Glass, Lewis & Co (« Glass Lewis ») a récemment publié des lignes directrices canadiennes sur le vote par procuration pour 2023 (les « lignes directrices »), contenant des mises à jour clés sur la surveillance des risques informatiques et climatiques, la participation à un trop grand nombre de conseils et la transition vers une diversité de genre axée sur les pourcentages. Les politiques nouvellement révisées devront être appliquées dans les assemblées d’actionnaires à compter du 1er janvier 2023.
Points à retenir
- Les administrateurs de sociétés ouvertes canadiennes doivent prendre note des lignes directrices suivantes pour la période des sollicitations de procurations 2023 :
- Glass Lewis recommande de s’abstenir de voter pour le président du comité de mises en candidature d’une société dont le conseil n’est pas constitué d’au moins 30 % de personnes issues de la diversité de genre. Par ailleurs, les membres d’un comité de mises en candidature recevront une recommandation négative si le conseil d’administration ne compte aucune personne issue de la diversité de genre.
- Les administrateurs seront tenus de rendre compte des risques informatiques et climatiques et de faire des divulgations proactives quant à la gestion de ces derniers.
- Des cadres de direction qui siègent à deux conseils de sociétés ouvertes risquent de faire l’objet d’une recommandation négative de la part de Glass Lewis parce qu’ils font partie d’un trop grand nombre de conseils, et ce, même s’ils n’avaient jamais auparavant été visés par une telle recommandation pour cette raison.
- Les lignes directrices offrent des précisions relatives aux structures d’actions à catégories multiples comportant des droits de vote inégaux, au rendement des comités de rémunération et à la réactivité des sociétés par rapport aux analyses du vote consultatif sur la rémunération.
- Les mises à jour touchent un éventail de questions liées à la rémunération des cadres de direction, notamment les incitatifs à long terme ainsi que les attributions disproportionnées, non récurrentes ou couvrant plusieurs années.
La surveillance des cyberrisques et la participation à un trop grand nombre de conseils au cœur des nouvelles politiques pour la période de sollicitation de procurations à venir
Diversité de genre au sein des conseils d’administration
La diversité de genre demeure une préoccupation majeure à l’approche de la période de sollicitation de procurations 2023. Comme nous l’avons mentionné dans un article précédent, Glass Lewis recommande en temps normal de s’abstenir de voter pour le président du comité de mises en candidature du conseil d’une société émettrice inscrite à la Bourse de Toronto qui compte moins de deux personnes issues de la diversité de genre. Les conseils de six membres ou moins doivent, quant à eux, compter au moins une personne issue de la diversité de genre. Il convient également de souligner que Glass Lewis a mis à jour ses lignes directrices afin de s’éloigner des objectifs numériques de diversité de genre et de privilégier plutôt des cibles en pourcentage, conformément à la politique d’Institutional Shareholder Services (« ISS ») en la matière.
La politique de Glass Lewis sur la diversité de genre au sein des conseils d’administration ne s’intéresse pas seulement à la représentation des femmes; elle inclut dans sa définition de « personnes issues de la diversité de genre » toute personne qui s’identifie autrement que comme homme ou femme.
Glass Lewis recommande en outre de s’abstenir de voter pour le président du comité de mises en candidature du conseil d’une société émettrice inscrite à la Bourse de Toronto qui n’est pas constitué d’au moins 30 % de personnes issues de la diversité de genre, de même que pour tous les membres d’un même comité dont le conseil ne compte aucune personne issue de la diversité de genre. Les sociétés émettrices qui ne sont pas inscrites à la Bourse de Toronto et celles qui comptent six administrateurs ou moins doivent s’assurer que leur conseil est composé d’au moins une personne issue de la diversité de genre.
Un conseil peut contrer une recommandation négative de Glass Lewis en publiant un échéancier d’amélioration de la diversité de genre ou en élaborant une politique sur la diversité cohérente et adaptée à la situation qui énonce des objectifs clairs. Les sociétés doivent tenir compte des proportions recommandées par Glass Lewis en matière de diversité de genre lorsqu’elles évaluent la composition de leur conseil d’administration ou pourvoient les postes vacants.
Les attentes de Glass Lewis quant à la diversité de genre s’inscrivent dans les tendances récentes en matière. En octobre 2022, les ACVM ont publié les résultats de leur huitième examen annuel sur la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction au Canada. En voici quelques faits marquants :
- 24 % des postes d’administrateurs sont occupés par des femmes
- Le pourcentage de postes vacants pourvus par des femmes est passé de 35 % l’an dernier à 45 % cette année
- 87 % des sociétés émettrices comptent au moins une femme dans leur conseil d’administration
- 30 % des émetteurs comptent au moins trois femmes dans leur conseil d’administration, ce qui représente une augmentation de 6 % par rapport à l’an dernier
- 7 % des conseils des émetteurs sont présidés par des femmes
Surveillance des risques environnementaux et sociaux
Alors que les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) continuent d’être au centre des préoccupations des investisseurs et que les organismes de réglementation canadiens et internationaux proposent de renforcer les exigences de divulgation en matière de risques climatiques, Glass Lewis voit là une occasion d’accroître la responsabilité des conseils en ce qui concerne la surveillance des enjeux environnementaux et sociaux. Glass Lewis estime que les organisations peuvent déterminer la structure de surveillance qui leur convient le mieux (elle peut par exemple être effectuée par des administrateurs particuliers, l’ensemble du conseil, un comité distinct ou un comité qui a déjà d’autres fonctions), mais recommande généralement de voter contre le président du comité de gouvernance d’une société inscrite à l’indice composé S&P/TSX qui n’est pas en mesure de fournir des renseignements clairs sur la surveillance des enjeux environnementaux et sociaux par le conseil d’administration.
Glass Lewis exigera également des administrateurs qu’ils rendent des comptes relativement aux enjeux climatiques et qu’ils fournissent des rapports clairs et rigoureux sur les risques connexes et leur gestion, particulièrement lorsque les émissions de gaz à effet de serre de leur société représentent un risque financier important. Par conséquent, Glass Lewis recommandera généralement de voter contre un administrateur responsable d’une société exposée à des risques climatiques importants (notamment des sociétés qui figurent dans des listes comme celle de l’initiative Climate Action 100+) lorsque celle-ci n’a pas fourni les renseignements exhaustifs recommandés par le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques ou lorsqu’elle n’a pas défini assez précisément les responsabilités de son conseil en matière de surveillance des risques climatiques.
Cette exigence cadre avec les nouvelles obligations d’information sur les questions climatiques du projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques(le « projet de règlement ») et de l’instruction générale connexe, qui s’appliqueraient à tous les émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement. Le projet de règlement est en cours d’évaluation par les ACVM. Pour en savoir davantage, veuillez consulter notre article à ce sujet.
Surveillance des cyberrisques
Comme les cyberattaques continuent de poser une menace pour les consommateurs, les entreprises et la sécurité nationale, Glass Lewis a présenté de nouvelles lignes directrices sur la surveillance par les conseils d’administration des risques informatiques, considérés comme un enjeu majeur pour toutes les organisations. Glass Lewis n’émet généralement pas de recommandations sur la surveillance ou la communication d’information en ce qui a trait à la cybersécurité; son approche consiste plutôt à examiner attentivement les rapports liés aux cyberattaques ayant causé des dommages importants pour les actionnaires et, lorsqu’il y manque de l’information, à émettre des recommandations négatives à l’égard des administrateurs concernés. Glass Lewis est d’avis qu’une communication d’information avisée peut aider les actionnaires à avoir une meilleure idée de l’importance qu’accorde une société aux enjeux de cybersécurité.
Engagements des administrateurs
Par les années passées, Glass Lewis recommandait aux actionnaires de voter contre les administrateurs qui faisaient partie de la haute direction d’une société ouverte s’ils siégeaient à plus de deux conseils de sociétés ouvertes, de même que contre tout administrateur qui siégeait à plus de cinq conseils de sociétés ouvertes. À compter de 2023, Glass Lewis conseillera qu’on s’oppose, de manière générale, à l’élection d’un administrateur d’une société inscrite à la Bourse de Toronto :
- s’il est membre de la haute direction d’une société ouverte et qu’il siège au conseil de plus d’une autre société ouverte;
- s’il est président ou vice-président du conseil d’administration d’une société ouverte et siège au conseil de plus de deux autres sociétés ouvertes;
- s’il n’est pas cadre de direction mais qu’il siège au conseil de plus de cinq sociétés ouvertes.
À noter que ces restrictions ne s’appliquent pas aux administrateurs qui sont membres de la haute direction d’une société ouverte et siègent à cinq conseils de sociétés inscrites à la Bourse de croissance TSX ou moins, ou aux administrateurs qui ne sont pas cadres de direction et qui siègent à neuf conseils de sociétés inscrites à la Bourse de croissance ou moins.
Glass Lewis se penche habituellement sur les facteurs suivants pour déterminer si un administrateur peut vraisemblablement consacrer le temps adéquat à ses fonctions – et s’il convient de voter contre cet administrateur parce qu’il fait partie d’un trop grand nombre de conseils :
- la taille et l’emplacement des autres sociétés;
- les responsabilités de cet administrateur au sein des conseils dont il est membre;
- la question de savoir si l’administrateur siège aussi au conseil d’une grande société fermée;
- la durée du mandat de l’administrateur;
- le taux de présence de l’administrateur aux réunions des autres conseils.
En général, Glass Lewis s’abstiendra d’émettre des recommandations négatives si une société est en mesure de justifier la participation continue d’un administrateur à son conseil. Si l’administrateur en question siège aux conseils d’un groupe de sociétés de domaines connexes ou représente un cabinet dans le seul but de gérer un portefeuille d’investissements qui comprend cette société, Glass Lewis s’abstiendra aussi de formuler une recommandation négative, mais s’attendra tout de même à ce que les émetteurs répondent de manière proactive aux préoccupations des actionnaires quant à l’engagement des administrateurs.
Structures d’actions à catégories multiples comportant des droits de vote inégaux
L’an dernier, Glass Lewis a commencé à recommander de voter contre le président du comité de gouvernance de sociétés ayant plus d’une catégorie d’actions donnant lieu à des droits de vote inégaux et ne prévoyant pas de disposition de temporisation raisonnable (généralement d’une durée de sept ans ou moins). Pour 2023, Glass Lewis pourrait plutôt recommander de voter contre un représentant de l’actionnaire d’une telle société dans les cas où il semble approprié de lui faire porter la responsabilité de cette situation. Les administrateurs éviteront également une recommandation négative à ce titre si leur société présente des preuves de leurs pratiques exemplaires en matière de gouvernance et de leur réactivité face aux actionnaires s’étendant sur plusieurs années.
Réactivité des sociétés par rapport aux analyses du vote consultatif sur la rémunération
Au Canada, les résolutions relatives au vote consultatif sur la rémunération ne sont pas encore obligatoires pour les émetteurs assujettis. Elles sont cependant généralement très bien accueillies. Selon les lignes directrices sur le vote par procuration d’ISS publiées en décembre 2021, le taux d’approbation exprimé dans le cadre d’un vote consultatif sur la rémunération s’élevait à plus de 90 % au Canada au cours des cinq dernières années. La Coalition canadienne pour une bonne gouvernance a recommandé dans sa lettre d’observations sur le projet de loi C-97 datée du 31 mars 2021 que, advenant un faible appui des actionnaires lors d’un vote consultatif sur la rémunération (p. ex. moins de 80 %), le conseil d’administration de la société présente dans un délai raisonnable ce qu’il compte faire pour mieux comprendre leurs préoccupations. Glass Lewis préconise une approche similaire. Lorsqu’elle évaluera les résultats des votes consultatifs sur la rémunération passés, Glass Lewis s’attardera aux taux d’opposition des actionnaires et voudra confirmer que les sociétés ont réagi à leurs préoccupations en conséquence. Pour ce qui touche la rigueur des divulgations, Glass Lewis demandera aux entreprises d’exposer les raisons pour lesquelles elles n’ont pas révisé leurs décisions en matière de rémunération mal accueillies par les actionnaires, ainsi que leurs intentions pour l’avenir.
Questions liées à la rémunération des cadres de direction
Glass Lewis a en outre mis à jour ses lignes directrices afin de s’attaquer à diverses questions liées à la rémunération des cadres de direction, entre autres :
- Les incitatifs à long terme – Le pourcentage minimum d’un incitatif à long terme axé sur le rendement sera établi à 50 % (contre 33 % par les années passées). À compter de 2023, Glass Lewis portera un regard critique sur les programmes de rémunération des cadres de direction pour lesquels moins de la moitié des incitatifs à long terme s’acquièrent en fonction du rendement. Par ailleurs, Glass Lewis pourrait s’abstenir d’émettre des recommandations négatives dans les cas où il n’existe aucun autre enjeu concernant l’élaboration et la mise en œuvre du programme, mais interviendra s’il observe une tendance problématique quant aux montants accordés.
- Les attributions disproportionnées – Glass Lewis recommandera de voter contre le président d’un comité de rémunération lorsque des attributions disproportionnées soulèvent des préoccupations, par exemple en raison de leur montant excessif ou de modalités de rendement insuffisantes/ayant un effet trop dilutif.
- Les attributions non récurrentes – Glass Lewis a clarifié qu’une divulgation concernant une attribution non récurrente est raisonnable si elle contient des renseignements au sujet d’une discussion à propos du montant et de la structure de l’attribution en question.
- La discrétion des comités de rémunération relativement au paiement d’incitatifs – Glass Lewis a codifié son point de vue sur l’exercice de la discrétion des comités de rémunération relativement au paiement d’incitatifs. Les sociétés doivent en effet discuter en profondeur de l’incidence d’événements importants, qui n’auraient autrement pas été consignés dans les paramètres de rendement de leur programme d’incitatifs, sur la décision des comités de rémunération d’exercer ou non leur discrétion.
- Les attributions couvrant plusieurs années – Glass Lewis souligne que de telles attributions peuvent être préoccupantes et contraignantes en imposant aux conseils de répondre à des facteurs imprévus.
Prochaines étapes
À l’approche de la période de sollicitation de procurations 2023, nous vous encourageons à communiquer avec BLG si vous avez des questions sur les lignes directrices de Glass Lewis ou pour en savoir plus sur d’autres initiatives relatives à la gouvernance d’entreprise. Vous pouvez également contacter l’un·e des auteur·rices du présent article ou l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-après.