Une modification au Règlement sur la santé et la sécurité du travail, adoptée le 8 mai 2013 (disponible ici), impose désormais aux employeurs du Québec de prendre des mesures d’investigation et de correction quant à la présence potentielle d’amiante dans le bâtiment où leurs employés travaillent. Elle est entrée en vigueur le 6 juin dernier.
Mise en contexte – obligation de l’employeur envers les travailleurs
L’obligation des employeurs de limiter l’exposition des travailleurs aux fibres d’amiante n’est pas nouvelle. La Loi sur la santé et la sécurité du travail (la « LSST ») prévoit que l'employeur doit, de manière générale, prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur.
Cette obligation comporte plusieurs volets. Sans tous les énumérer, il convient de savoir que l’employeur doit s'assurer d’utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur et doit s'assurer que l'émission d'un contaminant ne porte pas atteinte à la santé ou à la sécurité de quiconque sur un lieu de travail.
L’amiante et les risques pour la santé des travailleurs
L’amiante est un cancérigène reconnu. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, elle est responsable d’un tiers des décès par cancer d'origine professionnelle (http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs343/fr/). En raison du caractère friable de l’amiante, des fibres respirables peuvent se détacher d’un matériel endommagé et se disperser dans l’air, créant un risque pour la santé de la personne qui les inhale.
L’utilisation de l’amiante au Québec
L’amiante est un isolant thermique, acoustique et électrique. Au Québec, jusqu’au début des années 1980, l’utilisation de flocage, un matériel appliqué par projection, généralement à des fins d’isolation thermique, contenant de l’amiante était monnaie courante et les flocages et les matériaux calorifuges contenant de l’amiante sont donc fréquemment présents dans les bâtiments qui datent d’avant cette époque.
Il importe de noter que d’autres revêtements intérieurs incorporés à des bâtiments construits ou rénovés à la même époque peuvent aussi contenir de l’amiante, notamment le gypse, le composé à joints, le stuc et autres enduits, les tuiles de plafond, le calfeutrant pour fenêtres et les carreaux de vinyle.
Les obligations des employeurs avant les modifications
Avant les modifications, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (le « RSST ») prévoyait déjà des normes de qualité de l’air en milieu de travail, notamment, des normes relatives à la concentration de fibres d’amiante respirables dans l’air.
Le RSST ne prévoyait cependant pas spécifiquement l’obligation de rechercher et d’entretenir les matériaux contenant de l’amiante. En conséquence, les pratiques des employeurs et des propriétaires d’immeubles relatives à la prévention des risques à la santé associés à l’amiante demeuraient, à ce jour, inégales.
Effets des modifications au RSST
Une obligation d’inspection des flocages et des calorifuges
Le RSST prévoit désormais l’obligation, pour les employeurs, d’inspecter certains bâtiments sous leur autorité afin de localiser et, au besoin, réparer les matériaux calorifuges et le flocage présents dans ces bâtiments.
Une première inspection devra avoir lieu dans les deux ans de l’entrée en vigueur de la modification au RSST, soit avant le 5 juin 2015. Les bâtiments devant être inspectés sont les suivants :
- les bâtiments construits avant le 15 février 1990 doivent être inspectés pour localiser les flocages contenant de l’amiante. Le flocage est un mélange de matériaux friables appliqués par projection pour couvrir une surface; et
- les bâtiments construits avant le 20 mai 1999 doivent être inspectés pour localiser les calorifuges contenant de l’amiante. Les matériaux calorifuges sont des matériaux qui recouvrent une installation ou un équipement afin d’empêcher une déperdition de chaleur.
Si l’inspection révèle qu’un flocage ou un calorifuge est susceptible d’émettre de la poussière d’amiante, des mesures doivent être prises par l’employeur qui doit l’enlever, l’enfermer entièrement dans un ouvrage permanent et étanche aux fibres, l’enduire ou l’imprégner d’un liant ou le recouvrir d’un matériau étanche aux fibres.
Il est désormais présumé que tous les flocages et calorifuges contiennent de l’amiante, sous réserve d’une démonstration, par l’employeur, du contraire. Pour faire cette démonstration, le RSST prévoit que l’employeur peut soit utiliser de l’information documentaire, telle une fiche technique ou signalétique ou des plans et devis de construction démontrant que le matériau a été installé après, selon le cas, le 15 février 1990 ou le 20 mai 1999, ou alors obtenir un rapport préparé par un laboratoire qui participe à un programme de contrôle de la qualité. Les résultats de ce laboratoire devant être conservés par l’employeur.
Tous les deux ans suivant l’inspection initiale, les flocages et calorifuges contenant de l’amiante devront être vérifiés à nouveau par l’employeur, à moins que :
- ils ne soient entièrement enfermés dans un ouvrage permanent et étanche aux fibres (excluant l’enveloppe de protection d’un calorifuge); et
- l’accès aux calorifuges et aux flocages n’est possible qu’en détruisant cet ouvrage.
Une obligation applicable aux autres matériaux et produits contenant de l’amiante
Comme on l’a vu plus tôt, plusieurs autres types de revêtement intérieurs sont susceptibles de contenir de l’amiante (carreaux de vinyle, tuiles de plafond, le gypse et le composé à joints fabriqués avant janvier 1980, etc.).
En ce qui concerne les matériaux autres que les calorifuges ou les flocages, susceptibles de contenir de l’amiante, et notamment plusieurs revêtements intérieurs, l’employeur est désormais requis de :
- avant d’entreprendre un travail susceptible d’émettre de la poussière d’amiante par une action directe ou indirecte sur un bâtiment sous son autorité ou à l’intérieur de celui-ci, vérifier la présence d’amiante dans les matériaux et les produits susceptibles d’en contenir;
- avant l’acquisition de matériaux ou de produits susceptibles de contenir de l’amiante, vérifier si effectivement ils en contiennent; et
- réparer ou enlever tous les revêtements intérieurs susceptibles de contenir de l’amiante qui, en raison de leur état, peuvent émettre de la poussière dans l’air.
Ici encore, tous les matériaux susceptibles de contenir de l’amiante sont présumés en contenir, à moins que l’employeur ne dispose d’une preuve du contraire.
Une obligation de correction applicable à tout bâtiment
Le RSST fait une distinction intéressante en ce qui concerne l’obligation d’inspection et celle d’appliquer des correctifs (c’est-à-dire l’obligation pour l’employeur d’enlever ou de réparer des revêtements intérieurs, flocages ou calorifuges susceptibles d’émettre de la poussière d’amiante). Alors que l’obligation d’inspection semble limitée aux bâtiments « sous l’autorité » de l’employeur, l’obligation de correction, elle, n’est pas limitée de la même façon.
Il nous apparaît donc possible d’affirmer que l’employeur est désormais dans l’obligation de prendre de telles mesures de correction même si le bâtiment n’est pas sous son autorité.
Une obligation de tenir un registre
L’employeur doit, aussi longtemps que le bâtiment est sous son autorité, conserver un registre qui contiendra les informations pertinentes aux inspections et aux travaux, telles les renseignements relatifs aux inspections, la localisation des matériaux contenant de l’amiante, les détails relatifs aux échantillons prélevés, les preuves de l’absence d’amiante et les dates et détails des travaux d’enlèvement. Ce registre doit être à la disposition des travailleurs.
Un guide technique a été publié par la CSST le 6 juin dernier quant aux nouvelles dispositions réglementaires (disponible ici).
Impact pour les employeurs qui sont locataires et recommandations
Un employeur qui est locataire de ses établissements de travail n’aura pas, généralement, prévu assumer la responsabilité financière de l’enlèvement ou du remplacement des revêtements intérieurs, flocages ou calorifuges susceptibles d’émettre de la poussière d’amiante, laquelle responsabilité peut en l’occurrence s’avérer onéreuse. Dans un contexte où le RSST l’oblige désormais à effectuer des travaux, sans prévoir de responsabilité financière de la part du propriétaire, il est possible que celui-ci doive assumer cette responsabilité financière.
À la lumière de ce qui précède, un locataire existant prévoyant devrait réviser son bail et, au grand minimum, dans le contexte de son éventuel renouvellement ou prolongation, imposer au bailleur les obligations résultant ou pouvant résulter des modifications au RSST et lui faire assumer tous les coûts pouvant en résulter. Dans le cadre de la négociation de tout nouveau bail, un locataire devrait exiger une représentation et garantie quant à l’absence de calorifuges, flocages et autres matériaux pouvant contenir de l’amiante et imposer au bailleur les obligations résultant ou pouvant résulter des modifications au RSST et lui faire assumer seul tous les coûts pouvant en résulter.
Du point de vue du bailleur, il serait peut-être souhaitable qu’il effectue lui-même les inspections et travaux requis, le cas échéant, et qu’il se réserve le droit de recharger tous les coûts y afférant à même les frais d’exploitation. En effet, en toute probabilité, il ira de l’intérêt du bailleur d’éviter que la qualité déficiente des travaux effectués en application des modifications au RSST engendre des dépenses additionnelles dans le futur et/ou des problèmes de santé aux occupants du bâtiment.
Il est finalement pertinent de rappeler aux propriétaires qu’en vertu de la LSST, ils doivent faire en sorte que les mesures nécessaires soient prises pour protéger la santé et assurer la sécurité des travailleurs dans les parties d’un édifice qui ne sont pas sous l’autorité d’un employeur. Notez cependant que cette obligation ne s’applique que lorsqu’un même édifice est utilisé par plusieurs employeurs.