Il y a plus d’un mois, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC » ou le « ministre ») annonçait d’importants changements au Programme des étudiants étrangers du Canada. Les provinces et établissements postsecondaires en sont encore à s’y ajuster alors que de nouvelles exigences s’ajoutent. Vous trouverez ci-après un survol des principales annonces publiées après la parution de notre dernier article à ce sujet, notamment quant au nouveau plafond des demandes de permis d’études, à la mise en place d’un processus d’attestation et à la nouvelle échéance liée au Programme de permis de travail postdiplôme.
Clarification du nombre de permis d’études pouvant être octroyés
En janvier, le ministre annonçait qu’il réduirait à environ 360 000 le nombre de permis d’études délivrés aux étudiants étrangers pour 2024, une diminution de 35 % par rapport à l’année précédente. Toutefois, ne pouvant limiter que le nombre de demandes qui seront traitées, et non le nombre qui sera approuvé, il a fondé sa décision sur le plafond des demandes de permis d’études, établi à 606 250 dossiers, et sur le taux d’approbation habituel d’environ 60 %.
Selon de récents commentaires du ministre, ce sont plutôt 292 000 permis environ qui seront octroyés cette année aux étudiants de niveau collégial ou de premier cycle universitaire. Cette différence de 68 000 permis est apparemment attribuable au fait que le nombre initial de 360 000 incluait les demandes de permis d’études qui ne sont pas touchées par le plafond, soit celles des étudiants à la maîtrise et de ceux du primaire et du secondaire.
Il convient de noter que les étudiants étrangers qui détiennent déjà un permis d’études ne sont pas pris en compte dans ce nombre.
Répartition provinciale des permis d’études
Le ministre annonçait également en janvier que les provinces se verraient attribuer une partie du nombre de demandes plafonné, pondérée en fonction de leur population. Elles ont donc présumé que leur quota de permis serait proportionnel à leur poids au regard de la population canadienne totale. Ceci ne s’est toutefois pas concrétisé partout.
1. Alberta
Nous comprenons qu’IRCC a informé l’Alberta qu’il lui octroyait 41 000 demandes de permis d’études pour 2024. Le ministre de l’Éducation de l’Alberta a fait remarquer que bien que la population de la province équivaille à environ 11,5 % de celle du Canada, on ne lui a accordé que 6,8 % des demandes pour 2024, et « la majeure partie » de celles-ci est destinée aux établissements publics. Nous croyons que, dans certains cas, des établissements publics pourront admettre plus d’étudiants étrangers qu’auparavant. Par exemple, l’Université de Lethbridge, selon ses dires, s’est vu octroyer 2 687 demandes, soit une augmentation de 49 % par rapport à 2023.
2. Colombie-Britannique
Le 1er mars 2024, la ministre de l’Éducation postsecondaire et des Compétences futures de la Colombie-Britannique a annoncé que la province avait droit à 83 000 demandes de permis pour 2024, comparativement à 97 000 en 2023. C’est près du double du nombre de dossiers octroyé à l’Alberta, bien que la population de la Colombie-Britannique n’y soit que de 15 % supérieure. Si l’on se fie aux taux d’approbation précédents, cela devrait se traduire par l’acceptation d’environ 50 000 demandes de permis d’études en 2024, contre 60 000 en 2023. Plus particulièrement, 53 % des lettres d’attestation délivrées pour la province seront destinées aux établissements postsecondaires publics, et 47 % aux établissements privés.
3. Nouvelle-Écosse
Le 28 mars 2024, le ministre de l’Éducation postsecondaire de la Nouvelle-Écosse a annoncé que la province s’était vu attribuer 12 900 demandes de permis d’études – soit 7 000 de moins que l’année précédente – réparties comme suit : 11 565 demandes partagées entre les dix universités et le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, 710 demandes divisées entre 12 collèges d’enseignement professionnel privés, et 526 demandes réparties entre 9 écoles de langues. La province gardera 99 demandes en réserve afin de se donner une certaine latitude.
4. Ontario
La province s’est vu accorder 235 000 demandes de permis d’études par IRCC. Étant donné le taux d’approbation de 60 % des années précédentes, elle octroierait 141 000 nouveaux permis à des étudiants fréquentant ses établissements d’enseignement désignés (« EED »). Le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il attribuera 96 % des demandes de permis d’études aux collèges et universités publics; la proportion de 4 % restante ira aux écoles de langues, aux universités privées et autres établissements de la province, excluant toutefois les collèges d’enseignement professionnel. Nous comprenons que le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario, peu après son annonce initiale du 27 mars, a fait connaître à chaque EED le nombre de permis d’études qui lui sera accordé pour la période du 22 janvier 2024 au 21 janvier 2025.
Comparativement aux autres provinces, l’Ontario attribuera une grande partie de ses permis d’études aux établissements publics et s’est engagé à prioriser les « secteurs à forte demande » afin de soutenir les besoins du marché du travail. Elle donnera préséance aux programmes des domaines des métiers spécialisés, des ressources humaines en santé, de l’hôtellerie, de la garde d’enfants, des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, ainsi qu’aux programmes de langue française. Le gouvernement de l’Ontario a aussi mentionné les éléments suivants dans son annonce :
- un EED ne peut accorder plus de permis qu’il ne l’a fait en 2023;
- la proportion de permis d’études pour des étudiants étrangers délivrés à un EED ne peut excéder 55 % (à l’exclusion des secteurs à forte demande) du nombre total d’étudiants nationaux de première année inscrits dans cet établissement en 2023;
- toutes les universités de la province – à l’exception de l’Université d’Algoma – auront le même quota de demandes d’admission pour les permis d’études qu’en 2023;
- Sur 24 collèges, 11 conserveront le même nombre de demandes d’admission pour les permis d’études qu’en 2023. Ceux ayant établi des partenariats public-privé ainsi que le Collège Conestoga enregistreront la plus forte baisse.
5. Île-du-Prince-Édouard
Le 7 mars 2024, la ministre des Études supérieures de l’Île-du-Prince-Édouard a annoncé qu’on accordait à la province 2 000 demandes de permis d’études pour 2024, ce qui représenterait 30 % de moins que le quota attendu au vu de la proportion de la population de la province par rapport à celle du pays. La majorité de ces demandes seront attribuées à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, laquelle pourra donc considérer jusqu’à 1 185 dossiers d’étudiants étrangers en 2024. L’année précédente, elle a produit 3 200 lettres d’attestation, qui ont mené à l’inscription de 675 étudiants étrangers. Les demandes de permis restantes seront réparties entre le Collège Holland et le Collège de l’Île, qui en auront respectivement 710 et 105.
6. Saskatchewan
Selon le site Internet du gouvernement de la Saskatchewan, ce sont 12 000 demandes de permis environ qui ont initialement été allouées à la province en 2024. Toutefois, le gouvernement a annoncé le 4 avril 2024 qu’IRCC lui accordait exceptionnellement 3 000 demandes de plus, faisant passer le total de la province à un peu plus de 15 000 demandes pour cette année uniquement. Compte tenu du taux d’approbation habituel de la province, ce sont 7 200 permis d’études qui pourraient être délivrés à des étudiants étrangers en 2024. À titre de comparaison, à la fin de 2022, les établissements scolaires de la Saskatchewan comptaient approximativement 13 000 étudiants étrangers.
7. Autres autres provinces et territoires
Les autres provinces et territoires n’ont pas communiqué le nombre de demandes de permis qui leur ont été attribués pour 2024.
Mise en œuvre du processus d’attestation
IRCC avait demandé aux provinces de mettre en place leur propre processus d’attestation avant le 31 mars 2024. Les EED enverront une lettre d’attestation aux étudiants étrangers qu’ils acceptent, ce qui permettra à IRCC de les prendre en compte dans les quotas de demandes de permis d’études de la province ou du territoire concerné.
Avant l’annonce de janvier, seul le Québec était déjà doté d’un tel processus. Selon le site d’IRCC, les autres provinces ont emboîté le pas depuis. Chacune compte maintenant un mécanisme qui enverra une lettre d’attestation aux étudiants étrangers par l’intermédiaire de l’EED qu’ils ont choisi. Vous trouverez ci-après l’information déjà diffusée par les provinces à ce sujet ainsi que des précisions sur les différentes approches des établissements d’enseignement. Soucieux de leur quota de demandes imposé, bon nombre de ces derniers exigent maintenant que les étudiants leur versent un acompte comme gage de leur sérieux avant de leur remettre leur lettre d’attestation. Nous avons pu voir que les établissements d’une même province ne procèdent pas selon une approche uniformisée et que les étudiants devront par conséquent communiquer avec le service de l’admission de l’EED choisi pour s’assurer de bien comprendre son processus d’attestation.
1. Alberta
L’Alberta produit des lettres d’attestation depuis le 1er mars 2024, à la demande des établissements postsecondaires. Pour demander cette lettre par l’intermédiaire d’un EED, les étudiants étrangers peuvent être tenus de démontrer à cet établissement qu’ils sont déterminés à y étudier. Par exemple, l’Université de l’Alberta et l’Université de Calgary demandent aux candidats de leur verser un acompte et d’accepter leur offre d’admission avant de réclamer pour eux la lettre d’attestation au gouvernement de l’Alberta.
2. Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique a mis en œuvre son processus d’attestation le 4 mars 2024. Par exemple, l’Université de la Colombie-Britannique demande aux candidats de lui verser un acompte de 1 000 $ et d’accepter son offre d’admission, après quoi seulement elle leur fera parvenir la lettre d’attestation du gouvernement de la province, en approximativement trois jours ouvrables.
3. Manitoba
Le Manitoba a commencé à produire des lettres d’attestation le 4 mars 2024. L’Université du Manitoba a annoncé que les candidats devront verser un acompte de 2 000 $ par carte de crédit dans les dix jours suivant l’acceptation de leur demande.
4. Nouveau-Brunswick
Le Nouveau-Brunswick a commencé à produire des lettres d’attestation le 18 mars 2024. Sur son site Internet, l’Université du Nouveau-Brunswick a indiqué que les étudiants qui requièrent une lettre d’attestation provinciale doivent d’abord soumettre une demande à cet effet, créer leur compte étudiant puis verser un acompte de 8 000 $. Cet acompte n’est remboursable que si l’étudiant n’a pu obtenir sa lettre d’attestation ou son permis d’études.
5. Terre-Neuve-et-Labrador
Terre-Neuve-et-Labrador a commencé à produire des lettres d’attestation le 19 mars 2024. Depuis le trimestre du printemps 2024, l’Université Memorial communique par courriel avec les étudiants admis afin de leur demander les renseignements nécessaires pour produire leur lettre d’attestation.
6. Nouvelle-Écosse
La Nouvelle-Écosse a lancé son processus d’attestation le 28 mars 2024. À l’Université Dalhousie, les étudiants étrangers doivent verser un acompte, remplir leur lettre d’acceptation, puis soumettre le formulaire de demande de lettre d’attestation provinciale dans les deux jours suivant la réception de ce dernier.
7. Ontario
Le processus d’attestation de l’Ontario a été lancé le 28 mars 2024. Les EED ont commencé à indiquer sur leur site Internet la marche à suivre pour obtenir une lettre d’attestation; bon nombre de ces établissements, comme ceux d’autres provinces, rendent cette lettre conditionnelle à l’acceptation par les étudiants de leur offre d’admission et du versement d’un acompte. Nous nous attendons toutefois à ce que les mécanismes en place se simplifient grâce au concours apporté à la province par le Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario et le Service d’admission des collèges de l’Ontario.
8. Île-du-Prince-Édouard
L’Île-du-Prince-Édouard a mis en place son processus d’attestation le 27 mars 2024. Comme dans d’autres provinces, les étudiants doivent verser un acompte avant de recevoir leur lettre d’attestation. Fait à noter, toutefois, le Collège Holland et l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard ont haussé l’acompte demandé aux étudiants étrangers à qui l’on remet une lettre d’attestation – de 1 000 $ à 5 000 $ – afin de s’assurer de leur réel désir de s’inscrire à l’un de leurs programmes.
9. Saskatchewan
La Saskatchewan a lancé son processus d’attestation le 13 mars 2024. Fait notable, elle est l’une des premières à automatiser le sien au moyen de la base de données nationale MesCertif, conçue pour le partage et la vérification de documents d’études de niveaux postsecondaires.
10. Territoires
Les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut en sont à créer leur processus d’attestation mais n’ont pas encore annoncé la date de mise en œuvre.
Nouvelle échéance pour le permis de travail postdiplôme (PTPD)
Dans son annonce de janvier, IRCC a aussi indiqué que les diplômés de programmes collégiaux dispensés dans le cadre d’un accord public-privé d’utilisation de programme d’études ne seraient plus admissibles à un PTPD à compter du 1er septembre 2024. Il a toutefois annoncé l’avancement de cette date au 15 mai 2024 dans sa mise à jour du 22 mars 2024. Concrètement, les étudiants étrangers qui entament un programme de ce type à compter du 15 mai 2024 ne seront donc pas admissibles à un PTPD à l’obtention de leur diplôme, changeant une fois de plus la donne pour ces étudiants dont les plans et les ressources initiaux reposaient entre autres sur ce critère.
Et pour la suite?
Voici nos constatations :
- L’abaissement du plafond de permis d’études octroyés aux étudiants étrangers exercera des pressions financières sur les établissements d’enseignement postsecondaires, puisque les frais de scolarité sont plus élevés pour les personnes de l’extérieur du pays. Par conséquent, les collèges et universités demanderont probablement un financement accru au gouvernement afin de soutenir leurs activités. En parallèle, certains établissements privés qui ont vu leur quota d’étudiants étrangers diminuer (voire disparaître) pourraient devoir cesser d’exercer leurs activités au Canada.
- À l’approche de la nouvelle année scolaire, on observe déjà la baisse des inscriptions d’étudiants étrangers pour septembre 2024, ces derniers étant orientés vers les établissements d’autres pays, ce qui illustre l’effet dissuasif des mesures récemment apportées au Programme des étudiants étrangers du Canada. Par conséquent, même les établissements qui ne constateront qu’une légère diminution des demandes de permis d’études pourraient connaître des difficultés financières cette année.
- Les EED tentent de changer de stratégie pour miser plutôt sur l’instauration de programmes de maîtrise (ou l’ajout, pour ceux qui en offrent déjà) afin de contourner le plafond des permis, ce qui créera vraisemblablement un climat hautement concurrentiel pour les EED, qui rivaliseront entre eux pour attirer les étudiants.
- Les étudiants étrangers inscrits à des programmes de moins de six mois au Canada demeurent exemptés de l’obligation d’obtenir un permis d’études; il reste à voir si les établissements d’enseignement réussiront à les attirer en tirant parti de cette exemption par la création de programmes intéressants.
- Les changements radicaux apportés aux quotas de permis d’études en Ontario et l’approche différente qui y a été adoptée, en comparaison avec les autres provinces, pourraient faire subir d’importantes pertes financières à certains acteurs du marché. Nous nous attendons donc à ce que des collèges ayant établi des partenariats public-privé, des collèges d’enseignement professionnel et d’autres EED dont l’achalandage étranger sera grandement réduit intensifient leurs efforts de lobbying ou même intentent des poursuites pour faire changer la position du gouvernement.
- Certaines provinces ont annoncé qu’elles surveilleraient plus étroitement leurs EED à l’avenir et ont suggéré l’adoption d’une loi encadrant la mise en œuvre des changements. À cette fin, l’Ontario propose d’adopter la Loi de 2024 pour renforcer la responsabilisation et les mesures de soutien aux étudiants, qui vise entre autres à répondre aux préoccupations du gouvernement fédéral relativement à la qualité des programmes offerts par certains établissements, au manque de soutien offert aux étudiants étrangers et aux frais élevés que ces derniers doivent payer.
- En marge de la question des quotas de permis d’études, le gouvernement de l’Ontario a récemment laissé entendre qu’il envisageait d’introduire des mesures pour réserver à ses résidents l’admission à certains programmes à forte demande dans ses collèges et universités. Les acteurs du marché devront encore s’attendre à une certaine mouvance au fil des modifications que les provinces apporteront à leurs mécanismes de réglementation de l’enseignement supérieur.
Communiquez avec nous
Pour toute question sur l’incidence que ces changements pourraient avoir sur votre organisation, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes dont le nom figure ci-après, avec l’un ou l’une des juristes de nos groupes Éducation ou avec Impulsion Immigration des gens d’affaires.