Une première décision très attendue a été rendue le 16 juillet 2020 par la Cour supérieure du Québec relativement à l’obligation de payer le loyer pendant la pandémie de la COVID-19. Cette décision est favorable aux locataires, mais peut encore être portée en appel ou distinguée dans les décisions à venir. Il faudra attendre plusieurs mois avant de comprendre la tendance des tribunaux québécois sur cette question. Voici un résumé de cette décision.
Le 16 juillet 2020, dans l'affaire Hengyun International Investment Commerce Inc. v. 9368-7614 Québec Inc., la Cour supérieure du Québec a rendu l'une des premières décisions concernant l'obligation d'un locataire commercial de payer un loyer pendant la pandémie de la COVID-19.
Hengyung International Investment Commerce inc. (le « Locateur ») loue des locaux à Montréal (le « Bail ») à VitalMaxx Fitness Centre inc. aux fins de l’exploitation d’un centre de conditionnement physique. Ce Bail a ensuite été cédé à 9368-7614 Québec inc. (le « Locataire »). Malheureusement, la relation entre ces parties a tourné au vinaigre presque immédiatement et a mené chacune d’entre elles à instituer des demandes d’injonction.
En l'espèce, la Cour examine plusieurs demandes de réduction de loyer présentées par le Locataire, dont l'une concerne la période comprise entre les mois de mars et juin 2020. Pendant cette période, le Locataire a été contraint par un décret gouvernemental de fermer son centre de conditionnement physique, puisque considéré comme un « service non-essentiel » par le gouvernement du Québec (le « Décret »). Le Locataire prétend que le Décret constitue un événement de force majeure et qu'il doit donc être libéré de l’obligation de payer le loyer pendant toute la période susmentionnée.
Comme on pouvait s’y attendre, le Locateur s’oppose à la position du Locataire, arguant qu’aucune force majeure ne s’est produite et que même en présence d’un événement de force majeure, la disposition spécifique du Bail traitant de cette question, oblige le Locataire à payer le loyer.
Dans le cadre de son analyse, la Cour examine les conditions préalables requises par l'article 1470 du Code civil du Québec pour conclure à la survenance d’un événement de « force majeure », à savoir :
- un événement imprévisible : un événement est imprévisible s'il ne pouvait être prévu au moment où l'obligation a été contractée; et
- un événement irrésistible : un événement est irrésistible s'il empêche l'exécution de l’obligation en question par quiconque, et non seulement par le débiteur.
Le premier critère est considéré par la Cour comme satisfait car la COVID-19 ne pouvait pas être prévue lorsque le Bail a été signé en 2017.
Quant au second critère, le Locataire prétend que celui-ci est rencontré en raison du Décret l’ayant empêché d’opérer et de générer des revenus lui permettant de payer son loyer. La Cour considère effectivement que ce second critère est rencontré, mais pour un tout autre motif. La Cour réfute l’approche « subjective » de l'irrésistibilité proposée par le Locataire. Pour être considéré comme irrésistible, l'événement en cause doit plutôt dispenser tout locataire placé dans les mêmes circonstances de payer son loyer peu importe sa capacité financière.
Par contre, la Cour considère que le Décret constitue un évènement, tant « imprévisible » qu’ « irrésistible », de force majeure qui a empêché le Locateur de remplir son obligation de procurer au Locataire la jouissance paisible des locaux et que cette obligation est une obligation de résultat pouvant être limitée mais non totalement exclue par les parties à un bail commercial. Dans les circonstances, la Cour applique l'article 1694 du Code civil du Québec et libère le Locataire de son obligation corrélative de payer le loyer.
De plus, la Cour refuse l’application de la clause de « retard inévitable » stipulée au bail selon laquelle le Locataire doit payer son loyer malgré la survenance d’un retard inévitable. Selon la Cour, cette clause régit les obligations susceptibles d’être exécutées tardivement et non les obligations dont l’exécution est rendue totalement impossible. En l’occurrence, puisque la Cour considère que l'obligation du Locateur de procurer la jouissance paisible des locaux pendant la période en cause n’est plus possible, le Locateur ne peut donc réclamer le paiement du loyer corrélatif.
Si vous avez des questions ou des préoccupations concernant vos obligations en tant que locateur ou locataire à la lumière de la décision susmentionnée, n'hésitez pas à contacter un membre de notre équipe en louage.