Introduction
Le 23 février 2022, la Cour d’appel a rendu un jugement clé en matière de valeurs mobilières dans l’arrêt Chandler v. Volkswagen Aktiengesellschaft, 2022 QCCA 272. Cet arrêt a des répercussions importantes sur la portée de la Loi sur les valeurs mobilières pour les émetteurs étrangers et apporte des précisions sur la compétence territoriale des tribunaux québécois en action collective.
La Cour d’appel confirme ainsi la décision de première instance qui accueille le moyen déclinatoire de Volkswagen Aktiengesellschaft (« Volkswagen AG »), rejetant l’action collective du demandeur Lawrence Chandler (« Chandler ») en raison de l’absence de compétence territoriale des tribunaux québécois.
La cause en bref
M. Chandler avait été autorisé à intenter une action collective à l’encontre de Volkswagen AG (Chandler v. Volkswagen Aktiengsellschaft, 2018 QCCS 2270). Le recours vise à indemniser les investisseurs qui auraient subi des pertes en lien avec la baisse de valeur des titres de Volkswagen AG, une entité allemande, à la suite de la divulgation du scandale des émissions.
Points à retenir
La Cour d’appel confirme qu’aucun des facteurs de rattachement énumérés à l’article 3148 C.c.Q. n’est effectivement rencontré. Cet arrêt est significatif pour plusieurs raisons :
La possibilité de contester la compétence territoriale après l’autorisation de l’action collective. La Cour d’appel confirme qu’il est possible de contester d’abord l’autorisation d’une action collective et, par la suite, de soulever au fond le défaut de compétence territoriale sans qu’il n’y ait eu reconnaissance par le défendeur de la compétence des tribunaux québécois. La Cour d’appel vient ainsi clarifier qu’une exception déclinatoire peut être soulevée au fond bien qu’elle n’ait pas été présentée ou ait été rejetée au stade de l’autorisation, puisque la décision alors rendue n’implique pas qu’il y ait chose jugée à ce stade.
Le « placement » d’une valeur et l’article 236.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM). L’appelant invoquait l’article 236.1 LVM qui stipule que l’action en justice fondée sur des faits reliés au placement d’une valeur peut être portée devant le tribunal de la résidence du demandeur. La Cour d’appel conclut qu’il n’y a pas ici de « placement d’une valeur » au sens de l’article 5 de la LVM puisqu’aucun titre n’a été émis par la défenderesse au Québec. Cette conclusion est significative puisqu’elle restreint, à raison, le champ d’application de l’article 236.1 LVM. Comme le remarque la Cour, l’interprétation proposée par l’appelant aurait permis à tout investisseur québécois de poursuivre au Québec pour des titres acquis à l’étranger.
La nécessité d’un lien réel et substantiel applicable à l’ensemble du groupe. S’appuyant notamment sur l’arrêt Sanexen1 et les principes généraux gouvernant l’action collective au Québec, la Cour d’appel confirme la nécessité de démontrer l’existence d’un lien réel et substantiel pour l’ensemble des membres du groupe. En somme, il n’est pas possible d’accrocher artificiellement la compétence des tribunaux québécois en amalgamant plusieurs causes d’action.
Le mandataire et la notion de « préjudice » pour la détermination de la compétence. La Cour rappelle qu’un préjudice économique doit être subi et non simplement constaté au Québec. La Cour d’appel conclut que la source du préjudice est ici déterminée par le lieu de formation des contrats d’achat de titres, soit à l’étranger dans le cas présent. Le fait que les investisseurs aient donné au Québec la directive d’acheter des titres n’est pas pertinent.
Aucune faute n’a été commise au Québec. Le fait qu’un investisseur ait eu accès au Québec à des documents préparés en Allemagne contenant potentiellement des fausses représentations ne constitue pas une faute au sens de 3148 (3) C.c.Q. Pour que les tribunaux québécois aient compétence, les documents en question auraient dû, par exemple, avoir été préparés ou publiés au Québec.
1 Sanexen Services environnementaux inc. c. Englobe Corp., 2021 QCCA 1284.