Les institutions financières (les « IF ») canadiennes sont assujetties à des obligations de diligence raisonnable et de déclaration en vertu des parties XVIII et XIX de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada relatives à la FATCA et à la NCD.
En ce qui concerne les comptes financiers détenus par des fiducies, une IF doit les inclure dans sa déclaration de renseignements en vertu de la FATCA ou de la NCD si la fiducie en question compte une ou plusieurs personnes détenant le contrôle qui sont : i) citoyens des États-Unis; ii) résidents fiscaux d’un territoire autre que le Canada. Dans le cas d’une fiducie, l’expression « personnes détenant le contrôle » désigne les constituants, les fiduciaires, les éventuels protecteurs, les bénéficiaires et toute autre personne physique exerçant en dernier lieu un contrôle effectif sur la fiducie.
L’ARC a récemment dévoilé d’importantes nouvelles positions administratives qui auront une incidence sur la conformité à la FATCA et à la NCD des comptes financiers détenus par des fiducies. Ces dernières ont été annoncées par les moyens suivants :
- Le « Document d’orientation sur l’accord Canada–États-Unis pour un meilleur échange de renseignements fiscaux » de l’ARC (les « lignes directrices sur la FATCA ») et le « Document d’orientation sur la norme commune de déclaration » (les « lignes directrices sur la NCD »), modifiés le 10 mars 2022.
- Des déclarations orales par des représentants de l’ARC lors d’une discussion à l’occasion de la Conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité tenue à Toronto le 29 novembre 2022 (les « discussions de novembre 2022 »).
Ce que vous devez savoir
- L’ARC a récemment modifié sa position administrative quant aux comptes financiers détenus par des fiducies :
- Pour les besoins de la FATCA et de la NCD, les IF doivent appliquer des mesures plus poussées pour déterminer à quel moment une distribution est faite à un bénéficiaire discrétionnaire.
- Pour l’application de la NCD, l’ARC a adopté l’interprétation générale que fait l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») de la notion de « distribution indirecte ». Cette interprétation se penche sur les différentes situations dans lesquelles un bénéficiaire discrétionnaire ayant reçu une distribution d’une fiducie est considéré comme une personne détenant le contrôle de celle-ci.
- Pour les besoins de la NCD, l’ARC a adopté la définition élargie de l’OCDE du statut de « personne détenant le contrôle », qui inclut non seulement le constituant, mais aussi toute personne qui apporte une contribution importante à la fiducie après sa création.
- Les nouvelles positions administratives de l’ARC relatives à la FATCA et à la NCD ne sont pas tout à fait identiques. Les IF doivent donc veiller à ne pas confondre leurs différentes obligations.
- Les nouvelles positions administratives annoncées par l’ARC étant déjà en vigueur, les IF doivent s’assurer de mettre à jour leurs guides de conformité et leurs procédures internes le plus rapidement possible afin d’en tenir compte.
Nouvelles positions administratives de l’ARC concernant les comptes financiers détenus par des fiducies
FATCA et NCD : amélioration des procédures pour identifier les bénéficiaires discrétionnaires
Étant donné qu’un bénéficiaire discrétionnaire d’une fiducie n’est considéré comme une personne détenant le contrôle que dans l’année civile au cours de laquelle il reçoit une distribution de la fiducie, les personnes détenant le contrôle d’une fiducie peuvent changer d’une année à l’autre en fonction des distributions reçues.
Comme nous l’avons mentionné dans notre article « Documents d’orientation sur la FATCA et la NDC : ce que les institutions financières canadiennes doivent savoir », l’ARC a modifié ses lignes directrices sur la FATCA et la NCD le 10 mars 2022. Celles-ci indiquent que les IF doivent avoir mis en place des procédures appropriées pour être avisées lorsqu’une distribution est versée à un bénéficiaire discrétionnaire d’une fiducie au cours d’une année donnée pour permettre au fiduciaire de déclarer ce bénéficiaire en tant que personne détenant le contrôle, notamment :
- Demander une actualisation annuelle des autocertifications; le fiduciaire en question doit indiquer à nouveau si des membres de la catégorie de bénéficiaires qui ont reçu des distributions depuis la certification précédente sont discrétionnaires.
- Exiger des fiduciaires, comme condition de la détention du compte (au besoin et en temps opportun), de fournir une nouvelle autocertification lorsqu’ils effectuent ou effectueront une distribution à un bénéficiaire discrétionnaire (cette condition peut être incluse dans les documents d’ouverture de compte).
NCD : définition de « distribution indirecte »
La position de l’ARC a toujours été qu’une personne est considérée comme un « bénéficiaire » si elle a i) le droit de recevoir, directement ou indirectement, une distribution obligatoire ou si ii) elle reçoit, directement ou indirectement, une distribution discrétionnaire de la fiducie. Un bénéficiaire discrétionnaire peut donc être considéré comme une personne détenant le contrôle d’une fiducie dans les années civiles au cours desquelles il reçoit une « distribution indirecte » de celle-ci. Cependant, l’ARC n’avait pas fourni de lignes directrices quant à la définition de « distribution indirecte » jusqu’aux discussions de novembre 2022.
Lors de la Conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité, l’ARC a déclaré que, pour les fins de l’application de la NCD, il convenait de déduire la définition de « distribution indirecte » de la foire aux questions publiée sur le site Web de l’OCDE (en anglais seulement).
Une distribution se fait indirectement par une fiducie lorsque cette dernière effectue un paiement à un tiers au bénéfice d’une autre personne. Par exemple, si une fiducie paie les frais de scolarité de quelqu’un ou rembourse un prêt contracté par une autre personne, ou encore si elle accorde un prêt sans intérêt, à un taux d’intérêt plus bas que celui du marché, ou dans des conditions de non-concurrence. Qui plus est, la radiation d’un prêt accordé par une fiducie à son bénéficiaire constitue une opération de distribution indirecte dans l’année au cours de laquelle on procède à la radiation.
En adoptant cette position administrative, l’ARC élargit sa perspective en ce qui concerne les scénarios dans lesquels un bénéficiaire discrétionnaire peut être considéré comme une personne détenant le contrôle d’une fiducie en vertu de la NCD. En effet, selon les nouvelles lignes directrices de l’Agence, un bénéficiaire discrétionnaire peut être réputé avoir reçu une distribution si quelque action de la fiducie procure des avantages économiques sous quelconque forme au bénéficiaire (même si ce dernier n’a jamais rien reçu directement de la fiducie).
Cependant, cette position administrative pourrait ne pas être conforme aux lois applicables. Plus précisément, l’interprétation que fait l’ARC de la « distribution indirecte » dans le cadre de la NCD pourrait être erronée pour deux raisons :
- Le paragraphe 270(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada exige que l’interprétation de « personne détenant le contrôle » concorde avec les lignes directrices de l’OCDE en la matière énoncées dans sa Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale (la « Norme de l’OCDE ») – à moins que le contexte n’indique un sens différent. Toutefois, puisque la position administrative de l’ARC se base sur la foire aux questions publiée sur le site Web de l’OCDE plutôt que sur la Norme de l’OCDE, elle ne respecte potentiellement pas tout à fait les exigences du paragraphe 270(2).
- Dans l’affaire Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., la Cour suprême du Canada a tranché : aucun commentaire émis par l’OCDE après la date à laquelle le Canada a convenu d’adhérer à la Norme de l’OCDE ne pouvait être utilisé pour interpréter l’application de cette norme au pays, car le gouvernement fédéral n’aurait peut-être pas accepté cette interprétation ultérieure au moment d’adhérer à la norme. Étant donné que la foire aux questions publiée sur le site Web de l’OCDE date de février 2019, c’est-à-dire plusieurs années après que le gouvernement canadien ait adhéré à la Norme de l’OCDE, la nouvelle position administrative de l’ARC pourrait s’avérer incorrecte.
Comme mentionné précédemment, l’ARC affirme adopter la position selon laquelle son interprétation générale de « distribution indirecte » s’applique uniquement à la NCD et non à la FATCA. Cela semble juridiquement correct puisqu’il n’existe aucune obligation légale d’interpréter la FATCA de la même manière que la NCD. Autrement dit, les commentaires de l’OCDE sur la NCD ne devraient pas avoir d’incidence sur l’interprétation de la FATCA puisqu’il s’agit de deux régimes distincts qui imposent des obligations différentes aux IF. La nouvelle position administrative de l’ARC n’interprète pas « distribution indirecte » de la même façon aux termes de la FATCA et de la NCD; par conséquent, le statut d’un bénéficiaire discrétionnaire ayant reçu une distribution au cours d’une année civile donnée en tant que personne détenant le contrôle diffère également d’un régime à l’autre. Ainsi, une question demeure sans réponse : puisque les commentaires de l’OCDE ne s’appliquent qu’à l’interprétation de « distribution indirecte » aux fins de la NCD, comment interpréter ce terme dans le contexte de la FATCA?
NCD : élargissement de la définition de « constituant »
Dans certains cas, le constituant officiel versera un montant symbolique à une fiducie au moment de sa création, alors qu’une autre personne, agissant à titre de constituant officieux, y ajoutera un montant plus important par la suite.
Dans le cadre des discussions de novembre 2022, l’ARC a déclaré que le constituant officiel et le constituant officieux pouvaient tous les deux être considérés comme des personnes détenant le contrôle pour les fins de l’application de la NCD. Cette position découle du fait que la définition légale de « personne détenant le contrôle » dans le contexte de la NCD n’est pas exhaustive; on peut donc y inclure les constituants officieux même s’ils ne sont pas mentionnés explicitement.
Il convient toutefois de noter que cette interprétation ne s’applique qu’à la NCD. L’ARC a probablement décidé de ne pas étendre cette position administrative à la FATCA puisque cette dernière propose une définition exhaustive du concept de « personne détenant le contrôle », qui n’inclut pas les constituants officieux.
Mesures concrètes pour les IF – BLG peut vous aider
Comme nous l’avons mentionné dans notre article « Avis aux institutions financières : la saison des vérifications liées à la FATCA et à la NCD est à nos portes », l’ARC prévoit entreprendre bientôt ses activités de vérification sur place dans les IF afin d’évaluer leur conformité à la FATCA et à la NCD. Ces vérifications consisteront en grande partie à examiner les politiques des IF relatives à la FATCA et à la NCD. Il est important que les IF mettent à jour leurs politiques et procédures afin d’assurer qu’elles cadrent avec les plus récentes positions administratives de l’ARC, notamment en ce qui concerne les comptes financiers détenus par des fiducies. Plus particulièrement, les IF doivent veiller à ce que leurs politiques liées à la FATCA et à la NCD soient modifiées pour inclure des procédures supplémentaires servant à relever les distributions à des bénéficiaires discrétionnaires.
Plusieurs possibilités s’offrent à elles à cet égard. Les IF qui souhaitent par exemple mettre à jour leurs conventions de compte doivent le faire le plus rapidement possible afin d’assurer que toute ouverture d’un nouveau compte financier par une fiducie est conforme aux nouvelles lignes directrices de l’ARC. Il leur faut également réfléchir sérieusement à la manière dont leurs conventions de compte avec des détenteurs de compte existants seront modifiées.
En outre, la nouvelle position administrative de l’ARC sur les distributions indirectes et les constituants officieux pourrait faire en sorte que des fiduciaires aient à examiner des facteurs différents lorsqu’ils déterminent qui sont les personnes qui détiennent le contrôle de leur fiducie en vertu de la FATCA et de la NCD. D’un côté, les IF pourraient envisager de proposer deux formulaires d’autocertification, à savoir un pour déterminer le statut du titulaire du compte aux termes de la FATCA, et l’autre pour déterminer le statut du titulaire du compte aux termes de la NCD. De l’autre, les IF qui souhaitent utiliser un seul formulaire d’autocertification pour satisfaire à leurs obligations en matière de vérification diligente en vertu de la FATCA et de la NCD devraient envisager de le modifier afin d’y ajouter des instructions précises sur les points à considérer pour déterminer qui est la personne détenant le contrôle d’un compte en vertu de la FATCA et en vertu de la NCD.
Si vous vous demandez comment votre organisation peut mettre en œuvre les changements applicables aux comptes financiers détenus par des fiducies ou si vous avez besoin d’aide pour effectuer un examen de vos politiques en vue des vérifications de l’ARC, n’hésitez pas à communiquer avec les auteur·rices du présent article ou l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-après.