une main qui tient une guitare

Perspectives

Causes portées devant les cours d’appel provinciales du Canada

Les cours d’appel façonnent le paysage juridique canadien en tranchant des questions d’actualité comme le droit à la vie privée, la liberté d’expression, l’incidence des transactions de sociétés, la réglementation du cannabis, ainsi que la constitutionnalité des lois sur l’impact environnemental et des dispositions sur les services à l’enfance et à la famille dans les communautés autochtones. Dans cet article, nous avons ciblé les principales décisions des cours d’appel provinciales et les procès à surveiller en 2022.

Ontario

Ontario (Attorney General) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), 2022 ONCA 74

Points à retenir

  • La Cour d’appel de l’Ontario était divisée quant à la manière d’interpréter le paragraphe 12(1) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, lequel exempte de la divulgation les documents qui auraient pour effet de « révéler l’objet des délibérations du Conseil exécutif ou de ses comités ».
  • L’objectif de ce paragraphe est d’établir un équilibre entre l’intérêt public à la divulgation des activités gouvernementales et le droit du gouvernement de délibérer à huis clos.
  • Un document tombera sous le coup de l’exception s’il existe un lien entre ce dernier et l’objet des délibérations du Conseil exécutif.

Contexte

La Canadian Broadcasting Corporation (CBC) a demandé d’obtenir des copies des lettres que le premier ministre Doug Ford a envoyées aux membres du Conseil des ministres de l’Ontario après l’élection de 2018. Le Bureau du Conseil des ministres a refusé la demande en se fondant sur l’exception prévue par le paragraphe 12(1) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée.

Lors de l’appel interjeté par la CBC, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario (CIPVP) a ordonné la divulgation des lettres, estimant que le paragraphe 12(1) ne s’appliquait pas et que le procureur général de l’Ontario ne s’était pas acquitté de son fardeau de prouver l’existence d’un lien entre les lettres et les délibérations passées ou futures du Conseil des ministres.

La Cour divisionnaire a rejeté la demande de révision judiciaire présentée par le procureur général de l’Ontario au motif que la décision du CIPVP était raisonnable. Une majorité des juges de la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel, malgré la dissidence du juge Lauwers, qui a estimé que le paragraphe 12(1) avait été interprété de manière trop étroite. Le juge Sossin, s’exprimant en son nom et en celui de la juge Gillese, a conclu que l’exercice par le CIPVP du pouvoir conféré par la loi d’accorder un droit d’accès aux lettres était raisonnable et conforme aux objectifs de la loi et à l’exception prévue par le paragraphe 12(1).

Une majorité des juges de la Cour d’appel de l’Ontario a déterminé que le paragraphe 12(1) protège les documents portant sur des délibérations. Un document qui énonce des décisions sans toutefois divulguer le processus de délibération utilisé ne tombe pas sous le coup de l’exception. Le CIPVP a reconnu que le paragraphe 12(1) établit un équilibre entre le droit des citoyens de savoir ce que fait le gouvernement et le droit du gouvernement d’envisager des solutions à huis clos.

Cette affaire est toutefois loin d’être terminée. Le 19 mai 2022, la Cour suprême du Canada (CSC) a accordé l’autorisation d’interjeter appel. La date de l’audience n’a pas encore été fixée. L’interprétation du paragraphe 12(1) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée sera probablement la principale question examinée dans le cadre de l’appel.

Colombie-Britannique

Teal Cedar Products Ltd. v. Rainforest Flying Squad, 2022 BCCA 26

Points à retenir

  • La Cour d’appel de la Colombie-Britannique (CACB) a confirmé que la primauté du droit constitue le principal intérêt public lorsqu’il s’agit d’accorder ou de prolonger des injonctions.
  • L’injonction demeure l’outil privilégié des parties qui font face à une ingérence substantielle dans leurs activités privées.
  • La CACB a affirmé que les entités privées peuvent demander et invoquer des injonctions lorsque leurs droits sont violés par des actes de désobéissance civile pouvant fait l’objet d’une intervention policière.

Contexte

L’exploitation des forêts anciennes en Colombie-Britannique fait l’objet d’un grand débat public et de vives protestations depuis des décennies. En août 2020, des manifestants opposés à l’abattage des forêts anciennes du bassin de Fairy Creek, sur l’île de Vancouver, ont bloqué des routes à divers endroits à l’intérieur et autour des terres contrôlées par Teal Cedar Products Ltd. (Teal Cedar), un exploitant forestier. L’entreprise a obtenu une injonction.

En 2021, Teal Cedar a demandé une prolongation d’un an de l’injonction. Le juge en cabinet a refusé la demande, mettant l’accent sur sa conclusion selon laquelle la prolongation de l’injonction porterait atteinte à la réputation de la cour en raison de l’inconduite des services policiers.

Le juge en cabinet a déterminé qu’il n’existait pas de lacune qui justifierait une injonction dans l’application de la loi de la part du procureur général et des services policiers. Le juge de la CACB a conclu que l’absence de lacune dans l’application de la loi faisait diminuer le poids à accorder à l’intérêt public dans le maintien de la primauté du droit et la nécessité d’empêcher les actes de désobéissance civile au moyen d’une injonction.

Dans une décision unanime, la CACB a accueilli l’appel de Teal Cedar et prolongé l’injonction interdisant les actes illégaux des manifestants. Elle a en effet estimé que le juge en cabinet avait commis une erreur en procédant à une analyse des lacunes dans l’application de la loi, en statuant que la réputation de la cour serait ternie par le maintien de l’injonction et en accordant un poids insuffisant à l’intérêt public dans le maintien de la primauté du droit.

Elle a souligné que la simple existence du droit criminel n’empêche pas l’octroi ou la prolongation d’une injonction civile protégeant une entité privée contre une ingérence illégale dans l’exercice de ses droits. Elle a également noté que si la conduite d’une partie peut s’avérer pertinente pour l’octroi ou la prolongation d’une injonction, les gestes de tiers, comme la Couronne ou la police, ne sont pas des facteurs significatifs. La CACB a également jugé que la conduite des services policiers n’entachait pas la réputation de la cour, la police et la cour étant distinctes sur le plan constitutionnel.

Le 28 mars 2022, une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada a été déposée. Il est possible que le plus haut tribunal du pays se prononce sur la question de savoir si l’inconduite des services policiers est un facteur pertinent lorsqu’il s’agit de prolonger une injonction.

Alberta

Reference re Impact Assessment Act, 2022 ABCA 165

Points à retenir

  • Cette décision représente un changement majeur dans le droit constitutionnel concernant l’autorité fédérale à l’égard des évaluations environnementales, question sur laquelle la CSC ne s’est pas penchée depuis 1993.
  • L’affaire vient s’ajouter à un corpus de décisions récentes en pleine croissance qui remet en question les délimitations des compétences provinciales et fédérales sur les récentes initiatives législatives en matière d’environnement et s’inscrit dans une tendance où divers ordres de gouvernement sont de plus en plus disposés à légiférer sur les questions environnementales.

Contexte

Le 10 mai 2022, la Cour d’appel de l’Alberta (CAA) a rendu sa décision très attendue sur la constitutionnalité de deux instruments fédéraux, la Loi sur l’évaluation d’impact (« LEI ») et le Règlement sur les activités concrètes. Après avoir examiné des questions législatives et constitutionnelles complexes, la CAA a jugé que la LEI modifierait de façon permanente la répartition des pouvoirs et placerait à jamais les gouvernements provinciaux dans un étau économique contrôlé par Ottawa.

La majorité des juges de la CAA sont partis du principe que l’environnement n’est pas un chef de compétence attribué au Parlement ou aux provinces en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, et que les questions environnementales peuvent donc présenter des aspects provinciaux et fédéraux. Les juges majoritaires ont statué que les projets seront soumis à une surveillance environnementale fédérale uniquement s’ils sont liés, d’une manière ou d’une autre, à un chef de compétence fédéral.

Ils ont également déterminé le caractère véritable de la LEI à la lumière de son objectif et de ses effets juridiques et pratiques. Ils ont conclu que l’objectif principal de la loi est d’établir un régime fédéral d’évaluation d’impact et de réglementation qui exige l’évaluation, la surveillance fédérale et l’approbation de tous les effets des activités désignées par le pouvoir exécutif fédéral.

Selon cette définition, les juges majoritaires ont affirmé que la loi empiétait sur les compétences et les droits de propriété des provinces sur leurs terres et leurs ressources publiques. Parallèlement, ils ont conclu que la loi ne relevait pas des chefs de compétence fédéraux, à savoir la paix, l’ordre et le bon gouvernement.

Malgré la vive critique des juges majoritaires de la CAA à l’égard de la position du Canada sur la LEI, le dernier mot ira à la CSC, le gouvernement fédéral ayant déposé un avis d’appel le 8 juin 2022. D’ici là, comme la décision constitue une référence ou un avis consultatif, nous nous attendons à ce que la LEI demeure en vigueur.

Québec

Chandler c. Volkswagen Aktiengesellschaft, 2022 QCCA 272

Points à retenir

  • Au Québec, dans une action collective, des arguments sur la compétence territoriale peuvent être soulevés au stade de l’autorisation ou du jugement sur le fond, ou aux deux occasions. Le fait de ne pas soulever un argument au stade de l’autorisation ne constitue pas une admission de la compétence territoriale du tribunal ou une renonciation à faire valoir l’argument en question.
  • Il est possible de rejeter une action collective au fond pour défaut de compétence territoriale, et ce, même si la compétence a été jugée suffisante de prime abord au stade de l’autorisation.
  • La Cour d’appel du Québec a clarifié les facteurs à prendre en compte pour établir le lieu de la perte économique subie dans le cadre de la dépréciation de valeurs mobilières.

Contexte

Lawrence Chandler a été autorisé à introduire une action collective contre Volkswagen AG au nom de l’ensemble des investisseurs québécois. L’action collective découlait de la perte de valeur des titres achetés ou détenus auprès de Volkswagen AG à la suite du scandale lié aux émissions des moteurs diesel. Volkswagen AG a émis les titres en question au public à l’extérieur du Québec, à l’exception des obligations, qui ont été émises par voie privée par Volkswagen Credit Canada Inc. (VCCI), une filiale de Volkswagen AG. VCCI n’était pas partie à l’action. Les actions et les certificats américains d’actions étrangères ont été émis et négociés sur les bourses européennes et américaines, respectivement.

Chandler a fait valoir que Volkswagen AG avait choisi de se soumettre à la compétence des tribunaux québécois, principalement par des actions prises au stade de l’autorisation. La Cour d’appel du Québec a réaffirmé la distinction entre les stades de l’autorisation et du jugement sur le fond d’une action collective. Elle a également clarifié qu’une exception déclinatoire peut être soulevée au fond bien qu’elle n’ait pas été présentée ou ait été rejetée au stade de l’autorisation, puisque la décision alors rendue n’implique pas qu’il y ait chose jugée à ce stade.

La Cour a statué qu’aucun des facteurs de rattachement énumérés à l’article 3148 C.c.Q. ne relevait de la compétence des tribunaux québécois. Elle a conclu que la source du préjudice était déterminée par le lieu de formation des contrats d’achat de titres, en l’occurrence l’Europe et les États-Unis.

Le fait que les investisseurs aient donné à un courtier québécois la directive d’acheter des titres n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer le lieu de formation du contrat. En ce qui concerne les obligations émises par VCCI, la Cour d’appel du Québec a confirmé la décision de la juge de première instance et s’est dite d’accord avec sa conclusion selon laquelle aucun titre n’a été émis au public au Québec. Le nombre limité de placements privés dans la province n’était pas suffisant pour donner compétence aux tribunaux québécois, car la compétence doit être évaluée de manière globale pour tous les membres du groupe. Enfin, la Cour a statué qu’elle n’avait pas compétence en vertu de l’article 236.1 de la Loi sur les valeurs mobilières.

Le point sur les appels à venir au Canada

Working Families et al. v. Attorney General of Ontario (ONCA C70178/C70197/C70212)

Les 15 et 16 juin, la Cour d’appel de l’Ontario a entendu le pourvoi Working Families et al. v. Attorney General of Ontario (Working Families), qui portait sur la constitutionnalité des modifications apportées par le gouvernement de l’Ontario à la Loi sur le financement des élections sur le plan des droits démocratiques. L’appel portait en particulier sur le droit de vote en vertu de l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les modifications, qui imposent des restrictions supplémentaires liées aux activités de publicité politique exercées par des tiers, ont été jugées contraires à la liberté d’expression que protège l’article 2 de la Charte. Le législateur ontarien les a ensuite adoptées en invoquant la clause dérogatoire (article 33 de la Charte). Les tribunaux du pays, y compris la Cour d’appel de l’Ontario et la CSC, ont eu peu d’occasions de se prononcer sur les articles 3 et 33, surtout dans le contexte d’une loi jugée comme portant atteinte à un droit garanti par la Charte. La Cour d’appel de l’Ontario a pris la cause en délibéré.

Janick Murray-Hall c. Procureur général du Québec (CSC 39906)

Le 15 septembre, la CSC entendra le pourvoi Janick Murray-Hall c. Procureur général du Québec, qui porte sur la constitutionnalité de l’interdiction totale par le gouvernement du Québec de la possession et de la culture de plants de cannabis à des fins personnelles. La question est de savoir si l’organe législatif du Québec avait la compétence pour adopter les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis.

Dans l’affirmative, la Cour devra déterminer si les dispositions doivent être déclarées inopérantes puisque la doctrine de la prépondérance fédérale exigerait que le Québec se soumette à la Loi sur le cannabis du Canada. La Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec ne se sont pas entendues sur la constitutionnalité de ces dispositions. La décision de la CSC fournira des indications importantes sur la façon dont les provinces et territoires peuvent réglementer la possession de cannabis.

Glen Hansman c. Barry Neufeld (CSC 39796)

Dans la semaine du 10 octobre, la CSC entendra le pourvoi Glen Hansman c. Barry Neufeld, qui vise à déterminer si une action en diffamation devrait être rejetée en vertu de l’article 4 de la loi de la Colombie-Britannique interdisant les poursuites-bâillons, la Protection of Public Participation Act. Cette disposition prévoit qu’une poursuite peut être rejetée si elle est fondée sur une expression du défendeur relative à une question d’intérêt public, à moins, entre autres, que le préjudice subi en raison de l’expression justifie une poursuite.

Dans le cas qui nous intéresse, un enseignant au secondaire agissant également comme président de la British Columbia Teachers’ Federation, s’est prononcé sur des critiques formulées par un conseiller élu d’un conseil scolaire public au sujet de ressources pédagogiques faisant la promotion de l’inclusion quant à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. La Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ne se sont pas entendues sur le rejet de l’action. La CSC déterminera si la poursuite de l’action doit être autorisée et, ce faisant, donnera des précisions sur l’application des lois interdisant les poursuites-bâillons dans les situations où l’expression du défendeur est formulée à la défense d’un groupe vulnérable de la société.

Deans Knight Income Corporation c. Sa Majesté la Reine (CSC 39869)

Au cours de la semaine du 31 octobre, la CSC entendra le pourvoi Deans Knight Income Corporation c. Sa Majesté la Reine, qui porte sur la signification du terme « contrôle » aux fins de la disposition générale anti-évitement de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Cette affaire porte sur une société qui comptait autour de 90 millions de dollars en pertes autres qu’en capital et autres déductions non déclarées. Cette dernière a cherché à réaliser la valeur de ces attributs fiscaux et a conclu une entente avec une société qui possédait de l’expertise dans l’organisation de telles opérations. L’ARC a refusé les déductions au motif que la disposition générale anti-évitement s’appliquait par suite de l’acquisition du contrôle de la société. La Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale n’étaient pas d’accord sur la question de savoir si les déductions devaient être autorisées. Cet appel aidera les sociétés à comprendre ce que signifie prendre le « contrôle » d’une société au sens de la disposition générale anti-évitement, en plus de clarifier la façon de gérer les obligations fiscales des entreprises.

Broutzas v. Rouge Valley Health System (Div Ct No. 760-18)

Les 14 et 15 novembre, la Cour divisionnaire de l’Ontario entendra le pourvoi Broutzas v. Rouge Valley Health System. Cet appel porte sur l’autorisation de deux demandes d’action collective alléguant que deux hôpitaux doivent être tenus responsables de négligence et d’intrusion dans l’intimité puisque des membres de leur personnel ont vendu les coordonnées de patients à des représentants en REEE.

Évoquant l’absence de base factuelle, le tribunal de première instance a refusé d’accorder une autorisation. Il a statué que le délit d’intrusion dans l’intimité ne couvre que les atteintes importantes à la vie privée, un seuil élevé que n’atteint pas la communication des coordonnées d’un patient ou de renseignements sur la grossesse ou l’accouchement. Le tribunal a également déterminé que l’allégation de négligence n’était pas fondée puisqu’il n’existait aucune preuve qu’un représentant ou un membre de l’action collective avait subi un dommage indemnisable. Cet appel permettra de clarifier les paramètres du délit d’intrusion dans l’intimité, un concept relativement nouveau.

Renvoi à la Cour d’appel du Québec relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (CSC 40061)

La semaine du 5 décembre, la CSC entendra un renvoi relatif à la constitutionnalité de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Le gouvernement fédéral a adopté cette loi en juin 2019 pour régir la conception et la prestation des services à l’enfance et à la famille dans les communautés autochtones. La Cour d’appel du Québec a statué que la loi n’outrepasse pas la compétence du gouvernement fédéral, car son utilisation d’un langage général la rend compatible avec la législation québécoise sur la protection de la jeunesse.

Elle a toutefois conclu que les dispositions conférant un droit absolu aux peuples autochtones de réglementer les services à l’enfance et à la famille outrepassent la compétence du gouvernement fédéral puisqu’elles modifient l’architecture constitutionnelle. Cet appel fournira d’importantes indications sur la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral peut régir les affaires privées des communautés autochtones, notamment en ce qui touche les services à la famille et à l’enfance.

Hak c. Procureur général du Québec (QCCA 500-09-029546-215)

C’est à l’automne que la Cour d’appel du Québec entendra le pourvoi Hak c. Procureur général du Québec et rendra sa décision très attendue sur la constitutionnalité de la Loi sur la laïcité de l’État, bien connue sous le nom de « loi 21 ». Les articles 6 et 8 de la loi interdisent aux personnes qui travaillent pour certaines institutions publiques de porter des symboles religieux au travail et de se couvrir le visage dans l’exercice de leurs fonctions publiques. Le législateur québécois a adopté la loi en invoquant la clause dérogatoire (article 33) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui permet à une loi d’être édictée même s’il y a violation des articles 2 ou 7 à 15 de la Charte.

Le tribunal inférieur n’a pas, pour l’essentiel, modifié la loi intacte, estimant que la clause dérogatoire pesait contre l’assujettissement de la plupart des dispositions du projet de loi 21 à l’examen de la Charte, car la loi demeurerait en vigueur malgré la constatation d’une violation.

Les seules dispositions invalidées sont celles qui ont été jugées contraires aux articles 3 et 23, qui portent respectivement sur les droits démocratiques et les droits des langues minoritaires. En effet, la clause dérogatoire ne peut pas l’emporter sur ces droits garantis par la Charte. À l’instar de la situation entourant l’affaire Working Families, les tribunaux du pays ont eu peu d’occasions, récemment, de se prononcer sur la manière dont l’article 33 s’applique lorsqu’il est allégué qu’une loi porte atteinte à un droit garanti par la Charte.

Reference re Impact Assessment Act (CSC 40195)

Lors d’une audience dont la date n’a pas encore été fixée, la CSC entendra un renvoi sur la constitutionnalité de la Loi sur l’évaluation d’impact et du Règlement sur les activités concrètes, des instruments fédéraux portant sur l’évaluation des impacts environnementaux et autres des projets réalisés sur les terres fédérales. La majorité des cinq juges de la CAA ayant entendu l’appel a estimé que la loi vise principalement les projets de combustibles fossiles et d’autres projets intraprovinciaux comme le transport ferroviaire, la lutte contre les inondations et les parcs solaires et éoliens.

Les juges majoritaires ont donc trouvé que la loi outrepasse la compétence du gouvernement fédéral puisqu’elle soumettrait le développement provincial des ressources naturelles aux lois fédérales.

Un juge de la formation a exprimé sa dissidence, concluant que le Règlement sur les activités concrètes cible les effets relevant de la compétence fédérale et demandant que les législatures fédérales et provinciales collaborent selon la doctrine du double aspect. La décision de la CSC contribuera à établir les limites juridictionnelles pour les représentants gouvernementaux désireux de réglementer les questions environnementales à l’échelle du pays.

Si vous avez des questions sur l’une ou l’autre des affaires susmentionnées, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous. Les auteurs et autrices tiennent à remercier Anthony Cianfarani, Bunisha Samuels, Hülya Miclisse-Polat, Natalia Paunic et Rachel Toope pour leur soutien dans la préparation du présent article.

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