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Perspectives

Registre de la propriété effective des sociétés : de nouvelles exigences fédérales à l’horizon

En mars 2023, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Francois-Philippe Champagne, a proposé des modifications législatives visant la mise en place d’un registre canadien de la propriété effective des sociétés. Les modifications proposées, dont la deuxième lecture à la Chambre des communes a pris fin récemment1, s’appliquent aux entités constituées en société en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA).

La non-conformité aux modifications proposées entraînera des sanctions pécuniaires et des peines criminelles sévères.

Contexte

Un registre de la propriété effective rend publics des renseignements sur des particuliers ayant un contrôle important d’une société privée. Un « particulier ayant un contrôle important » s’entend d’un particulier qui détient un nombre important d’actions, qui exerce un contrôle ou a la haute main sur celui-ci ou qui exerce une influence directe ou indirecte ayant pour résultat le contrôle de fait de la société2. Un « nombre important » d’actions se définit comme suit :

  • tout nombre d’actions conférant vingt-cinq pour cent ou plus des droits de vote;
  • tout nombre d’actions équivalant à vingt-cinq pour cent ou plus de la juste valeur marchande de l’ensemble des actions en circulation de la société (indépendamment des droits de vote)3.

Les registres de la propriété effective sont considérés comme des outils clés pour combattre le blanchiment d’argent, le financement d’activités terroristes et la fraude fiscale. En 2020, Ottawa avait mené des consultations sur la transparence de la propriété effective et reçu des commentaires d’un large éventail d’intervenants, dont des organismes d’application de la loi, des administrations fiscales et des commissaires à la protection de la vie privée4. La quasi-totalité des intervenants étaient favorables à la création d’un registre central d’informations sur la propriété effective5. Une forte majorité était aussi en faveur d’un accès modelé selon le groupe d’utilisateurs, à savoir que les organismes d’application de la loi, l’Agence du revenu du Canada et d’autres autorités compétentes auraient un accès illimité aux renseignements sur la propriété effective.

Au lendemain de l’élection fédérale de 2021, dans sa lettre de mandat au ministre Champagne, le premier ministre Trudeau demandait à celui-ci d’élaborer un registre de propriété effective6. L’échéance pour la mise en place du registre a été devancée à la fin de 2023 après la signature, l’an dernier, de l’entente de soutien et de confiance avec le Nouveau Parti démocratique7.

Modifications législatives proposées

Le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, propose une série de modifications à la LCSA ainsi qu’à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur l’accès à l’information.

Le projet de loi C-42 fait suite à une première série de modifications présentée dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 20228. Ces modifications obligent presque toutes les sociétés constituées sous le régime fédéral à soumettre de façon proactive à Corporations Canada de l’information sur leur propriété effective tous les ans ou lorsqu’un changement de contrôle survient. Selon le communiqué du gouvernement du Canada sur le projet de loi C-42, Corporations Canada exploitera les mécanismes existants de transmission d’information et de soumission de rapports dans le but de réduire le fardeau administratif des entreprises en lien avec le nouveau registre proposé9.

Les modifications proposées à la LCSA créent un registre rendant publics les renseignements suivants au sujet de tout particulier ayant un contrôle important d’une société :

  • son nom;
  • son adresse (aux fins de signification et résidentielle);
  • la date à laquelle il est devenu un particulier ayant un contrôle important de la société et, le cas échéant, celle où il a cessé d’avoir cette qualité;
  • une description de la manière dont il est un particulier ayant un contrôle important de la société (droits, intérêts, actions, etc.);
  • tout autre renseignement réglementaire10.

Un directeur nommé en vertu de la LCSA peut fournir tout ou partie des renseignements ci-dessus au registre corporatif d’une province ou à l’organisme duquel relève le droit des sociétés dans une province11. Les particuliers ou la société qu’ils contrôlent peuvent cependant demander que l’un ou l’autre de ces renseignements ne soit pas rendu accessible au public. Le directeur peut choisir de ne pas rendre un renseignement accessible au public dans l’un ou l’autre des cas suivants :

  • il a de bonnes raisons de croire que le rendre ainsi accessible présente ou présenterait une menace sérieuse à la sécurité du particulier;
  • il est convaincu, selon le cas :
    • que le particulier est incapable,
    • que le renseignement doit demeurer confidentiel aux termes du paragraphe 27(8) de la Loi sur les conflits d’intérêts ou de toute disposition de même nature d’une loi provinciale,
    • que les circonstances réglementaires s’appliquent au particulier12.

Renforcement du régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent

Le projet de loi C-42 suit d’un an la publication du rapport final de la Commission d’enquête sur le blanchiment d’argent en Colombie-Britannique. Même s’il traite du blanchiment d’argent dans une province en particulier, ce rapport (le sujet de notre article de juin 2022 intitulé Cullen Commission Final Report makes sweeping recommendations for anti-money laundering regulation in B.C., (en anglais) tire des conclusions importantes sur la faiblesse du régime fédéral de lutte contre le blanchiment d’argent13.

Le rapport Cullen reflète le consensus croissant qui se dégage à l’échelle mondiale en faveur de la transparence de la propriété effective. Déjà en 2003, le Groupe d’action financière (GAFI) publiait une liste actualisée de recommandations à suivre pour combattre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes. Il recommandait notamment que les pays s’assurent « que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales peuvent être obtenues ou sont accessibles rapidement et efficacement par les autorités compétentes »14. L’accès à des informations sur la propriété effective est encore aujourd’hui une recommandation clé du GAFI15.

Nous nous attendons à ce que les provinces agissent pour mettre en place des registres analogues à celui d’Ottawa et prévoyant divers niveaux d’accès aux informations. Plus tôt cette année, des modifications ont été proposées à la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique pour obliger les sociétés à tenir un registre de transparence contenant des renseignements sur les véritables propriétaires. Jusque-là, ce document devait être détenu au service des dossiers de chaque société. En vertu de la loi modifiée, les sociétés seront tenues de transmettre les renseignements de leur registre au registraire des entreprises de la province afin qu’ils soient versés dans le nouveau registre de transparence accessible au public16.

Prochaines étapes

Après sa deuxième lecture, le projet de loi C-42 a été soumis au Comité permanent de l’industrie et de la technologie pour examen17.

Quand il aura reçu la sanction royale, les sociétés disposeront sans doute d’un certain délai pour se conformer aux exigences liées au nouveau registre. Une fois ce délai de grâce passé, toute non-conformité au registre pourra entraîner des sanctions administratives ou des amendes pouvant atteindre 200 000 $ ou une peine de prison de 6 mois, ou les deux18.

Communiquez avec nous

Pour en savoir plus sur la création d’un registre canadien de la propriété effective des sociétés et la meilleure manière de se préparer à ses mécanismes de transmission d’informations, veuillez communiquer avec l’une ou l’autre des personnes ci-dessous ou avec les groupes Enquêtes et défense des cols blancs ou Gouvernement et secteur public de BLG.

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