Robin Squires, responsable national, groupe sectoriel Transports
Les changements ont été multiples. Il y a eu une diversification des modes de transport privilégiés, par exemple. Les entreprises ont en outre délaissé la méthode juste-à-temps et commencé à conserver des stocks sur place ou en entrepôt pour se préparer à d’éventuelles crises semblables à la COVID-19, en plus de miser sur des stratégies de « micro-exécution de commandes » (micro-fulfillment) pour réduire les coûts et la surface utilisée.
On constate également un recours plus fréquent aux technologies autonomes et robotiques pour pallier ce type de risques. Pour les mêmes raisons, on observe par ailleurs un plus fort intérêt à régler la question de longue date qu’est la livraison de fin de parcours. Les fusions, les acquisitions et les insolvabilités ont elles aussi entraîné leur lot de difficultés. Compte tenu de tout ce qui précède et de bien d’autres facteurs, l’industrie connaîtra de nouveaux défis au chapitre de l’investissement et de l’acquisition de talents.
Sarah Sweet, avocate principale, Assurance et responsabilité civile
À l’instar d’autres facteurs de stress qu’elles ont connus ces dernières années, la COVID-19 a souligné l’importance pour les chaînes d’approvisionnement de faire preuve de souplesse. À plusieurs égards, il se peut bien que la pandémie ait accéléré cette réflexion chez les expéditeurs et les transporteurs.
Naturellement, les transporteurs sont désormais plus nerveux à l’idée de miser sur un ou deux contrats d’envergure à long terme et cherchent plutôt à travailler avec de nombreux expéditeurs dans plusieurs secteurs. La pandémie incite également les transporteurs à desservir plus d’endroits au pays et à l’étranger, en fonction de leurs capacités, afin de pallier d’éventuels confinements et quarantaines.
Cette stratégie peut aussi s’avérer utile dans d’autres contextes, comme la fermeture de ports et les grèves de travailleurs. En outre, d’autres mesures comme la modernisation et la numérisation des activités et des infrastructures ont été vitales pour la prospérité au cours de la pandémie.
Keegan Boyd, associé, groupe Droit de la santé
Dans le secteur médical, nous avons vu des sociétés canadiennes s’équiper pour fabriquer des fournitures et de l’équipement essentiels, comme des respirateurs et d’autres appareils médicaux, afin de répondre à la hausse subite de la demande. Je soupçonne qu’en raison de la COVID-19, la capacité manufacturière canadienne dans le domaine des soins de santé connaîtra une augmentation permanente.
À l’avenir, le Canada se montrera sans doute plus avisé quant aux avantages de maintenir plusieurs chaînes d’approvisionnement pour les produits importants ainsi qu’une certaine capacité de production nationale.
Mais je crois que la grande leçon demeure la préparation aux pandémies, c’est-à-dire constituer des stocks de fournitures dont nous pourrions avoir besoin en cas d’urgence, ou du moins conclure les ententes nécessaires pour en garantir la disponibilité advenant une hausse subite de la demande mondiale. Cet épisode a rappelé aux gens que les choses ne tiennent qu’à un fil et qu’il faut être prêt.
Martin Abadi, avocat-conseil, Assurance et responsabilité civile
et
Milos Barutciski, associé, Droit des sociétés et droit commercial
Bon nombre d’entreprises qui utilisaient un modèle de livraison juste-à-temps ont vu leurs chaînes d’approvisionnement filiformes frappées de plein fouet et leur position sur le marché minée par la réponse internationale à la pandémie de COVID-19 – réglementation d’urgence, confinements, pénurie de main-d’œuvre, perturbation du réseau de transport et retards –, contrairement aux entreprises dont les chaînes d’approvisionnement employaient des pratiques de gestion des stocks plus sécuritaires (bien que possiblement moins efficaces) et une multitude de fournisseurs. À court terme, à tout le moins, la pandémie poussera de nombreuses entreprises à faire place à la résilience dans leurs chaînes d’approvisionnement, en dépit de coûts potentiellement plus élevés. Nous verrons ensuite si les pressions tarifaires – et l’estompement de la pandémie dans les mémoires au fil des prochaines années – entraîneront l’amaigrissement progressif des chaînes d’approvisionnement.
La pandémie a aussi présenté l’occasion pour les pays de promouvoir des politiques et un discours reposant sur l’« achat local », ce qui a accéléré la tendance protectionniste mondiale qui gagnait déjà du terrain depuis quelques années. Ainsi, il semble clair que certains gouvernements tenteront d’atteindre l’autosuffisance dans les secteurs essentiels, comme la Chine, qui a lancé son 14e plan quinquennal, alors que d’autres, comme l’administration Biden et ses politiques « Achetez américain », accentueront le traitement préférentiel qu’ils accordent à l’approvisionnement national. On peut s’attendre à ce que ces deux approches entrent en conflit avec les ententes commerciales internationales en vigueur sur les restrictions d’import-export et l’approvisionnement gouvernemental.