En 2020, le contexte commercial et juridique canadien a été bouleversé. De nombreuses mesures de santé publique mises en place pour limiter la propagation de la COVID-19 ont perturbé plusieurs secteurs d’activité et d’investissement. Les entreprises qui investissent au Canada devront tenir compte de ce qui suit :
- Resserrement des processus d’approbation applicables aux investissements étrangers
- Adaptation du processus de règlement des différends
- Attention accrue portée à la responsabilité des entreprises en ce qui concerne les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)
Renforcement de l’examen des investissements étrangers
Le Canada se targue d’avoir une économie ouverte aux échanges commerciaux, les investissements étrangers et les échanges commerciaux à l’échelle internationale ayant toujours été des facteurs déterminants dans la santé économique du pays. Cela étant dit, il faut savoir que le Canada a été l’un des premiers pays à établir un processus d’examen des investissements étrangers officiel, processus dorénavant intégré dans la Loi sur Investissement Canada (LIC). Le Canada a donc acquis une expérience considérable dans la réglementation des investissements étrangers directs comparativement à l’Union européenne et au Royaume-Uni, qui ont mis en place plus récemment leur propre processus d’examen de certains types d’investissements étrangers. Les investisseurs étrangers doivent dorénavant surmonter de nouveaux obstacles, car le gouvernement fédéral applique des mécanismes d’approbation de plus en plus stricts. Ces investisseurs doivent donc devenir plus agiles dans la planification et l’exécution de leurs projets d’investissement.
La tendance au protectionnisme que l’on observe depuis plusieurs années dans de nombreux secteurs d’activité à l’échelle mondiale a été exacerbée par la crise sanitaire qui sévit actuellement, ce qui a créé un climat d’incertitude pour les investissements étrangers. Comme dans de nombreux pays, la situation exceptionnelle découlant de la pandémie de COVID-19 a suscité la crainte (justifiée ou non) que les marchés de capitaux et l’économie du Canada soient le théâtre d’acquisitions opportunistes ciblant des entreprises canadiennes sensibles. En conséquence, le 18 avril 2020, le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a publié un énoncé de politique pour indiquer que certains investissements étrangers (principalement ceux réalisés par des investisseurs publics ou influencés par un État, mais pas seulement) visés par la LIC feraient l’objet d’un examen plus approfondi dans le but de soutenir l’économie du Canada durant et après la pandémie : « le gouvernement soumettra à un examen approfondi aux termes de la LIC tous les investissements étrangers réalisés par des investisseurs publics, quelle que soit leur valeur, ou par des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives1 ». Par exemple, les investissements étrangers directs en provenance de la Chine font l’objet de préoccupations plus importantes qui s’inscrivent dans un contexte géopolitique élargi. De plus, le gouvernement fédéral a renforcé l’examen des projets d’acquisition par des organisations étrangères d’entreprises canadiennes qui participent à l’approvisionnement des Canadiens en biens et en services essentiels ou dont les activités sont liées aux efforts de santé publique. Ce changement vient accroître les pouvoirs déjà vastes que lui confèrent les dispositions de la LIC en matière de sécurité nationale.
Le rapatriement de certaines activités et la diversification de la chaîne d’approvisionnement se sont accélérés en 2020, et la tendance devrait se maintenir au cours des prochaines années. L’intensification des mesures protectionnistes à l’échelle mondiale s’est accentuée, comme en fait foi le nombre important de recours commerciaux (notamment en matière d’antidumping et d’antisubventionnement). Cette même tendance s’observe au Canada, où le nombre de mesures de recours commerciaux a augmenté et des changements ont été apportés aux lois et aux politiques pour en renforcer l’efficacité et l’application. En tant que partie au nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Canada peut compter sur un mécanisme de règlement des différends entre États. Il s’agit d’un changement important par rapport à l’ALENA.
L’enjeu pour chaque pays est de déterminer la valeur et les effets de chaque nouvel effort économique sur les secteurs d’activité protégés. Le Canada demeure ouvert aux investissements qui auront des retombées positives sur les Canadiens tout en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité nationale et l’intégrité de son économie.
Hausse des investissements étrangers dans certains secteurs et régions en 2021
Les investissements en provenance des États-Unis, premier partenaire commercial en importance du Canada, continueront de s’intensifier en 2021. Le marché de l’Union européenne devrait également offrir des possibilités grâce à des accords commerciaux avec le Canada, en vigueur dans la plupart des pays de l’UE. Au lendemain du Brexit, le Royaume-Uni lui aussi cherchera à conclure des accords commerciaux, et l’on peut s’attendre ce que le Canada soit naturellement considéré comme un partenaire pour ce qui touche les échanges commerciaux et les investissements.
Le Canada attire de plus en plus d’investissements étrangers dans le secteur des technologies grâce à la création de pôles dans certaines villes, notamment en recherche et développement, en intelligence artificielle et en biotechnologies. Ces mêmes secteurs posent cependant des risques sur le plan de la sécurité nationale. Les investisseurs étrangers devront tenir compte de ces aspects s’ils veulent faire affaire sur le marché canadien.
En favorisant les achats en ligne, la COVID-19 a accéléré les changements de comportement chez les consommateurs. Les entreprises qui se sont adaptées et qui ont fait le virage numérique tireront leur épingle du jeu en 2021. Par exemple, la plateforme de commerce en ligne Shopify arrive en tête des sociétés publiques avec une capitalisation boursière supérieure à celle de la Banque Royale du Canada, révélant du même coup la croissance substantielle qu’a connue ce secteur.
Les grandes institutions financières canadiennes augmentent rapidement leurs capacités numériques et leur recours à l’intelligence artificielle, notamment en acquérant de petites entreprises canadiennes ou étrangères florissantes qui se spécialisent dans le développement de technologies ou en concluant des partenariats avec elles. Les nouvelles entreprises de technologies financières ont connu un franc succès et un incroyable essor en 2020. Leur croissance enviable est attribuable à leurs services financiers en ligne conviviaux sous-tendus par une solide stratégie marketing numérique. Cette tendance devrait se poursuivre en 2021.
Enfin, il sera intéressant de suivre l’évolution de l’industrie du cannabis en 2021, car elle pourrait bien revenir sur le devant de la scène. La dernière année aura été difficile pour le secteur, mais la légalisation du cannabis aura permis au Canada de se positionner comme un acteur d’envergure mondiale en se forgeant une solide expertise. Des activités commerciales peuvent également être envisagées avec nos voisins du Sud, compte tenu des résultats électoraux favorables à la décriminalisation du cannabis obtenus lors des récentes élections américaines.
Obligation pour les entreprises qui veulent faire affaire au Canada de respecter les pratiques en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance
Les investisseurs qui s’intéressent en ce moment aux entreprises canadiennes doivent être au fait des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et des pratiques connexes, car elles deviennent de plus en plus incontournables lorsqu’il est question d’accéder aux capitaux canadiens. À l’origine de cette tendance : les grands investisseurs institutionnels qui ont établi des critères en matière d’ESG comme prérequis importants à l’investissement. Les enjeux ESG devront être au cœur des préoccupations de toutes les entreprises qui cherchent à mobiliser des capitaux au Canada. Pour démontrer à quel point ces questions sont devenues importantes dans l’économie du pays, Brookfield, un des plus grands gestionnaires d’actifs dans les domaines de l’immobilier et des infrastructures au Canada, a récemment nommé Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre et de la Banque du Canada, vice-président et chef de l’investissement en matière d’ESG. Nous avons observé récemment une augmentation marquée des offres d’obligations vertes importantes par certaines des grandes banques. Ces deux exemples témoignent de l’importance qui sera accordée à l’avenir aux enjeux ESG par les entreprises au Canada.
Adaptation du règlement de différends et futures incidences
Les tribunaux canadiens ont fait preuve d’une certaine résilience durant la pandémie, après une période d’incertitude au début de mars. La plupart ont commencé à tenir des audiences virtuelles dans les semaines qui ont suivi pour éviter une interruption des services. Les entreprises qui sont parties à un litige au Canada peuvent être rassurées : les tribunaux fonctionnent malgré une efficience et des activités quelque peu limitées. Certains tribunaux, comme le rôle des affaires commerciales à Toronto, et toutes les cours d’arbitrage ont pu s’adapter rapidement. Il a été déterminé dès le départ que ces activités ne pouvaient tout simplement être suspendues, car il serait impératif pour les parties à des litiges commerciaux importants d’obtenir des décisions arbitrales et de régler leurs différends pour assurer la poursuite de leurs activités et limiter les perturbations pendant cette période incertaine. Conscients de ces besoins, les tribunaux ont mis en place de nouvelles procédures et commencé à tenir des audiences virtuelles. Désormais, les audiences en chambre, les motions, les requêtes, les procès et les appels peuvent avoir lieu de manière virtuelle dans la plupart des provinces. Les parties peuvent déposer les documents qu’elles souhaitent présenter au tribunal sous forme électronique et l’avocat peut comparaître par l’intermédiaire d’une plateforme virtuelle, comme Zoom.
D’une certaine façon, la pandémie a permis aux avocats de réduire les délais d’attente en vue des audiences et aux parties habitant dans des régions différentes d’éviter d’engager des frais de déplacement. Ces changements ont augmenté l’efficience du processus judiciaire et amélioré l’accès à la justice. Reconnaissant les améliorations apportées, un certain nombre de juges en chef ont affirmé que nombre de ces changements seront conservés.
Points importants à retenir pour aider les entreprises à s’adapter et à se préparer à l’évolution du marché canadien
Les effets de la pandémie sur les entreprises n’ont pas tous été négatifs; certains secteurs ont connu une croissance sans précédent. Bien qu’un certain niveau d’activité commerciale perdure ‒ des opérations d’envergure sur le marché des fusions et acquisitions continuent notamment d’avoir lieu ‒, force est de reconnaître que la pandémie et les exigences réglementaires ont créé un climat particulièrement difficile pour les investisseurs. Certes, les opérations peuvent être menées à bien virtuellement, mais impossible de prévoir ce qui arrivera à court terme. Il sera néanmoins indispensable de pouvoir procéder au règlement de différends en ligne pour aider les entreprises à s’y retrouver dans contexte d’investissements étrangers qui évolue rapidement. Les investisseurs étrangers doivent absolument comprendre les enjeux commerciaux et réglementaires au Canada lors de leur planification initiale et se montrer prudents vis-à-vis des conseils qu’ils reçoivent lorsqu’ils envisagent d’investir au Canada.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur les investissements au Canada ou pour discuter d’un des sujets abordés dans le présent article, veuillez communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous.
1 Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et le COVID-19