une main qui tient une guitare

Perspectives

Dans un nouveau rapport, un comité souligne la nécessité d’apporter des éclaircissements à la LCAP et de faire davantage de sensibilisation

La Loi canadienne anti-pourriel (la « LCAP ») prévoyait une revue de ses dispositions et de son fonctionnement trois ans après son entrée en vigueur en juillet 2014. Le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes (le « Comité ») a entrepris cet examen et tenu des audiences à l’automne dernier. Le 13 décembre 2017, il a terminé son examen et publié un rapport intitulé La Loi canadienne anti-pourriel : Des précisions s’imposent, dans lequel il expose 13 recommandations précises, dont plusieurs visent à clarifier la LCAP et à faire en sorte qu’elle n’engendre pas de coûts de conformité indus.

S’il a reconnu avoir entendu des témoignages d’opposition quant à l’efficacité de la LCAP, le Comité a toutefois noté que la place du Canada sur la liste des pays producteurs de pourriels s’était améliorée depuis l’entrée en vigueur de la LCAP. En revanche, puisque la portée réglementaire de la LCAP est plus large que ce qui est considéré comme des « pourriels », le Comité a recommandé que son nom abrégé soit remplacé par Loi sur la protection du commerce électronique (la « LPCE »).

Bien que le rapport ne propose pas beaucoup de solutions précises, le Comité a constaté que les témoins éprouvaient des difficultés de compréhension à propos de nombreux aspects de la LCAP et il recommande d’en clarifier certains, notamment en ce qui concerne les organismes de bienfaisance et sans but lucratif. Il a également formulé des recommandations touchant les dispositions de la LCAP relatives au droit privé d’action, qui devaient prendre effet en juillet dernier mais dont la mise en application a été suspendue par décret. Pour en savoir plus sur la suspension du droit privé d’action prévu par la LCAP, veuillez vous reporter à notre bulletin sur le sujet. 

Éclaircissements

Définition de « message électronique commercial »

La définition de « message électronique commercial », ou « MEC », s’est avérée problématique pour de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité, lequel a constaté qu’il existait un large consensus quant au fait que les courriels aux visées purement administratives et transactionnelles ne devraient pas être considérés comme des MEC. Plusieurs intervenants en avaient également contre le paragraphe 6(6) de la LCAP qui « exempte partiellement » certains types de messages de l’application des dispositions sur le consentement mais pas des autres obligations comme celles qui ont trait au mécanisme de désabonnement. Parmi ces détracteurs figurait un représentant du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC ») qui a fait remarquer qu’un grand nombre des messages décrits au paragraphe 6(6) ne constituent pas vraiment des messages électroniques commerciaux à proprement parler. D’autres témoins ont indiqué qu’il pouvait être déroutant pour des entreprises ou des consommateurs de recevoir des courriels administratifs, par exemple pour annoncer le rappel d’un produit, qui comportent un mécanisme de désabonnement.

Le Comité a recommandé que la définition de MEC soit clarifiée pour la rendre limpide et intelligible et s’assurer qu’elle ne donne pas lieu à des coûts de conformité indus. Plus précisément, il a demandé que des éclaircissements soient fournis quant à la question de savoir si les types de message suivants constituent des MEC : les messages administratifs et transactionnels, les messages figurant au paragraphe 6(6) de la LCAP et les messages électroniques entre entreprises.

Dispositions se rapportant au « consentement tacite » et au « consentement exprès »

Le Comité a entendu divers commentaires sur la notion de consentement. Certains intervenants ont demandé que soit mis en place un modèle de refus de consentement assorti d’un mécanisme de désabonnement, tandis que d’autres ont indiqué estimer que les exigences de consentement exprès sont trop strictes, une entreprise déclarant qu’il n’était toujours pas clair si le consentement tacite pouvait être inféré de l’abonnement à un service gratuit. Certains témoins ont suggéré que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques serve d’inspiration : le consentement pourrait être exigé pour les questions sensibles. D’autres ont également argué que la LCAP, dans sa forme actuelle, donne aux consommateurs le contrôle sur les communications électroniques qui leur sont destinées.

Le Comité ne fait pas de recommandation substantielle pour ce qui touche l’amélioration de la LCAP en réponse aux observations ci-dessus, mais a demandé une fois de plus que soit clarifiées les dispositions relatives au consentement tacite et au consentement exprès afin qu’elles soient claires et intelligibles et d’éviter qu’elles engendrent des coûts de conformité indus.

Application aux organismes de bienfaisance et sans but lucratif

Les MEC envoyés par un organisme de bienfaisance enregistré ou en son nom sont exemptés des exigences de la LCAP lorsque leur but premier est de récolter des fonds.

Lors des audiences devant le Comité, des questions sur l’application de la définition de MEC aux diverses activités des organismes de bienfaisance ou sans but lucratif ont été soulevées. Des témoins ont proposé que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif soient entièrement soustraits à la LCAP ou qu’ils soient exemptés de certaines de ses obligations ou encore du paiement de sanctions pécuniaires en cas de violation.

Le Comité a donc recommandé que des éclaircissements soient fournis quant à l’application de la LCAP aux organismes de bienfaisance et sans but lucratif.

Sensibilisation

De nombreux témoins ont affirmé avoir du mal à comprendre divers aspects de la LCAP. En outre, l’existence de deux règlements sur la protection du commerce électronique, l’un provenant du gouverneur en conseil et l’autre du CRTC, chacun étant assorti de ses propres documents d’orientation n’aide en rien.

Le Comité a également entendu des tenants et des opposants de la LCAP qui ont demandé au CRTC de revoir ses documents d’orientation. Ainsi, faisant valoir qu’en raison du climat d’incertitude, il est difficile d’évaluer ce qui est acceptable aux termes de la LCAP, il a recommandé que le CRTC redouble ses efforts de sensibilisation auprès des Canadiens en offrant des documents efficaces, accessibles et mis à jour régulièrement.

Droit privé d’action

Les opposants au droit privé d’action (le « DPA ») prévu par la LCAP ont exprimé des inquiétudes quant au fait que des dommages-intérêts pourraient être versés en l’absence de preuve de dommages réels; ils se sont également montrés préoccupés par le fait qu’il n’existe aucun seuil d’importance relative. On a également mis de l’avant le fait que la crainte d’une action collective pourrait dissuader certaines entreprises de faire affaire au Canada. D’autres témoins ont milité en faveur de la mise en application du DPA au motif que ce dernier était nécessaire pour compléter les efforts que déploient les organismes d’application de la loi pour protéger les Canadiens.

Le Comité a émis l’avis que la LCAP devait dans un premier temps être clarifiée et modifiée avant que le gouvernement se penche plus avant sur la mise en application du DPA.

Application par le CRTC

Plusieurs témoins se sont prononcés sur le processus d’application de la LCAP par le CRTC. Des représentants de ce dernier ont indiqué sélectionner les dossiers en fonction de la probabilité de prouver une violation à la Loi et du potentiel d’encourager le respect de la législation et choisir l’instrument d’application (lettre d’avertissement, engagement ou sanctions pécuniaires) le plus susceptible d’assurer le respect de la LCAP. Certains témoins ont prétendu que le CRTC ne ciblait que des entreprises légitimes de bonne foi au lieu de s’attaquer à de « véritables » polluposteurs et qu’il imposait des sanctions démesurées à de petites entreprises qui ont enfreint la LCAP involontairement. Il a été proposé que le CRTC se dote d’une gradation pour limiter le pouvoir discrétionnaire qu’il exerce sur le choix des mesures d’application, ce à quoi le CRTC a répondu qu’une telle gradation réduirait sa capacité à adapter les mesures au cas par cas.

Le Comité a indiqué que le fait que le CRTC dispose d’un pouvoir discrétionnaire n’empêchait pas celui-ci de l’exercer avec plus de transparence. Il a par conséquent recommandé que le gouvernement du Canada examine, de concert avec le CRTC, des solutions qui rendent les méthodes, les enquêtes et la détermination des sanctions plus transparentes.

Conclusion

Bien qu’il ne se soit pas prononcé sur la façon dont la LCAP devrait être modifiée, le Comité a précisé des domaines en particulier où le cadre régissant la LCAP devait être modifié, que ce soit au moyen de la législation, de la réglementation ou des documents d’orientation du CRTC. Les entreprises qui étudient de nouvelles stratégies en matière de conformité et de nouvelles évaluations des risques devraient tenir compte de la possibilité que certains aspects de la LCAP soient modifiés dans un avenir rapproché.

Le rapport laisse également croire qu’il pourrait s’écouler un certain temps avant que le droit privé d’action prévu par la LCAP n’entre en vigueur, voire qu’il pourrait ne jamais voir le jour.