois, la CSC insiste sur le fait que les demandes d’admission de personnes autrement inadmissibles doivent toujours être évaluées avec soin, analysées individuellement et comprises dans le contexte de la communauté linguistique minoritaire en question. Ce n’est qu’à cette condition que les droits linguistiques de la minorité et les communautés linguistiques minoritaires peuvent être véritablement protégés par la Charte.

Cette décision a également réaffirmé l’actualité du cadre d’analyse de Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12 dans le droit administratif canadien, en clarifiant pour les décideurs qu’ils doivent considérer la pertinence des protections et des valeurs de la Charte – et accorder le poids nécessaire à ces considérations – même lorsque les demandeurs n’ont pas les connaissances nécessaires pour soulever ces questions de leur propre chef. La décision d’un décideur administratif sera déraisonnable et annulée s’il ne prend pas les mesures qui lui sont raisonnablement accessibles pour limiter la restriction des protections de la Charte.

Pour plus d’information, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-dessous. Depuis des décennies, BLG sert les intérêts et les besoins des conseils scolaires francophones de tout l’Ontario. Les avocats de notre groupe de pratique national sur les conseils scolaires offrent une gamme complète de services aux conseils scolaires francophones, notamment en matière de travail et d’emploi, de droit de l’éducation, de gouvernance, de litige, de droit constitutionnel et de services immobiliers. Si vous avez des questions concernant cet article, les droits des francophones ou les autres services que nous offrons aux conseils scolaires, veuillez communiquer avec John-Paul Alexandrowicz, le coprésident du groupe de pratique national des conseils scolaires, ou Kate Agyemang, qui pratiquent le droit en français pour les conseils scolaires francophones et les associations de conseils scolaires.


Pour obtenir de plus amples renseignements sur Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest v. Northwest Territories (Education, Culture and Employment), 2023 SCC 31, vous pouvez consulter notre précédent article.

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