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Perspectives

Secret professionnel de l’avocat : De nouvelles exigences de déclaration fiscale au Canada posent un dilemme coûteux

Lorsqu’elle mène un contrôle fiscal, l’Agence du revenu du Canada (ARC) demande souvent au contribuable ou à ses conseillers de lui fournir des renseignements qui sont visés par le secret professionnel. Celui-ci peut soit y renoncer et divulguer ces informations, soit refuser de le faire en invoquant ce privilège. Les litiges d’une telle nature avec l’ARC finissent souvent devant les tribunaux, lesquels doivent alors décider de ce qui pourra être divulgué ou non, comme on l’a vu dans l’affaire Canada (Revenu national) c. Thompson.

Les modifications apportées dernièrement aux exigences de déclaration fiscale ont considérablement augmenté le nombre de cas où les contribuables et leurs conseillers doivent envisager d’invoquer le secret professionnel. Le présent article illustre les principaux enjeux et les éléments à prendre en compte avant d’invoquer ou non le secret professionnel, à la lumière de ces nouvelles obligations.

Points à retenir

Les contribuables risquent de devoir choisir plus souvent entre se conformer rapidement aux nouvelles règles de déclaration de revenus des fiducies ou faire valoir un de leurs droits fondamentaux, à savoir invoquer le secret professionnel – un dilemme qui pourrait s’avérer coûteux. En effet, les nouvelles exigences les obligeront désormais à prendre cette décision au moment de produire leur déclaration fiscale annuelle ou périodique. Évidemment, de nombreux clients choisiront simplement la première option afin d’éviter d’engager des frais supplémentaires. Cependant, une fois que l’on renonce à invoquer le secret professionnel, ce privilège est perdu à jamais. Si le contribuable fait ensuite l’objet d’un contrôle fiscal, il regrettera peut-être d’avoir opté pour la solution en apparence rapide et économique. Il serait donc imprudent de ne pas prendre en compte les risques afférents; ne tombez pas dans le piège que vous tendent les nouvelles règles. N’attendez pas de recevoir une demande de vérification de l’ARC avant de discuter de la question avec votre conseiller juridique : le recours au secret professionnel s’étend maintenant bien au-delà du contrôle fiscal.

Nouvelles exigences de déclaration fiscale

Nous avons couvert les nouvelles exigences de déclaration fiscale dans ces deux articles :

Le 24 novembre 2023, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une injonction provisoire exemptant la profession juridique des règles de divulgation obligatoire, dans l’attente de l’issue de la contestation constitutionnelle intentée par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. Toutefois, cet allègement ne s’applique qu’aux avocats et aux notaires et ne dispense personne des nouvelles règles de déclaration de revenus des fiducies, qui s’appliqueront à l’année d’imposition 2023 (la première déclaration devant être envoyée au plus tard le 2 avril 2024). Il convient de noter que ces obligations ne concernent que les avocats qui détiennent des sommes en fidéicommis « investies » dans des comptes particuliers de clients, sous réserve de certaines conditions. Elles ne visent pas les sommes détenues dans le compte général en fidéicommis d’un cabinet juridique.

Les nouvelles règles de déclaration de revenus des fiducies n’exigent pas la divulgation des renseignements pour lesquels il est raisonnable de penser que le secret professionnel s’applique. Il faudra toutefois définir ce que l’on entend par une telle affirmation. Les renseignements non protégés par le secret professionnel, les accords juridiques par exemple, doivent être divulgués. Dans certains cas, invoquer ce privilège risque d’engendrer des coûts supplémentaires pour les contribuables, car il faudra départager les informations qui sont visées par le secret professionnel de celles qui ne le sont pas.

Qu’est-ce que le secret professionnel de l’avocat, et pourquoi est-ce important?

 Le secret professionnel est un droit quasi constitutionnel protégeant les communications verbales et écrites entre un avocat et son client. Ce privilège joue un rôle de premier plan dans l’administration de la justice et l’établissement d’un lien de confiance avec le public quant à la confidentialité de ce qui est communiqué dans le contexte de la prestation de services juridiques.

Il est d’une importance fondamentale non seulement pour le client qui en bénéficie, mais aussi pour la société en général; la Cour suprême du Canada l’a d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises, entre autres dans l’affaire R. c. McClure. Dans le cas présent, le secret professionnel permet au contribuable de demander des conseils fiscaux à un avocat sans craindre que le contenu de leurs échanges soit divulgué à l’ARC.

Pour que le secret professionnel de l’avocat s’applique, quatre conditions doivent être remplies :

  1. La communication doit être faite entre l’avocat et son client;
  2. Les deux parties doivent s’entendre sur le caractère confidentiel de la communication;
  3. L’objet de la communication doit être l’obtention d’un avis juridique par le client (et non de conseils d’affaires ou bancaires, qui ne sont pas visés par le secret professionnel);
  4. Le lien entre l’avocat et son client doit être de nature professionnelle (c’est-à-dire que l’avocat doit agir pour le compte de son client; le simple fait de remettre un document à un juriste ne suffit pas).

Le dilemme du client

La décision d’invoquer le secret professionnel ou d’y renoncer n’appartient qu’au client.

L’ARC a déjà dressé la liste des renseignements qu’elle considérait comme visés par ce privilège. Si ces lignes directrices ne sont pas infaillibles, elles ne peuvent être ignorées, car si l’ARC n’est pas d’accord avec une revendication de privilège, il faudra peut-être porter le litige devant les tribunaux pour trancher. La question de savoir si des renseignements ou des documents sont protégés par le secret professionnel dépend des circonstances propres à chaque cas : des informations protégées dans une affaire donnée pourraient ne pas l’être dans une autre.

Les nouvelles obligations entourant les fiducies exigent que des renseignements qui pourraient autrement être protégés par le secret professionnel soient divulgués dans les déclarations annuelles ou périodiques, que l’ARC mène un contrôle fiscal ou non. Les contribuables devront donc choisir entre revendiquer ce privilège pour ne pas avoir à déclarer certaines informations, ou y renoncer en assumant les risques afférents. Malheureusement, il faudra prévoir des frais supplémentaires pour permettre au juriste d’étudier la question et de déterminer dans quelle mesure une revendication de privilège est réaliste. S’ils ne font pas déjà l’objet d’un contrôle fiscal, de nombreux clients pourraient penser qu’une telle démarche n’est pas rentable.

Un client n’hésitera peut-être pas à divulguer qu’un cabinet juridique détient des sommes en fidéicommis investies dans un de ses comptes, renonçant ainsi au secret professionnel de l’avocat, au lieu d’engager des frais pour déterminer si et dans quelle mesure ces renseignements sont protégés. D’un autre côté, il pourrait aussi vouloir taire à l’ARC le fait qu’il a consulté un conseiller juridique ainsi que l’objet de cette consultation; un examen approfondi de la question serait alors justifié.

En résumé, un contribuable devra désormais réfléchir à l’idée d’invoquer le secret professionnel de l’avocat bien avant qu’il ne fasse l’objet d’un contrôle fiscal. Les avocats qui détiennent des sommes en fidéicommis au nom d’un client devront tenir compte des nouvelles règles de déclaration de revenus des fiducies lorsque celui-ci leur demandera s’il est risqué de renoncer au secret professionnel au moment de produire sa déclaration.

Nous joindre

Si vous avez des questions à propos du secret professionnel de l’avocat et des nouvelles exigences de déclaration de revenus des fiducies, n’hésitez pas à communiquer avec votre juriste de BLG, les signataires du présent article, l’une des personnes-ressources ci-dessous ou encore le groupe Droit fiscal du cabinet.

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