Le 2 mai 2017, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a introduit le projet de loi n°134, connu sous le nom de Loi visant principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation1 (le « Projet de loi »). Ce dernier a comme objectif premier de moderniser la Loi sur la protection du consommateur (Québec) (la « LPC ») et vise notamment à instaurer de nouvelles règles et obligations aux commerçants dans le domaine du crédit à la consommation. Voici les principaux changements apportés à la LPC relativement aux contrats de crédit.
Taux de crédit
Le Projet de loi modifie le calcul du taux de crédit pour les contrats de crédit en ajoutant des composantes qui doivent être ignorées aux fins du calcul du taux de crédit, comme la prime de toute assurance, les frais d'inscription à un registre de la publicité des droits, les frais d'adhésion pour un contrat de crédit variable, les frais et les honoraires professionnels, ainsi que les frais de consultation des registres de la publicité des droits dans un contrat de crédit garanti par hypothèque immobilière2.
Évaluation de la capacité de rembourser du consommateur
Le Projet de loi ajoute une obligation d'évaluer la capacité de paiement du consommateur. En effet, avant de conclure un contrat de crédit ou d'augmenter la limite de crédit d'un contrat de crédit variable, tout commerçant aura l'obligation d'évaluer la capacité du consommateur de rembourser le crédit demandé3. Le défaut du commerçant de faire cette évaluation emporte la perte du droit du commerçant de réclamer des frais de crédit4. Le commerçant doit, le cas échéant, rembourser les frais de crédit que le consommateur a déjà payés.
Les critères que devra prendre en compte le commerçant seront précisés par règlement du gouvernement. Le Projet de loi prévoit également que certaines institutions financières de réglementation fédérale sont réputées satisfaire à cette obligation d'évaluation de la capacité de rembourser du consommateur.
Contrat de crédit à coût élevé
Le Projet de loi introduit le nouveau concept de « contrat de crédit à coût élevé », qui n'est pas défini dans le Projet de loi, mais dont les caractéristiques seront déterminées par règlement ultérieurement5. Ce Projet de loi crée des conditions contraignantes pour le commerçant. Avant de conclure un tel contrat avec un consommateur, le commerçant doit remettre au consommateur, par écrit, un exemplaire des documents faisant état de l'évaluation de la capacité de rembourser du consommateur et des informations relatives à son ratio d'endettement, qui est l'expression du passif du consommateur sous la forme d'un pourcentage calculé de la manière prescrite par règlement6. Si le commerçant ne respecte pas cette exigence, il est réputé ne pas avoir fait l'évaluation requise précédemment7. De plus, le consommateur qui conclut un tel contrat alors que son ratio d'endettement excède le ratio identifié par règlement est présumé avoir contracté une obligation excessive, abusive et exorbitante, ce qui ouvre la voie à un recours en annulation du contrat ou en réduction des obligations qui en découlent (article 8 LPC)8. Le Projet de loi ajoute que ce contrat peut être résolu dans les 10 jours qui suivent la possession d'un double du contrat par chacune des parties9.
Changements relatifs aux contrats de crédit variable, contrats de prêt d'argent et contrats de vente à tempérament
Le Projet de loi précise le concept de « contrat de crédit variable » en y ajoutant le contrat d'utilisation d'une carte de crédit, d'une marge de crédit, d'un compte crédit, d'une ligne de crédit, d'un compte budgétaire, d'un crédit rotatif, d'une ouverture de crédit et de tout autre contrat de cette nature10. Le Projet de loi ajoute différentes formalités; entre autres, le contrat doit inclure la limite de crédit consentie, le taux de crédit, la nature des frais de crédit ainsi que la manière d'en déterminer le montant, le délai accordé au consommateur pour acquitter son obligation sans être tenu de payer des frais de crédit, les modalités de variation du taux de crédit, le versement périodique minimal ainsi que la durée pour laquelle un état de compte est fourni. Le contrat est aussi sujet à d'autres formalités prévues par règlement. Le formulaire de demande de crédit est soumis à des formalités de la même nature11.
Le contrat de prêt d'argent devra désormais contenir les renseignements prévus par règlement, mais aussi les renseignements comme le capital net, le montant et la date de toute avance faite ou à faire, les frais de crédit exigés, la durée du contrat, le taux de crédit (en précisant s'il est variable) et le montant et la fréquence des versements. De plus, la vente avec faculté de rachat qu'un consommateur fait d'un de ses biens à un commerçant est réputée être un contrat de prêt d'argent si le montant que le consommateur doit payer pour racheter le bien est supérieur au montant payé par le commerçant pour obtenir le bien12. La vente qu'un consommateur fait d'un de ses biens à un commerçant qui l'acquiert dans le but de lui louer ce bien pour un montant supérieur à celui qu'il a payé pour l'acquérir est aussi réputée être un contrat de prêt d'argent13.
Le contrat de vente à tempérament doit aussi contenir certains renseignements prévus par règlement ainsi que des renseignements exigés par le Projet de loi, comme la description du bien, le prix de vente du bien, la valeur du bien échangé, les frais de crédit exigés, la durée du contrat, le montant et la date d'échéance de chaque versement et des modalités spécifiques en cas de variation du taux de crédit14.
Exigences concernant l'état de compte
À la fin de chaque période de facturation, le commerçant devra fournir sans délai au consommateur un état de compte indiquant, notamment, la période visée par l'état de compte, le solde du compte au début de la période, une description suffisante ainsi que la date et la valeur de chacune des opérations, le solde du compte à la fin de la période, le versement minimal requis pour la période et la limite de crédit applicable pour la période15. Par contre, le commerçant n'est pas requis de transmettre un état de compte au consommateur lorsqu'au cours d'une période, il n'y a aucune activité au compte du consommateur et si le solde du compte est nul16.
Cet état de compte pourra être transmis à l'adresse technologique du consommateur, si ce dernier fournit son consentement exprès17. Le consommateur pourra retirer cette autorisation en tout temps en avisant le commerçant. Par ailleurs, l'état de compte sera réputé transmis à l'adresse technologique du consommateur si toutes les conditions suivantes sont réunies : (1) le consommateur reçoit à son adresse technologique un avis selon lequel l'état de compte est disponible sur le site Internet du commerçant; (2) l'état est effectivement disponible pendant la durée déterminée par règlement; et (3) le consommateur est en mesure de conserver un exemplaire de l'état de compte18.
L'émetteur d'une carte de crédit devra publier sur son site Internet la version à jour de tout contrat pour l'utilisation d'une carte de crédit offerte aux consommateurs19. Le consommateur peut exiger du commerçant qu'il lui fasse parvenir, sans frais, une copie des pièces justificatives de chacune des opérations au compte. Le commerçant doit faire parvenir ces documents dans un délai de 60 jours suivant la date d'envoi de la demande du consommateur20.
Versement minimal
Le Projet de loi précise que le versement minimal requis pour un contrat de carte de crédit pour une période ne peut être moindre que 5 % du solde du compte à la fin de cette période21.
Délai pour l'acquittement du solde
De plus, le Projet de loi exige aux commerçants d'accorder au consommateur un délai d'au moins 21 jours après le dernier jour de la période de facturation visée par l'état de compte pour acquitter la totalité de leur obligation sans devoir payer des frais de crédit22. Cette disposition ne s'applique pas aux avances de fonds pour lesquelles le commerçant peut exiger des frais de crédit à compter de la date de l'avance jusqu'au paiement de l'avance de fonds.
Exigences sur la limite de crédit
Le Projet de loi impose certaines exigences aux commerçants relativement à la limite de crédit. Le commerçant ne pourra augmenter la limite de crédit consentie que sur demande expresse du consommateur23. D'ailleurs, le commerçant ne pourra augmenter la limite de crédit au-delà de la nouvelle limite demandée par le consommateur.
Il est important de souligner que le dépassement de la limite de crédit consentie par le consommateur à la suite d'une opération ne constitue pas une demande expresse24. Aussi, une retenue effectuée sur une carte de crédit n'est pas une opération entrainant le dépassement de la limite25. Donc, le commerçant ne peut permettre au consommateur de faire une opération qui dépasse la limite de crédit consentie sauf si toutes les conditions suivantes sont respectées : (1) le commerçant transmet un avis au consommateur indiquant qu'une opération effectuée entraîne le dépassement de la limite; (2) le commerçant n'impose aucuns frais liés à ce dépassement; et (3) le commerçant doit inclure la partie du montant de l'opération qui excède le montant de la limite dans le versement minimal requis pour la prochaine période de facturation.
Suivant le même principe, toute augmentation unilatérale de la limite de crédit par le commerçant est inopposable au consommateur. Ce dernier ne sera pas tenu au paiement des sommes qui excèdent la limite de crédit consentie26. C'est pour cette raison que la stipulation qui permet à un commerçant d'augmenter unilatéralement la limite de crédit et l'imposition de frais au consommateur lorsqu'une opération a pour effet de dépasser la limite de crédit sont interdites par le présent Projet de loi27.
Interdictions relativement aux messages publicitaires trompeurs
Finalement, le Projet de loi ajoute des dispositions visant à protéger les consommateurs des messages publicitaires trompeurs. À l'avenir, il sera spécifiquement interdit à un commerçant de faire une représentation fausse ou trompeuse, dans un message publicitaire, à un consommateur selon laquelle le crédit peut améliorer sa situation financière ou résoudre ses problèmes d'endettement28. De plus, un commerçant ne peut alléguer que le rapport de crédit d'un consommateur sera amélioré29.
Entrée en vigueur
La portée et la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions de la LPC seront ultérieurement complétées par règlement.
Finalement, l'entrée en vigueur du Projet de loi n'est pas encore déterminée. Les probabilités que le Projet de loi soit adopté avant la fin de la session parlementaire, soit autour du 16 juin 2017, sont relativement minces. Il est plus probable que le Projet de loi soit adopté à l'automne 2017, au plus tôt. En outre, la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions devrait être ultérieure à l'adoption du Projet de loi.
1 Loi visant principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation, Projet de loi n°134 (Adopté), 1re sess., 41e legis. (Qc)
2 Article 12 du Projet de loi (article 72.1 de la LPC).
3 Article 19 du Projet de loi (article 103.2 de la LPC).
4 Article 19 du Projet de loi (article 103.3 de la LPC).
5 Article 19 du Projet de loi (article 103.4 al. 3 de la LPC).
6 Article 19 du Projet de loi (article 103.4 de la LPC).
7 Article 19 du Projet de loi (article 103.4 de la LPC).
8 Article 19 du Projet de loi (article 103.5 de la LPC).
9 Article 13 du Projet de loi (article 73 de la LPC).
10 Article 25 du Projet de loi (article 118 de la LPC).
11 Article 27 du Projet de loi (article 119.1 de la LPC).
12 Article 23 du Projet de loi (article 115.1 de la LPC).
13 Article 23 du Projet de loi (article 115.1 al. 2 de la LPC).
14 Article 35 du Projet de loi (article 134 de la LPC).
15 Article 31 du Projet de loi (article 126 de la LPC).
16 Article 31 du Projet de loi (article 126.2 de la LPC).
17 Article 32 du Projet de loi (article 127 al. 1 de la LPC).
18 Article 32 du Projet de loi (article 127 de la LPC).
19 Article 30 du Projet de loi (article 125.2 de la LPC).
20 Article 31 du Projet de loi (article 126.3 de la LPC).
21 Article 31 du Projet de loi (article 126.1 de la LPC).
22 Article 33 du Projet de loi (article 127.1 de la LPC).
23 Article 34 du Projet de loi (article 128 de la LPC).
24 Article 34 du Projet de loi (article 128 de la LPC).
25 Article 34 du Projet de loi (article 128.1 de la LPC).
26 Article 34 du Projet de loi (article 128.2 de la LPC).
27 Article 34 du Projet de loi (article 128.3 de la LPC).
28 Article 54 du Projet de loi (article 244.1 de la LPC).
29 Article 54 du Projet de loi (article 244.2. de la LPC).