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Perspectives

Principales considérations visant les contrats de construction en prévision des tarifs douaniers américains

Dans un contexte de fortes tensions, les États-Unis et le Canada ont conclu tout récemment un accord provisoire pour retarder d’au moins 30 jours l’entrée en vigueur des tarifs douaniers. Le spectre des tarifs douaniers américains et les mesures de rétorsion annoncées par le Canada laissent présager une période de turbulences pour le secteur canadien de la construction. L’incidence des tarifs reste incertaine, mais pourrait être profonde et complexe (cliquez ici pour connaître notre opinion générale sur le sujet).

Les prochains mois seront déterminants pour les propriétaires et les entrepreneurs du secteur de la construction, qui auront tout intérêt à passer au peigne fin leurs contrats en vigueur et futurs. Il leur sera crucial d’évaluer l’incidence potentielle des tarifs douaniers sur les coûts et les délais, d’examiner la possibilité d’invoquer des clauses exonératoires et de recourir à des garanties d’exécution, et d’envisager des stratégies d’atténuation.

Les contrats de construction peuvent contenir des exigences strictes en matière de notification, des dispositions relatives aux changements législatifs, une obligation de limiter le préjudice et bien d’autres exigences. Négliger ces aspects essentiels peut avoir des conséquences financières dévastatrices. Voici les principales considérations à garder à l’esprit.

À quels matériaux ou services les tarifs douaniers canadiens s’appliqueraient-ils?

L’application de tarifs douaniers reste incertaine, mais les autorités américaines et canadiennes ont donné des indications sur ce qu’il pourrait se passer. Les tarifs auraient très probablement une incidence directe sur les projets de construction canadiens.

Avant que les États-Unis et le Canada ne parviennent à un accord pour retarder leur entrée en vigueur, le gouvernement fédéral canadien a annoncé qu’il imposerait à son tour des tarifs sur 30 milliards de dollars de marchandises américaines, dont le bois d’œuvre, le plastique, les outils, les accessoires de cuisine et de salle de bains et les meubles. Il prévoit aussi en imposer sur d’autres marchandises américaines importées, pour une valeur de 125 milliards de dollars. Le gouvernement canadien devrait rendre publique la liste complète des marchandises concernées et permettre une consultation publique de 21 jours avant l’entrée en vigueur des tarifs. Cette liste pourrait inclure des produits d’acier et d’aluminium.

Chaque province peut également imposer ses propres tarifs douaniers aux entreprises et marchandises américaines.  Dans la foulée de l’annonce des États-Unis du gel provisoire des tarifs, le premier ministre de l’Ontario a déclaré que la province mettrait en suspens les mesures de rétorsion prévues, notamment l’exclusion des entreprises américaines de ses appels d’offres. Dans la même veine, la ministre de l’Économie du Québec avait annoncé avant le gel que la province imposerait une pénalité de 25 % à tout soumissionnaire américain pour des contrats publics.

L’incertitude plane quant à la portée et aux modalités des éventuels tarifs provinciaux; BLG suit de près l’évolution de la situation et publiera des nouvelles sur les développements liés aux négociations canado-américaines.

Dispositions exonératoires

Pour les parties prenantes en construction, le moment est venu de sortir la loupe pour dépoussiérer les contrats et passer en revue les petits caractères relatifs aux dispositions exonératoires. Différentes clauses contractuelles doivent être envisagées en fonction des situations, notamment pour les entrepreneurs, et certaines limitations s’appliquent aux exonérations possibles.

i. Clauses visant les changements législatifs et les changements de circonstances :

Les contrats de construction prévoient souvent des dispositions exonératoires en cas de changement législatif, même si elles sont parfois limitées. Ce type de dispositions permet d’offrir des prix plus concurrentiels tout en évitant certains risques. Il peut s’agir d’un délai supplémentaire pour achever les travaux et, éventuellement, d’une compensation supplémentaire pour tenir compte de l’augmentation des coûts résultant d’un changement de circonstances. La question centrale est de déterminer comment le contrat définit un changement législatif. Cette définition peut être suffisamment large pour inclure les tarifs douaniers (ex. : une directive d’une entité gouvernementale pourrait être considérée comme un changement législatif). En revanche, la définition peut être trop étroite pour englober un tarif douanier imposé par un gouvernement étranger, ou exclure expressément les changements tarifaires.

La portée de ces dispositions est très variable, certains contrats ne prévoyant des dédommagements qu’en cas de changements très précis, d’autres couvrant un éventail très large de situations. Par exemple, certains contrats P3 standards ne permettent vraisemblablement pas d’accorder une dérogation en cas de changement législatif visant les tarifs douaniers imposés par un gouvernement étranger, étant donné que la définition de ce type de changement englobe uniquement les lois, les politiques gouvernementales et les directives applicables dans le territoire des parties contractantes. Cette situation diffère de la dispense accordée aux entrepreneurs dans d’autres modèles de l’industrie comme, par exemple, le contrat à forfait du Comité canadien des documents de construction (CCDC 2), qui permet une dispense pour les changements apportés à un ensemble de lois plus large.

ii. Force majeure :

Un cas de force majeure est généralement un événement qui a une incidence sur le coût ou l’échéancier d’un projet de construction et qui échappe au contrôle raisonnable des parties contractantes. La pandémie a entraîné un examen approfondi des clauses à ce sujet, qui sont devenues plus complexes et définissent plus clairement les cas de force majeure. Parfois, une clause de force majeure est suffisamment large pour englober un changement législatif tel que décrit ci-dessus. Les parties doivent examiner attentivement la portée d’une telle clause et s’assurer qu’elle ne fait pas double emploi avec une clause visant les changements législatifs. De plus, les avantages que confèrent ces deux types de clauses peuvent ne pas être les mêmes.

iii. Autres dispositions exonératoires ou événements survenants :

Tout comme pour les clauses de force majeure, certains contrats énumèrent des événements précis qui permettent d’alléger les obligations contractuelles, par exemple en accordant un délai ou une compensation financière supplémentaires. Puisque les clauses d’indexation peuvent entrer dans cette catégorie, il faut y porter une attention particulière. Pour ce qui est des contrats prospectifs, si ces types de clauses peuvent engendrer de l’incertitude quant à la durée et au coût d’un projet, elles contribuent souvent à réduire les risques.

Obstacles à l’exécution de telles dispositions

Les contrats de construction définissent souvent – à juste titre – la manière dont les exceptions sont accordées ou limitées dans certaines situations. Ces exceptions s’accompagnent régulièrement de restrictions.

i. Exigences strictes visant les notifications :

Étant donné que la plupart des contrats prévoient une obligation de notification, et compte tenu de la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaireCorpex (1977) Inc. c. La Reine du chef du Canada, 1982 CanLII 213 (CSC) et d’autres décisions subséquentes, il est fort probable que les tribunaux exigeront le respect rigoureux de ce type de dispositions. Le libellé des contrats prévoit généralement une obligation de notification sous un certain délai à compter de la survenance d’un événement (et peut également inclure la fourniture de renseignements suffisamment détaillés sur l’événement ou la circonstance). En outre, dans certains cas, l’absence de notification peut entraîner le rejet total de la réclamation, tandis que dans d’autres, cette dernière peut être réduite à la portée du préjudice causé à l’autre partie par une notification tardive.

ii. Obligations de limiter le préjudice :

S’il existe en common law une obligation générale de limiter le préjudice, de nombreux contrats de construction prévoient des obligations plus précises à cet égard. La mesure dans laquelle la partie concernée doit respecter cette obligation à ses dépens n’est pas précisée dans la loi. Il est probable que les dépenses engagées doivent rester raisonnables; dans certains cas, les parties soutiennent qu’elles n’ont pas à faire quoi que ce soit qui entraînerait des coûts supplémentaires pour respecter leurs obligations. Les mesures prises pour limiter le préjudice doivent être consignées et étayées par des preuves.

iii. Conformité aux lois applicables :

La plupart des contrats contiennent une disposition qui oblige les entrepreneurs à se conformer à toutes les lois applicables. Si un contrat ne mentionne pas l’application de tarifs douaniers relativement aux dispositions exonératoires ci-dessus, pour un entrepreneur ces tarifs entreraient dans la définition de changement législatif et pourraient être traités comme toute autre augmentation de coût causée par la modification d’une loi fiscale. Les sociétés de construction canadiennes doivent donc être vigilantes quant aux mesures de rétorsion que le Canada pourrait décider d’imposer sur les importations américaines.

Parer aux tarifs douaniers à l’avenir

On ignore aujourd’hui combien de temps les tarifs potentiels seraient en vigueur et si d’autres tarifs sont à prévoir. Il faut donc considérer les solutions suivantes :

  • Privilégier les fournisseurs échappant aux tarifs douaniers : Les entrepreneurs devraient envisager de s’approvisionner auprès d’un pays qui n’est pas touché par les tarifs ou se procurer des marchandises produites au Canada, ce qui présenterait aussi l’avantage de satisfaire aux politiques ESG en matière d’approvisionnement en biens disponibles localement.
  • Acheter des produits plus tôt et les entreposer : Les propriétaires devraient envisager de faire des acomptes ou des achats de marchandises à l’avance dans le cadre de contrats en régie afin de geler les prix avant l’entrée en vigueur éventuelle de tarifs douaniers.
  • Exigences de cautionnement : Les parties peuvent inclure dans leurs contrats, notamment d’approvisionnement, des exigences de cautionnement ou d’autres garanties d’exécution comme des lettres de crédit. Cela permettrait de se prémunir contre des conséquences financières désastreuses en cas d’insolvabilité d’un fournisseur.
  • Aide gouvernementale : Les États-Unis et le Canada pourraient mettre en place des programmes de remise pour offrir un allégement temporaire et compenser les effets des tarifs douaniers, notamment par le remboursement ou l’exemption de tarifs sur certaines marchandises ou pour certains importateurs ou consommateurs.

Conclusion

À l’échelle mondiale, de nombreux pays doivent composer avec des tarifs douaniers (ou se préparer à le faire), du côté de l’offre comme de la demande. BLG met son expertise au service des propriétaires, des entrepreneurs, des agences d’approvisionnement, des entités gouvernementales et des autres acteurs du domaine de la construction pour les soutenir face à ce défi. Le groupe Droit de la construction de BLG continuera de suivre attentivement l’évolution de la situation et de publier du contenu sur les implications potentielles des tarifs; il se tient à votre disposition pour vous aider à comprendre comment ces tarifs pourraient toucher votre entreprise. N’hésitez pas à communiquer avec votre juriste ou l’une des personnes-ressources ci-dessous pour obtenir de l’aide.

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