Ce bulletin est le plus récent d’une série touchant au droit de la consommation au Québec.
Au Québec, des règles spécifiques s’appliquent en matière d’abonnement à des services fournis à distance fournis à des consommateurs. Ces règles se trouvent dans une section de la Loi sur la protection du consommateur (« L.P.C.») qui s’intitule « Contrat à exécution successive de service fourni à distance »1 (ci-après les « Règles »).
Dans une décision rendue plus tôt cette année, la Cour d’appel a confirmé le champ d’application de ces dispositions, en maintenant l’interprétation de la Cour supérieure sur la portée des Règles.
Elle en a profité pour présenter des situations où ces Règles peuvent s’appliquer. Il s’agit notamment de :
- la téléphonie mobile et résidentielle ;
- la télédistribution ;
- l’accès Internet ;
- l’abonnement à des services de jeux vidéo en ligne, de télésurveillance, ou de radio satellite ;
- l’abonnement à des banques de données et le stockage de données en infonuagique2.
Il en découle que les abonnements à des services fournis en ligne à des consommateurs tombent vraisemblablement dans le champ d’application de ces dispositions.
Pourquoi les précisions fournies par la Cour d’appel sont-elles éclairantes?
La portée de ces Règles, en dehors du secteur des télécommunications (ex. : téléphonie mobile) et des services de télésurveillance (ex. : système d’alarme relié à une centrale), méritait d’être clarifiée.
Comme l’explique un auteur en droit la consommation, malgré la portée générale et l’apparente neutralité technologique des Règles, le législateur semblait vouloir viser principalement les contrats de téléphonie cellulaire, de service Internet ou de câble, de service de télévision par satellite et de télésurveillance3. Dans un ouvrage consacré au droit de la consommation, d’autres auteurs ajoutaient aussi que, bien que la section consacrée aux Règles soit de portée générale, celle-ci est destinée dans les faits à régir les contrats conclus entre des entreprises de télécommunication et les consommateurs4.
La décision antérieure de la Cour du Québec, dans le dossier ayant fait l’objet de la récente décision de la Cour d’appel, faisait d’ailleurs état d’une ambiguïté quant au caractère véritable des dispositions en cause5. D’ailleurs, la totalité des décisions rendues à ce jour par les tribunaux supérieurs au sujet des Règles l’ont été dans un contexte de télécommunications.
Ces interrogations existaient déjà au moment de l’adoption des Règles. Lors de l’étude détaillée en commission parlementaire, les parlementaires s’interrogeaient sur leur portée pratique et avaient énoncé des préoccupations sur cette question. À l’époque, l’Association du Jeune Barreau de Montréal avait soulevé que l’article 214.1 L.P.C., qui est celui qui énonce le champ d’application des Règles, était « large et imprécis quant au champ d’application de la section » et avait suggéré qu’il soit clarifié, ce qui n’avait pas été fait6. Le Barreau du Québec avait formulé des commentaires au même effet, en suggérant de mentionner « explicitement les contrats visés » par ce qui allait devenir la section consacrée au contrat à exécution successive de service fourni à distance7.
Dans ce contexte, la décision de la Cour d’appel est éclairante8.
Résumé des règles applicables en matière d’abonnement à des services numériques et d’autres services fournis à distance
Contenu obligatoire du contrat
D’abord, le contrat doit être conclu par écrit et mentionner les éléments reproduits dans le tableau qui suit.
- Nom et adresse du consommateur et du commerçant
- Numéro de téléphone et adresse technologique du commerçant (ex. : un courriel)
- Lieu et date du contrat
- Durée et date d’expiration du contrat
- Description détaillée de chacun des services couverts par le contrat
- Le tarif mensuel de chaque service couvert par le contrat (y compris les services optionnels), ou le coût mensuel si le tarif est calculé sur une base autre que mensuelle
- Le tarif mensuel des chaque frais connexe, ou le coût mensuel si le tarif est établi sur une base autre que mensuelle
- Le total des sommes que le consommateur doit débourser mensuellement selon le contrat
- Les restrictions d’utilisation de chacun des services faisant l’objet du contrat y compris les limites géographiques à l’intérieur desquelles ces services peuvent être utilisés
- La description et le prix courant d’un bien vendu ou offert en prime en lien avec le service (ex. : un modem pour accès à internet). Cette description doit préciser s’il s’agit d’un bien remis à neuf
- La description de tout service offert en prime (ex. : service à rabais ou gratuit)
- La nature des bénéfices économiques consentis par le commerçant en considération du contrat, notamment la prime, dont la remise partielle sur le prix de vente ou de location d’un bien ou d’un service acheté ou loué à l’occasion de la conclusion du contrat (note : cette exigence a été rédigée en ayant à l’esprit les rabais sur le prix de vente d’appareils mobiles, souvent consentis lors de l’abonnement à un service de téléphonie mobile)
- Le montant total des bénéfices économiques devant servir au calcul de l’indemnité de résiliation qui pourra être exigée du consommateur
- La mention que seuls les bénéfices économiques identifiés au contrat serviront au calcul d’une indemnité pour résiliation par le consommateur
- La méthode d’obtention des tarifs applicables aux services qui n’apparaissent pas au contrat ou en dépassent les limites et restrictions
- Les circonstances requises pour la résiliation ou la modification du contrat par le consommateur, de même que la nature et la valeur des frais à prévoir
- Les conditions à respecter pour qu’un consommateur puisse mettre fin au contrat avant l’échéance
Ces éléments doivent tous être énoncés de manière claire et lisible et se trouver en début du contrat.
Encadrement des renouvellements automatiques
Si l’entente est d’une durée supérieure à 60 jours, le renouvellement automatique est permis seulement pour une durée indéterminée. Cela veut dire par exemple que si l’abonnement est d’une durée d’un an, il sera interdit de prévoir un renouvellement automatique pour une période supplémentaire d’un an à l’échéance.
Pour le renouvellement automatique d’une entente d’une durée initiale de plus de 60 jours, un avis doit être transmis par écrit au consommateur entre le 90e et le 60e jour avant le renouvellement. Cet avis doit informer le consommateur de la date du renouvellement.
Le consommateur peut mettre fin au contrat en tout temps
Le consommateur peut mettre fin au contrat en tout temps, même si un terme est prévu. Pour ce faire, il doit transmettre un avis écrit au fournisseur de service. Sur cet aspect, la L.P.C. et son règlement d’application limitent les sommes pouvant être réclamées de l’abonné comme indemnité de fin de contrat9.
Par exemple, dans le cadre d’un contrat à durée fixe, le montant maximal qui peut être réclamé comme indemnité de fin de contrat s’élève dans certains cas à tout au plus 50 $, notamment lorsque l’abonné n’a pas reçu de bénéfice économique en lien avec la conclusion du contrat.
Autres règles qui s’appliquent spécifiquement à ces contrats
Lorsque l’accès à un service nécessite l’usage d’un bien acheté ou loué par le consommateur auprès du commerçant, la L.P.C. encadre les frais qui peuvent être facturés au consommateur pendant la réparation du bien10.
Elle encadre également les pratiques en matière de dépôt de sécurité11.
Quelques autres règles d’intérêt qui s’appliquent en raison de la L.P.C.
La L.P.C.prévoit aussi plusieurs autres règles qui peuvent avoir un impact sur le contenu de ces contrats. Ces règles s’appliquent généralement à tous les contrats visés par la Loi sur la protection du consommateur et ne sont donc pas spécifiques aux contrats à exécution successive de service fourni à distance.
Il s’agit par exemple des règles qui régissent les modifications aux contrats et de celles qui interdisent les clauses d’arbitrage ou excluant l’application du droit du Québec. Selon que le contrat sera conclu en personne ou à distance, d’autres règles s’appliqueront également. Par ailleurs, si le service est payé par une carte de crédit, des règles s’appliquent en matière de prélèvements automatiques.
Quelle est la portée des Règles ?
Pour que ces Règles s’appliquent, il faut nécessairement être en présence d’un contrat de consommation, au sens de la L.P.C. Cela veut dire, notamment, que les contrats d’abonnement à des services en ligne conclus entre deux compagnies ne sont pas soumis à ces règles12.
Il faut aussi que le contrat concerne la prestation récurrente d’un service fourni à distance. Comme l’explique la Cour d’appel, cela pourrait être le cas par exemple de l’abonnement à un service fournissant des jeux vidéo en ligne ou d’un service de systèmes d’alarme et de surveillance reliés à une centrale.
Cependant, ces Règles ne devraient pas s’appliquer à un contrat ayant principalement pour objet un abonnement visant principalement la fourniture de biens plutôt que de services. Ainsi, elles ne devraient pas s’appliquer à un abonnement à un périodique imprimé livré à domicile, ni à un contrat d’approvisionnement récurrent de biens13, même si le commerçant permet de s’abonner à distance. Ces exemples ne constituent pas des contrats pour la fourniture de « services fournis à distance ».
Enfin, ces Règles ne s’appliquent pas aux contrats de services financiers, contrats de service d’abonnement à des loteries ou contrats conclus avec un agent de voyages. Ces contrats sont expressément exclus du champ d’application des Règles. Des exclusions s’appliquent aussi en matière de services d’enseignement, d’entraînement et d’assistance.
Si vous avez des questions au sujet des Règles ou de ce bulletin, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe d’avocats en droit commercial. Plusieurs membres de notre équipe possèdent une vaste expérience dans la préparation de contrats destinés à des consommateurs et fournissent régulièrement des conseils en droit de la consommation et en lien avec la Loi sur la protection du consommateur.
1 Il s’agit des articles 214.1 à 214.11 L.P.C.
2 Paragraphe 25 de l’arrêt de la Cour d’appel.
3 Pierre-Claude Lafond, Droit de la Protection du consommateur: Théorie et pratique, 2e édition, Éditions Yvon Blais, Montréal, à la p. 108.
4 Nicole L’Heureux et Marc Lacoursière, Droit de la consommation, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2011, à la p. 381.
5 Voir le paragraphe 136 de la décision.
6 Association du Jeune Barreau de Montréal, Mémoire de l’Association du Jeune Barreau de Montréal sur le projet de loi no 60 : Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives, 16 octobre 2009, à la p. 7.
7 Barreau du Québec, Commentaires et observations du Barreau du Québec au sujet du projet de loi no 60 intitulé « Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives », 15 octobre 2009, à la page 5.
8 En date de publication de ce bulletin, les délais pour déposer une demande de permission d’appeler à la Cour suprême sont expirés et aucune permission d’appeler n’a été déposée.
9 Art. 216.6 L.P.C. et art. 79.10 du Règlement d’application.
10 Art. 214.5 L.P.C. Un tel encadrement s’applique aussi dans le cas d’un bien loué dont le consommateur est privé pour réparation.
11 Art. 214.9 à 214.11 L.P.C.et art. 79.12 du Règlement d’application.
12 Sur cette question, soulignons que le champ d’application de la L.P.C. est large et que la L.P.C. protège à certaines conditions des individus qui se procurent des biens et services dans un contexte d’affaires, comme par exemple les professionnels, artisans et agriculteurs.
13 Par analogie, voir cette décision de la Cour supérieure, confirmée par la Cour d’appel et également Ateliers d'usinage Malcor inc. c. Soniplastics inc., EYB 2000-18000 (QCCA).