Le 28 novembre 2023, l’Alberta a annoncé des incitatifs pour favoriser le développement d’infrastructures de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC). Le programme albertain d’incitation au captage du carbone (PAICC) offrira des subventions allant jusqu’à 12 % des coûts en capital admissibles d’un nouveau projet de CUSC, payables sur trois ans après la première année d’exploitation; l’enveloppe totale se chiffrera entre 3,2 et 5,3 G$ pour la période allant de 2024 à 20351.
Le PAICC s’ajoute à l’aide fédérale déjà annoncée pour les projets de CUSC, notamment le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (le CII pour CUSC) et les contrats sur différence offerts par l’intermédiaire du Fonds de croissance du Canada (FCC). Les fonds du PAICC seront débloqués lorsqu’Ottawa aura officiellement inscrit dans la loi et mis en œuvre ces programmes.
Le présent article fait le point sur ces incitatifs, qui joueront un rôle déterminant dans la transition énergétique de l’Alberta et du Canada.
CUSC
Le terme CUSC fait référence aux technologies qui capturent le dioxyde de carbone (CO2) émis par les activités industrielles, le compriment pour le transporter en toute sécurité, puis l’utilisent ou l’injectent dans des formations géologiques souterraines sûres qui pourront le stocker indéfiniment. L’Alberta estime qu’elle peut capturer, stocker ou utiliser plus de 90 % du CO2 émis par son usage de combustibles fossiles2.
La province visant l’atteinte d’une économie carboneutre d’ici 2050, le CUSC fait partie intégrante de son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement énergétique3.
Particularités du PAICC toujours inconnues
Si l’on en sait peu pour l’instant sur le PAICC, nous devrions en apprendre davantage au printemps 2024. L’Alberta a déclaré que le programme serait accessible aux secteurs pour lesquels il est le plus difficile de réduire les émissions : sables bitumineux, pétrole et gaz, pétrochimie, hydrogène, électricité et ciment, pour ne nommer que ceux-là.
Les subventions seront remises en trois versements annuels, après la première année d’exploitation du projet, selon un processus similaire à celui du programme incitatif de la province pour les produits pétrochimiques, lequel prévoit également le remboursement de 12 % des coûts en capital liés à la construction ou à l’agrandissement d’installations pétrochimiques.
Le financement du PAICC proviendra en partie du fonds Technology Innovation and Emissions Reduction. Cet argent provient des crédits carbone que les industries hautement polluantes achètent pour respecter leurs objectifs de réduction d’émission, dans le cadre du système albertain de tarification du carbone et d’échange de droits d’émission prévu par le Technology Innovation and Emissions Reduction Regulation (le règlement TIER)4.
CII pour CUSC
Comme son nom l’indique, le CII pour CUSC est un crédit d’impôt fédéral à l’intention des entreprises qui engagent des dépenses en capital pour des activités admissibles. Son arrivée officielle semble imminente : la ministre des Finances a déposé le 28 novembre 2023 un projet de loi visant à le mettre en œuvre (ainsi que d’autres mesures annoncées dans le budget 2023 et l’Énoncé économique de l’automne)5, qui a fait l’objet d’une première lecture le 30 novembre6.
Le CII pour CUSC sera rétroactif au 1er janvier 2022 pour les projets admissibles dont au moins 10 % du carbone capté est consacré à une utilisation admissible7, c’est-à-dire le stockage du carbone capté dans un stockage géologique dédié ou de l’utilisation du carbone capté pour produire du béton au Canada ou aux États-Unis au moyen d’un processus de stockage dans le béton admissible.8
Le montant des dépenses en capital admissibles dépendra entre autres du taux de carbone capté consacré à une utilisation admissible. Le CII pour CUSC sera ensuite calculé en fonction du type de dépenses engagées. De 2022 à 2030, les pourcentages déterminés de dépenses en capital seront les suivants :
- 60 % des dépenses en capital admissibles pour le captage de carbone dans l’air ambiant;
- 50 % des dépenses en capital admissibles pour le captage de carbone autrement que dans l’air ambiant;
- 37,5 % des dépenses en capital admissibles pour le transport, le stockage ou l’utilisation du carbone capté9.
Ces pourcentages seront réduits de moitié pour la période allant de 2031 à 2040, puis à zéro à partir de 204110.
Pour recevoir une pleine subvention, les promoteurs doivent satisfaire à certaines exigences, notamment celles relatives au salaire prévalant et celles à l’égard d’apprentis.11 Un manquement pourrait entraîner une diminution de 10 % du CII pour CUSC.12
Le budget 2023 contenait également d’autres incitatifs fiscaux qui pourraient s’appliquer aux installations s’adonnant à des activités de CUSC, notamment le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres, le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, le crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres et le crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre. Certains d’entre eux n’ont toutefois pas encore été inscrits dans la loi. D’après le budget 2023, les entreprises ne peuvent se prévaloir que d’un seul de ces incitatifs, même si un bien donné est admissible à plus d’un d’entre eux. Toutefois, plusieurs crédits d’impôt pourraient être disponibles pour un même projet si celui-ci comprend différents types de biens admissibles13.
Contrats sur différence
Le risque de prix sur le marché des crédits carbone est une préoccupation majeure pour les promoteurs de projets de CUSC. Les contrats sur différence peuvent donc leur apporter une certaine prévisibilité et stabilité tarifaire.
Dans son Énoncé économique de l’automne 2023, Ottawa annonçait que le FCC – mécanisme de financement public indépendant de 15 G$ – serait la principale entité fédérale qui octroierait des contrats sur différence pour le carbone14.
En vertu du règlement TIER, les projets de CUSC albertains génèrent des crédits compensatoires, lesquels peuvent être utilisés pour respecter des cibles d’émissions ou achetés et vendus à titre privé.
D’après ce que l’on sait à l’heure actuelle, les contrats sur différence du FCC fixeront un prix minimum pour le carbone, appelé prix d’exercice15. Selon ce que prévoit le contrat, lorsque la valeur marchande est inférieure au prix d’exercice, le projet de CUSC recevra un paiement de l’émetteur du contrat, le FCC, égal à la différence entre les deux. Le contrat peut aussi être bidirectionnel : si la valeur marchande est supérieure au prix d’exercice, le FCC demandera qu’on lui verse la différence.
Un contrat sur différence garantirait donc une certaine stabilité en fonction de ses modalités quant à la valeur marchande du carbone. Un mécanisme qui calquerait celui-ci à la trajectoire des prix actuellement proposée par le fédéral, par exemple, donnerait au promoteur la certitude que ce modèle de tarification sera mis en œuvre et suivi. Parallèlement, un autre mécanisme qui déterminerait la valeur future des crédits carbone ajouterait une autre couche de prévisibilité, mais celui-ci obligerait le gouvernement contractant à assumer le risque de l’éventuelle fluctuation de leur valeur marchande, changements sur lesquels il ne serait pas toujours en mesure d’influer.
Le FCC a reçu l’instruction de consacrer en priorité jusqu’à 7 G$ de son portefeuille aux contrats sur différence et aux accords d’écoulement. Il a par ailleurs déjà entamé des négociations avec des promoteurs de divers secteurs16.
Points à retenir
Le PAICC, le CII pour CUSC et les contrats sur différence contribueront à renforcer la stabilité économique et la viabilité des grands projets de CUSC albertains. Si on le jumelle aux programmes offerts au fédéral, le PAICC rend de tels projets encore plus attrayants pour les entreprises de la province.
Fort d’une vaste expérience dans ce secteur, particulièrement pour ce qui touche les cadres réglementaires, le groupe de BLG spécialisé en réglementation est là pour aider ses clients à saisir les occasions et à relever les défis qui se présentent. Pour de plus amples renseignements sur les programmes provinciaux et fédéraux ou tout autre point traité dans le présent article, veuillez communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous.