Partie 3
Sans aucun doute, la pandémie de COVID-19 et ses conséquences majeures durables au Canada et dans le monde entier sont ce qui a le plus retenu l’attention l’an dernier.
Cette période a entraîné d’importantes transformations dans le secteur canadien de l’énergie, et bon nombre des changements et des nouveautés de 2020 continueront d’influer sur les tendances, les décisions d’affaires et la croissance future de ce secteur en 2021.
Nous avons dégagé les 20 principaux changements et décisions survenus au sein du secteur en 2020 dans quatre domaines clés : décisions judiciaires, décisions réglementaires, changements à la législation et aux politiques ainsi que transactions et tendances.
Dans cet article, nous analysons les cinq principaux changements à la législation et aux politiques et l’effet qu’ils pourraient avoir sur votre entreprise en 2021.
Les cinq principaux changements à la législation et aux politiques de 2020
Un certain nombre de politiques énergétiques clés ont été publiées en 2020, mettant clairement la priorité sur les sources énergétiques de remplacement, la faible intensité en carbone et les énergies renouvelables, dont la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, longtemps attendue, qui vise à faire du Canada l’un des trois premiers producteurs mondiaux d’hydrogène propre, la stratégie sur le gaz naturel du gouvernement de l’Alberta, les plans de l’Alberta en matière d’hydrogène et son plan pour faire de la province un centre d’excellence pour le recyclage des plastiques ainsi que le cadre de l’Alberta pour le développement de la géothermie. Sur le plan législatif, le gouvernement fédéral a publié son projet de règlement sur la Norme sur les combustibles propres tandis que la Colombie-Britannique a introduit des modifications à son régime de réglementation visant les sites contaminés.
1. La Stratégie canadienne pour l’hydrogène enfin publiée
Après des mois de spéculation et la publication de divers programmes provinciaux en matière d’hydrogène, notamment la Natural Gas Vision and Strategy du gouvernement de l’Alberta et la Stratégie liée à l’hydrogène à faible teneur en carbone de l’Ontario, le gouvernement du Canada a publié sa Stratégie canadienne pour l’hydrogène : Saisir les possibilités pour l’hydrogène le 16 décembre 2020. La Stratégie canadienne pour l’hydrogène s’aligne sur les initiatives provinciales, notamment l’« hydrogène bleu » dérivé du gaz naturel de l’Alberta, avec pour priorité la stimulation de la production canadienne, de l’utilisation nationale et de l’exportation d’hydrogène à faible intensité de carbone, dans l’optique d’un renforcement de la position du Canada sur les marchés énergétiques mondiaux.
Les engagements énoncés par la Stratégie canadienne pour l’hydrogène sont les suivants :
- Fixer à 30 % de l’énergie canadienne la part de l’hydrogène d’ici 2050, éliminant ainsi jusqu’à 190 Mt d’équivalent CO2 par an, dans le cadre du plan environnemental plus large du Canada « Un environnement sain et une économie saine » (en anglais);
- Faire du Canada l’un des trois premiers producteurs mondiaux d’hydrogène propre;
- Mettre en place une industrie d’exportation pour l’hydrogène canadien;
- Créer des centres régionaux d’hydrogène au Canada et s’adapter aux avantages liés à une configuration régionale de la production et du déploiement de l’hydrogène.
Si de nombreux engagements de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène sont fixés à 2050, le Canada entend, à court terme, concevoir des « feuilles de route » régionales et provinciales pour l’hydrogène, repérer des possibilités prometteuses de centres d’hydrogène, planifier et développer de nouvelles infrastructures pour l’approvisionnement et la distribution, ainsi que mettre sur pied des projets pilotes ou de démonstration utilisant les nouvelles applications de l’hydrogène. La majeure partie des initiatives de financement fédérales soutenant ces engagements n’ont pas encore été finalisées. Pour d’autres analyses et commentaires sur la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, voir nos publications ici et ici.
2. L’Alberta publie sa vision pour le gaz naturel
Le 6 octobre 2020, le gouvernement de l’Alberta a publié sa stratégie pour le gaz naturel intitulée Alberta’s Natural Gas Vision and Strategy (la Vision). La Vision s’articule autour de cinq piliers : l’hydrogène, la fabrication pétrochimique, le gaz naturel liquéfié, le recyclage des plastiques et la demande industrielle.
La Vision envisage l’exportation d’hydrogène vers d’autres régions du Canada et dans le monde entier d’ici 2040. Elle reconnaît que certains segments du secteur énergétique de l’Alberta déploient ou mettent déjà à l’essai la technologie de l’hydrogène et prévoit que l’Alberta sera un chef de file de la décarbonisation du transport lourd intérieur (à savoir la reconversion par abandon du diesel), ainsi que de la production d’hydrogène propre pour les besoins de l’industrie, ou les besoins en électricité ou en chauffage résidentiel. Par ailleurs, l’augmentation de la production d’hydrogène créera des emplois, notamment pour les travailleurs hautement qualifiés du secteur de l’énergie, et encouragera l’innovation dans toute la province.
La Vision a pour objectif une expansion du secteur pétrochimique de plus de 30 G$ d’ici 2030. Elle envisage que l’Alberta deviendra l’un des dix premiers producteurs mondiaux de produits pétrochimiques tout en diversifiant son portefeuille de produits fabriqués. Elle aspire à ce que le gaz naturel de l’Alberta accède aux marchés étrangers grâce à d’autres projets de GNL de grande envergure d’ici 2030. Le gouvernement prévoit également de faire de l’Alberta le centre d’excellence pour le recyclage des plastiques en Amérique du Nord, tout en soutenant l’engagement du Canada à utiliser des plastiques 100 % réutilisables et recyclables d’ici 2030. La Vision entend également accroître la demande industrielle dans le secteur du gaz naturel de l’Alberta et augmenter les investissements dans les infrastructures de traitement du gaz naturel.
La Vision fait partie de la solution destinée à attirer les nouveaux investissements nécessaires à la diversification du secteur énergétique de l’Alberta en réponse à la chute des cours, à l’incertitude en ce qui concerne les politiques, à la faible capacité d’exportation et aux retards dans le développement des infrastructures du secteur du gaz naturel. La Vision prévoit un cadre juridique et politique qui soutiendrait un secteur du gaz naturel homogène, favorable aux investisseurs et de calibre mondial. Pour plus d’information sur la Natural Gas Vision, cliquez ici (article en anglais).
3. Norme fédérale sur les combustibles propres
Dans le cadre de ses objectifs de réduction des émissions de carbone, Environnement et changement climatique Canada (ECCC) a publié le 18 décembre 2020 une version complète de son projet de règlement sur la Norme sur les combustibles propres pour examen et commentaires. Le projet de règlement exigerait des « fournisseurs principaux » (grands producteurs, raffineurs et importateurs) de combustibles fossiles liquides qu’ils réduisent l’intensité en carbone de leurs combustibles (c’est-à-dire la quantité de carbone produite au cours du cycle de vie du combustible, y compris son extraction, son transport et l’utilisation finale du combustible lui-même) chaque année pendant les 20 prochaines années. Le règlement introduirait également un système de création et d’échange de crédits pour les fournisseurs principaux afin qu’ils puissent satisfaire à leurs obligations de réduction et, en dernier recours, il établirait un mécanisme de fonds aux fins de conformité auquel les fournisseurs principaux pourraient contribuer afin de remplir une partie de leurs obligations.
La publication du projet de règlement a été retardée en raison des doutes de l’industrie quant à sa capacité à respecter les niveaux et le calendrier de réduction fixés dans un rapport sur la politique antérieur et de préoccupations quant à l’incidence de la COVID-19. En réponse à ces préoccupations, le projet de règlement prévoit désormais des objectifs de réduction moins ambitieux pour les premières années, mais plus exigeants qu’initialement prévu pour les années suivantes.
La période de consultation publique de 75 jours concernant le projet de règlement n’est pas encore terminée; toutefois, les fournisseurs principaux ont déjà exprimé par le passé leurs préoccupations quant au manque d’options et de flexibilité pour répondre aux exigences de réduction, ainsi qu’à la faible disponibilité des biocarburants à faible teneur en carbone, dont la demande devrait fortement augmenter du fait de l’entrée en vigueur du règlement. Les fournisseurs principaux devront réorienter leurs activités pour trouver des moyens de générer des crédits de réduction d’ici l’entrée en vigueur prévue du règlement en 2022. Pour en savoir plus, cliquez ici et ici (article en anglais).
4. Modifications au régime de réglementation visant les sites contaminés de la Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique a récemment introduit de nouvelles obligations en matière de repérage et de traitement des sites contaminés (par l’entremise de modifications à l’Environmental Management Act (EMA) et au Contaminated Sites Regulation). Selon le gouvernement de la province, ces modifications étaient nécessaires pour remédier aux faiblesses et aux lacunes du processus relatif aux profils des sites et pour garantir que les sites contaminés soient repérés, passés en revue et assainis après leur fermeture ou avant leur réutilisation ou leur réaménagement. Cependant, ces modifications imposent un certain nombre de charges supplémentaires aux propriétaires et exploitants de biens commerciaux et industriels en Colombie-Britannique. BLG fournit une vue d’ensemble de ces modifications ici (article en anglais).
Depuis le 1er février 2021, le propriétaire ou l’exploitant de terrains qui ont été utilisés pour un usage commercial et industriel visé (ces usages sont indiqués à l’annexe 2 révisée du règlement) est assujetti à des exigences de déclaration supplémentaires. Un certain nombre d’activités, notamment la mise hors service ou la cessation de l’exploitation, les permis de développement ou de construction, les autorisations de lotissement et de modification du zonage, ou la protection contre les créanciers ou la faillite, nécessitent la soumission d’une déclaration de divulgation du site (remplaçant le précédent profil de site). Dans presque tous les cas, cela donnera lieu à une enquête préliminaire obligatoire sur le site. Si cette enquête révèle une contamination sur le site, une enquête détaillée du site sera également requise. Auparavant, la nécessité d’une enquête sur le terrain était laissée à la discrétion du directeur.
Il existe une demande pour des sites pétroliers et gaziers. Reconnaissant que l’Oil and Gas Commission de la Colombie-Britannique est responsable de la gestion des activités pétrolières et gazières, y compris de la réhabilitation de ces sites, des modifications corrélatives à l’Oil and Gas Activities Act suppriment l’obligation de conformité aux dispositions de l’EMA avant la délivrance d’un certificat de restauration. Au lieu de cela, les détenteurs d’un permis de pétrole et de gaz sont assujettis à l’Oil and Gas Activities Act et au Dormancy and Shutdown Regulation. BLG a présenté le Dormancy and Shutdown Regulation dans la mise à jour de l’année dernière (article en anglais).
Il est rappelé à toute personne assujettie à ces exigences que la Colombie-Britannique dispose d’une législation stricte en matière de recouvrement des coûts qui, dans la mesure où la contamination a été causée par une autre partie, peut être invoquée pour faire valoir le recouvrement de ces coûts (et d’autres coûts d’étude et de réhabilitation) auprès des « personnes responsables ».
5. Cadre pour l’énergie géothermique de l’Alberta
Le 7 octobre 2020, le gouvernement de l’Alberta a annoncé son plan pour le développement de l’énergie géothermique dans la province (le Plan). Le développement d’un secteur géothermique fort offre la possibilité de créer des emplois dans le secteur pétrolier et gazier et d’offrir des occasions économiques pour les communautés autochtones et rurales isolées, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
L’Alberta dispose d’un certain nombre d’atouts justifiant le développement de l’énergie géothermique, dont un avantage géologique naturel, la possibilité de reconvertir les puits et les infrastructures de pétrole et de gaz inactifs, un leadership et une expertise en matière de forage et un secteur des services bien établi. Divers projets pilotes sont en cours dans la province.
Le gouvernement travaille actuellement à la rédaction et à l’établissement d’un cadre législatif clair pour le développement de la géothermie. Des incertitudes subsistent quant à savoir si la géothermie peut valablement être assimilable à un minerai, si une redevance devra être versée et de quelle manière son exploitation en quantités commerciales sera réglementée. Actuellement, l’Alberta évalue les demandes de projets géothermiques au cas par cas. Compte tenu de l’intérêt croissant manifesté, le gouvernement envisage de fournir un cadre réglementaire stable et prévisible pour encourager et attirer les investisseurs dans le secteur. Le Plan est particulièrement important pour le secteur pétrolier et gazier dans le cadre du plan gouvernemental visant à diversifier le secteur énergétique de la province (voir la section sur la Natural Gas Vision ci-dessus), tout en intégrant les ressources renouvelables dans l’industrie énergétique existante. Pour en savoir plus, consultez notre article sur le cadre pour le développement de l’énergie géothermique de l’Alberta.