une main qui tient une guitare

Perspectives

Assemblées des actionnaires virtuelles et hybrides en raison de la COVID-19

Vu la prolifération de la COVID-19 et les directives de distanciation sociale émanant des représentants des gouvernements provinciaux et fédéral, les sociétés ouvertes canadiennes doivent trouver une solution de rechange à l’assemblée générale annuelle (AGA) des actionnaires, qui se fait habituellement en personne, pour la prochaine période de sollicitation de procurations. Parmi les solutions trouvées figurent les assemblées virtuelles et hybrides.

Que sont les assemblées virtuelles et hybrides?

L’assemblée virtuelle a lieu entièrement par voie électronique; elle n’est rattachée à aucun lieu physique. Quant à l’assemblée hybride, elle est tenue dans un lieu physique, mais les actionnaires peuvent choisir d’y participer en personne ou à distance. Dans les deux cas, les actionnaires peuvent, en principe, continuer d’exercer leur droit de vote en temps réel et de poser leurs questions. Toutefois, afin de réduire leurs coûts, certaines sociétés ont choisi, cette année, de tenir une AGA hybride par webdiffusion plutôt que sur une plateforme informatique interactive. Dans certains cas, cette solution empêche les actionnaires d’exercer leur droit de vote.

Les sociétés peuvent-elles toutes tenir une AGA virtuelle ou hybride?

La tenue d’une AGA virtuelle ou hybride doit être permise par les statuts, les règlements administratifs et les lois régissant la société. Il est important de savoir si la société a le droit de fixer un quorum électronique pour son assemblée.

La Loi sur les sociétés par actions (Ontario) (LSAO) permet aux sociétés de tenir leur AGA par voie téléphonique ou électronique et considère que tout actionnaire qui y exerce son droit de vote ou qui établit un lien de communication avec l’assemblée doit être compté dans le calcul visant à établir le quorum, à moins qu’un statut ou règlement administratif applicable ne prévoie le contraire.

Mais ailleurs, les lois ne sont pas aussi claires ou aussi souples. Par exemple, la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) permet à une société de tenir une AGA virtuelle seulement si i) ses règlements administratifs l’y autorisent expressément et ii) les moyens utilisés permettent à tous les participants de communiquer adéquatement pendant l’assemblée.

La technologie actuelle assure une bonne communication entre les participants, les membres du conseil d’administration et l’équipe de direction. Par contre, lorsque les participants sont nombreux, il est difficile de garantir une communication adéquate entre tous les participants. La Loi sur les sociétés par actions (Québec) (LSAQ) et la Business Corporations Act (Alberta) (ABCA) prévoient des exigences semblables.

Quant à la Business Corporations Act (Colombie-Britannique) (BCBCA), elle permet la participation par téléphone ou par tout autre moyen de communication lors des AGA, mais ne précise pas si ces dernières peuvent être tenues uniquement par voie électronique. La BCBCA exige également que les participants puissent « communiquer les uns avec les autres ».

La solution hybride, elle, permet de contourner certaines des difficultés que pose la tenue d’une AGA entièrement virtuelle. Pour la plupart des assemblées avec élection sans opposition, les sociétés parviennent à répondre aux exigences de quorum en ayant présentes, sur place, les personnes désignées par la direction comme fondés de pouvoir. Habituellement, ces personnes détiennent suffisamment de procurations pour atteindre le quorum. Par conséquent, les sociétés n’ont pas besoin de se prévaloir des dispositions législatives susmentionnées selon lesquelles l’actionnaire participant par voie électronique est considéré comme étant « présent » : elles peuvent décourager la participation en personne tout en favorisant la participation virtuelle.

Que se passe-t-il si la tenue d’une AGA virtuelle ou hybride n’est pas permise?

Si les règlements administratifs d’une société lui interdisent de tenir une AGA entièrement virtuelle, son conseil d’administration est habituellement en mesure de les modifier pour que la tenue d’une telle AGA soit permise. Ensuite, lors de l’assemblée en question, il demande aux actionnaires de ratifier la modification.

Si c’est la loi régissant la société qui interdit la tenue d’une AGA virtuelle ou hybride, la société peut demander à un juge une ordonnance qui le permet. La LSAO, la LCSA, l’ABCA, la LSAQ et la BCBCA permettent toutes l’émission d’une telle ordonnance après qu’un administrateur ou qu’un actionnaire ayant le droit de voter à l’AGM en a fait la demande. Les entreprises peuvent aussi s’adresser à un tribunal pour obtenir une ordonnance permettant le report de la date de l’AGA à une date ultérieure au délai prescrit par les lois qui les régissent.

Par ailleurs, certaines provinces et certains territoires accordent des reports même en l’absence d’une ordonnance autorisant les entreprises, organismes à but lucratif et sociétés à reporter une AGA, et ce, jusqu’à ce que soient levées les restrictions locales et provinciales visant les rassemblements.

Les ordonnances constituent donc une solution, mais il faut savoir qu’à bien des endroits, les tribunaux n’entendent actuellement que les affaires essentielles ou urgentes. Il peut donc être difficile d’obtenir une ordonnance en ce moment. À notre avis, il faut avoir recours à cette solution seulement si elle est absolument nécessaire.

La solution réglementaire

Le 20 mars, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont fourni des indications sur la tenue des AGA pendant la pandémie de COVID-19. Ces indications visent l’ensemble des questions abordées lors de l’AGA. Elles précisent, notamment, que les entreprises engagées dans une course aux procurations, convoquant des assemblées extraordinaires pour des opérations de fusion et d’acquisition ou souhaitant obtenir l’approbation de leurs porteurs de titres pour des opérations visées par le Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières sont invitées à communiquer avec leur autorité principale au sujet des mesures jugées appropriées dans les circonstances.

Les ACVM se sont aussi prononcées sur l’application de l’article 2.15 du Règlement 54-101 sur la communication avec les propriétaires véritables des titres d’un émetteur assujetti. Aux termes de cet article, l’entreprise qui donne aux porteurs inscrits de ses titres avis de l’ajournement ou de la modification de son AGA doit expédier simultanément cet avis à ses propriétaires véritables. Selon les ACVM, toute entreprise envisageant des changements ou des solutions de rechange à son AGA n’a pas à demander d’être dispensée de l’application de cet article, tant que les porteurs inscrits et les propriétaires véritables sont traités sur un pied d’égalité et reçoivent la même information.

Parallèlement, le 23 mars, la Bourse de Toronto (TSX) a diffusé un avis au personnel concernant la pandémie de COVID-19 et annonçant la dispense temporaire mais générale de l’application des dispositions du Guide à l’intention des sociétés de la TSX selon lesquelles les émetteurs doivent tenir leur AGA dans les six mois suivant la fin de leur exercice.

Cette dispense permet donc aux émetteurs de tenir leur AGA de 2020 à tout moment en 2020, quelle que soit leur date de fin d’exercice. Cela dit, la Bourse de Toronto s’attend encore à ce que les émetteurs respectent les lois sur les sociétés applicables en ce qui concerne le moment de la tenue de l’AGA. D’ailleurs, afin de reporter la date de leur AGA, ils doivent obtenir une ordonnance du tribunal ou suivre les indications données par leur registre d’entreprise. Il convient de noter que la Bourse de croissance TSX prévoit une dispense semblable. Pour en savoir plus, consultez notre dernier bulletin sur les ACVM.

Le changement de la date, de l’heure et du lieu d’une AGA en personne

Les ACVM sont d’avis que si une entreprise décide de changer la date, l’heure ou le lieu de son AGA en raison de la pandémie et qu’elle a déjà envoyé et déposé ses documents rattachés aux procurations, elle peut aviser ses actionnaires du changement sans devoir envoyer d’autres documents de sollicitation ni mettre à jour ses documents rattachés aux procurations. Il suffit qu’elle :

  • publie un communiqué de presse annonçant le changement de date, d’heure ou de lieu et donnant des directives claires quant à certaines questions de logistique de l’AGA virtuelle ou hybride, comme l’accès à distance pour les porteurs de titres, la participation et le vote;
  • dépose le communiqué de presse dans SEDAR;
  • prenne toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour communiquer le changement à toutes les parties composant l’infrastructure de vote par procuration (intermédiaires, agents de transferts, fournisseurs de services par procuration, etc.).

Les ACVM s’attendent à ce que les entreprises prennent ces mesures peu de temps après avoir décidé de changer la date, l’heure ou le lieu de leur AGA de sorte qu’elles en informent le marché suffisamment d’avance. Aux entreprises qui n’ont pas encore envoyé ni déposé leurs documents rattachés aux procurations, les ACVM suggèrent de rajouter à ces derniers des mentions concernant la possibilité d’un tel changement en raison de la COVID-19.

Pratiques optimales

Si une entreprise décide de tenir une AGA virtuelle ou hybride, elle doit :

  • communiquer avec son conseiller juridique pour déterminer d’abord si elle a le droit de tenir une telle AGA et, si oui, comment le faire en conformité avec le cadre législatif applicable;
  • relire ses règlements administratifs, envisager de les modifier pour permettre les assemblées virtuelles, au besoin, et tenir compte des questions de procédure énoncées dans les règlements, comme les pouvoirs du président et les exigences de quorum;
  • faire appel à des fournisseurs de services technologiques et à des agents de transferts pour confirmer la procédure et veiller à ce que toutes les exigences incontournables soient remplies;
  • communiquer sa décision aux actionnaires et s’assurer qu’ils en connaissent les motifs;
  • expliquer très clairement, dans les documents rattachés aux procurations, les étapes que les actionnaires doivent suivre pour participer à une AGA par voie électronique;
  • tenir compte des points à l’ordre du jour de l’assemblée – s’il y a des questions litigieuses au programme, la décision de tenir une AGA virtuelle ou hybride pourrait inviter certains à croire et même à dire qu’on a voulu dissuader les actionnaires d’y participer;
  • établir les règles de conduite et les diffuser avant l’AGA afin de s’assurer que les actionnaires ont l’occasion de faire entendre leur voix;
  • prendre connaissance des pratiques optimales énoncées dans Principles and Best Practices for Virtual Shareholder Meetings (en anglais seulement), un guide publié en 2018 par le comité des pratiques optimales en matière de participation des actionnaires aux assemblées annuelles virtuelles.

Prochaines étapes

La décision de tenir une AGA virtuelle ou hybride doit être prise avec circonspection et à la lumière des pratiques optimales. C’est pourquoi nous vous encourageons à communiquer avec l’un des auteurs du présent bulletin ou avec votre avocat du groupe de pratique Marchés financiers de BLG afin de déterminer si votre entreprise a le droit de tenir une AGA virtuelle ou hybride, et comment elle peut le faire.

Nous vous invitons également à consulter le Centre de ressources sur la COVID-19 de BLG pour de l’information sur divers sujets, comme la gestion des investissements, le travail et l’emploi, les risques contractuels, les obligations d’information, l’éducation et le droit criminel.

Contacts connexes