Une nouvelle loi relative à l’esclavage moderne a été adoptée au Canada; elle étendra l’interdiction d’importation existante aux marchandises produites par recours au travail forcé, en plus d’imposer une nouvelle obligation de déclaration à des milliers d’entreprises canadiennes. Le projet de loi S-211, à savoir la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, a été adopté lors du vote final de la Chambre des communes le 3 mai 2023.
Maintenant qu’elle a reçu la sanction royale le 11 mai 2023, la nouvelle loi entrera en vigueur le 1erjanvier 2024. Les entités commerciales devront soumettre leurs premiers rapports annuels au gouvernement fédéral en ce qui concerne le travail forcé et le travail des enfants le 31 mai de cette même année. Le gouvernement a cependant indiqué qu’il n’excluait pas de repousser l’entrée en vigueur d’une partie ou de la totalité des exigences du projet de loi S-211. Il n’est pas clair si ce report s’appliquera uniquement aux exigences de déclaration ou s’il touchera également les changements aux interdictions d’importation.
Ne tardez pas à examiner votre chaîne d’approvisionnement
1. Préparer votre première déclaration au gouvernement fédéral
Les entreprises qui répondent aux critères de déclaration du projet de loi-211 ont un an pour se préparer à soumettre leur premier rapport. Les entités assujetties devront déposer leur déclaration auprès du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et la publier sur leur site Web au plus tard le 31 mai de chaque année. Il leur incombera également de la communiquer à leurs actionnaires (d’ici la même date limite) si elles sont constituées aux termes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
Entamer le processus sans tarder est l’une des recommandations contenues dans notre article du mois d’avril sur le projet de loi S-211 et les principaux détails à prendre en compte.
Nouvelles obligations de déclaration pour des milliers d’organisations
Parmi les entités fermées qui devront produire des déclarations chaque année, mentionnons les personnes morales, les sociétés de personnes, les fiducies et toute autre organisation non constituée en personne morale qui commercialise des biens (ou contrôle une entité qui le fait) et qui:
- est cotée à une bourse canadienne;
- a un établissement au Canada et remplit au moins deux des conditions suivantes:
- possède des actifs d’une valeur d’au moins 20M$;
- génère des revenus d’au moins 40 M$;
- emploie au moins 250 personnes.
Les organismes gouvernementaux seront soumis à des obligations de déclaration similaires.
2. Prévoir de nouveaux défis et risques liés à l’approvisionnement et à la gestion de marchandises importées
En plus des nouvelles exigences de déclaration annuelle, le projet de loi S-211 précise la définition de « travail des enfants » (qu’il soit forcé ou non) et renouvelle celle de « travail forcé» aux fins de l’élargissement de l’interdiction d’importation. Ces changements élargissent la portée de ce qui constitue du travail forcé ou du travail des enfants.
La nouvelle loi braque les projecteurs sur ces enjeux et accorde une attention particulière à la mise en place de politiques conformes, signalant que l’application de l’interdiction d’importation qu’elle introduit sera dorénavant prioritaire au Canada. Les entreprises qui importent des marchandises ou utilisent des marchandises importées gagneront à examiner leurs activités, leur réseau de fournisseurs et leurs relations d’affaires afin de repérer et de gérer adéquatement les risques découlant de l’interdiction d’importation.
Évaluez les risques de votre chaîne d’approvisionnement et élaborez des stratégies avec BLG
BLG peut vous aider à effectuer un examen de votre chaîne d’approvisionnement, à évaluer votre incidence sur les droits de la personne et à revoir vos politiques de conformité et vos procédures normalisées. Nous pouvons aussi vous conseiller sur la gestion éthique des chaînes d’approvisionnement et sur la préparation au projet de loi S-211.
Importateurs canadiens
Dans le cadre des négociations entourant l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, le Canada a interdit l’importation de marchandises produites en totalité ou en partie par du travail forcé. Cette restriction n’est toutefois pas appliquée très rigoureusement depuis son entrée en vigueur il y a trois ans. Nous nous attendons à ce que cela change avec l’adoption du projet de loi S-211, qui vise à attirer l’attention du public sur la question et à renforcer les politiques à ce sujet.
L’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »), organisme fédéral, a de vastes pouvoirs en vertu de la Loi sur les douanes afin de faire respecter la nouvelle interdiction d’importation. Elle peut non seulement contrôler les marchandises qui entrent au Canada, mais aussi celles qui sont transmises et vendues à des intermédiaires et utilisateurs finaux au pays. Elle est en outre en droit d’examiner, de saisir et de détruire des biens qu’elle soupçonne provenir de travail forcé, ainsi que de confisquer des éléments de preuve connexes et de collecter des confiscations compensatoires (réclamation du montant d’un bien lorsque la saisie est impossible ou irréaliste). L’ASFC peut exercer ses pouvoirs aux douanes et après l’importation, la vente ou le transfert de marchandises au Canada.
Les entreprises canadiennes qui importent des biens ou utilisent des biens importés sont susceptibles d’être visées et doivent agir pour cibler et réduire les risques auxquels elles sont exposées. Notre article sur l’incidence du projet de loi S-211 sur les interdictions d’importation (en anglais) vous offrira davantage de renseignements sur le sujet et les manières dont BLG peut vous épauler.
Sociétés ouvertes
Il est possible que certaines sociétés ouvertes ne voient pas les nouvelles exigences du projet de loi S-211 comme une priorité puisqu’elles n’émanent pas des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM »). Par contre, l’ensemble des personnes morales, des sociétés de personnes, des fiducies et des organisations non constituées en personne morale qui sont cotées à une bourse canadienne devront s’y conformer si elles produisent, vendent, distribuent ou importent des marchandises, ou si elles contrôlent une entité qui s’adonne à ces activités. Puisque les risques liés au travail forcé et au travail des enfants peuvent être considérés comme des risques importants pour les entités cotées en bourse au Canada, les sociétés émettrices y portent déjà une attention particulière, mais le projet de loi S-211 pourrait accentuer encore davantage leur importance.
Notablement, la nouvelle obligation de déclaration annuelle différera des obligations d’information continue auxquelles les sociétés ouvertes sont soumises en ce moment, car les rapports ne seront pas déposés sur SEDAR ni auprès des ACVM. En revanche, les principes généraux s’appliquant à l’information continue, entre autres ceux concernant la communication sélective d’information, l’importance relative et l’information prospective devront être pris en compte lors de la préparation d’un rapport en vertu du projet de loi S-211. Que vous soyez à risque en raison de cette nouvelle législation ou que vous souhaitiez simplement revoir vos politiques de gouvernance et votre code de déontologie afin d’assurer votre conformité, BLG peut vous aider à mettre la table pour votre première déclaration.
Nous avons d’ailleurs exploré comment les sociétés ouvertes peuvent s’adapter aux exigences du projet de loi S-211 dans un autre article; consultez-le ici.
Autres entités déclarantes
Il convient de souligner que le manquement aux nouvelles obligations constituera une infraction passible d’une amende maximale de 250 000 $; elle engagera par ailleurs la responsabilité des administrateurs et des dirigeants.
Les facteurs de risque varient notamment par secteur et selon la portée géographique d’une organisation, les matériaux et intrants qu’elle utilise, sa taille, la complexité de ses activités et ses cadres de gestion des risques existants; il est donc généralement judicieux d’opter pour une solution personnalisée. BLG peut vous aider à cibler les principaux risques auxquels votre organisation est exposée et les enjeux juridiques afférents, et ensuite travailler avec vous ou vos consultants à élaborer et mettre en œuvre des politiques, des mécanismes contractuels et d’autres outils qui pourraient vous être utiles.
Pour plus de détails sur les pratiques optimales en matière de déclaration pour les entreprises canadiennes, consultez notre article à ce sujet.
Communiquez avec nous
Pour obtenir plus d’information sur les sujets abordés dans le présent article ou pour préparer votre stratégie en vue de l’entrée en vigueur du projet de loi S-211, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs, l’une des personnes-ressources ci-dessous ou les membres de nos groupes Commerce international et investissements et Activités internationales et droits de la personne.