Au cours de son premier mandat, le président Trump n’a pas caché son scepticisme quant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En 2018, il a menacé d’en retirer les États-Unis en l’absence de réformes. Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche en septembre 2020, il a affirmé que, selon lui, « l’OMC a été créée pour dépouiller les États-Unis de son argent et de ses emplois au profit de la Chine et d’autres pays », et qu’elle « est néfaste pour le pays » [traduction].
Robert Lighthizer, le représentant au Commerce américain sous la première administration Trump, s’est fait l’écho de ces propos. En réponse au rapport d’un groupe spécial de l’OMC sur le différend États-Unis – Mesures tarifaires visant certains produits en provenance de Chine (DS543), M. Lighthizer a renchéri en affirmant que « l’OMC est complètement inapte à mettre fin aux pratiques technologiques dangereuses de la Chine » [traduction]. Dans un article du Wall Street Journal, il s’est dit inquiet du système de règlement des différends de l’OMC et des difficultés à lutter contre les distorsions causées par les économies non axées sur le marché. Il a aussi exprimé son insatisfaction quant à la nomination de Ngozi Okonjo-Iweala au poste de Directrice générale de l’OMC, la traitant de femme sans expérience et « d’alliée de la Chine à Genève »1.
Rien n’indique que le président Trump changera son fusil d’épaule lorsqu’il reprendra du service en janvier. En effet, pendant la campagne électorale, il a promis d’imposer des tarifs douaniers additionnels et menacé d’invoquer la clause de renégociation de l’ACEUM.
Si la deuxième administration Trump reste sur ses positions, il n’est pas exclu que les États-Unis réduisent considérablement leur engagement envers l’OMC, qu’ils exigent des changements structuraux que d’autres Membres jugeront inacceptables ou qu’ils se retirent complètement de l’organisation.
On s’attend d’ailleurs à un renforcement des politiques commerciales américaines des huit dernières années plutôt qu’à leur abandon.
Notons que l’OMC est en stagnation depuis la présidence de Barack Obama, et que le président Biden n’a pris aucune mesure active pour s’attaquer au problème de règlement des différends.2 À cet égard, la réélection du président Trump ne fera peut-être qu’accélérer l’inévitable.
Qu’adviendra-t-il du reste du monde?
L’histoire nous a montré que, sans la participation des États-Unis, les organisations internationales ont tendance à péricliter. Pensons entre autres au refus du gouvernement américain de joindre la Société des Nations, ce qui a sonné le glas de cette initiative, ou à celui du Congrès de ratifier la Charte de La Havane, ce qui a empêché l’Organisation internationale du commerce (OIC) de voir le jour.
Dans un article précédent (en anglais seulement), nous avons expliqué pourquoi le système de règlement des différends (SRD) de l’OMC avait atteint le point mort. Qu’arriverait-il si les États-Unis – l’un des pays y ayant le plus souvent recours – perdaient tout intérêt dans le SRD de l’OMC?
Il est temps de reconceptualiser les choses.
Dans un document soumis aux Membres de l’OMC à Genève et examiné lors de forums internationaux, Rambod Behboodi a milité pour la création d’un organe de conciliation et de médiation régi par l’OMC et pouvant faire office de mécanisme complémentaire de règlement des différends. Cette publication a été rédigée à la suite de la treizième Conférence ministérielle de l’OMC, où les ministres ont été chargés « d’accélérer les discussions de manière inclusive et transparente » [traduction] afin de mettre en place un système de règlement des différends efficace pour tous les Membres.
Vu l’incertitude dans laquelle nous baignons, les conclusions de l’examen sont plus que jamais attendues.
Un processus long et complexe
La force exécutoire des règlements de différends, qui découle d’un mécanisme de compétence obligatoire et de l’adoption automatique3 des constatations quasi judiciaires, comptait parmi les innovations clés4 des Négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay. Le fonctionnement optimal de l’OMC en dépend d’ailleurs toujours5. Comme l’OMC demeure au cœur des échanges commerciaux internationaux6, son SRD devrait conserver toute sa pertinence pour les utilisateurs fréquents, que l’on maintienne un processus en deux étapes (Organe d’appel de l’OMC réformé ou tout autre mécanisme d’appel) ou que l’on opte pour une procédure de groupe spécial amendée.
Même les utilisateurs les plus assidus du SRD de l’OMC jugent que le processus de règlement officiel ne convient pas à tous les types de différends commerciaux : le triage concerté fait donc partie intégrante de la prise de décision d’un pays quant à la gestion des questions pouvant se transformer en différends commerciaux. En effet, les règlements de différends commerciaux nécessitent des ressources colossales provenant tant des gouvernements que du secteur privé, et peuvent influencer les relations diplomatiques entre les parties concernées. Même lorsque toutes les étapes et tous les délais sont respectés à la lettre, le processus officiel reste complexe et chronophage, et malgré la feuille de route exemplaire de la plupart des Membres en ce qui a trait à la mise en œuvre, l’issue de bien des différends officiels est souvent incertaine. De plus, quelques différends vont même tirer en longueur sans qu’un règlement satisfaisant soit véritablement envisageable. Et la mésentente porte non seulement sur les termes de la mise en œuvre, mais aussi sur le retrait efficace de concessions pour contrebalancer, dans une certaine mesure, le déni des avantages7. Ces défis sont d’autant plus exacerbés pour les pays en développement.
L’OMC a cerné au moins quatre barrières à la participation de ses Membres en voie de développement au processus de règlement des différends :
- le manque de ressources spécialisées;
- la complexité de la réglementation entourant l’OMC et des procédures de règlement des différends8;
- la durée et l’imprévisibilité des différends soumis à l’OMC, même lorsque la mise en œuvre est effectuée dans les règles9;
- la structure du règlement, qui permet le maintien des mesures contestées pendant toute la durée du différend, y compris pendant l’étape de mise en œuvre.
À tout ceci s’ajoute, dans certains cas, l’absence de recours concret en cas d’échec de la mise en œuvre10.
Bien sûr, cerner les failles du système ne veut pas dire de remettre en question la pertinence, l’importance ou la centralité du SRD de l’OCM dans ce cadre réglementaire plurilatéral, car certains types de différends commerciaux entre certains Membres devront toujours faire l’objet d’un règlement officiel.
Cette mise en contexte vise plutôt à justifier la réticence des Membres de l’OMC – même les plus actifs – à amorcer un processus officiel, ce qui limite la portée du SRD aux questions commerciales les plus épineuses. Ces mêmes données expliquent aussi partiellement pourquoi la plupart des Membres de l’OMC n’ont jamais eu recours au SRD.
On peut donc en conclure que l’accès aux procédures de règlement des différends doit être repensé. L’objectif n’est pas d’augmenter le nombre de dossiers soumis à l’OMC, mais de mettre en place des moyens complémentaires qui permettront aux pays en développement se retrouvant en dehors du cadre de participer au processus. En revitalisant ou en rendant opérationnelles des procédures flexibles et non accusatoires, l’OMC pourra offrir à tous ses Membres des recours additionnels pour gérer des questions litigieuses d’intérêt pour eux, qui ne nécessitent pas l’application d’un processus de règlement officiel.
Dépôt et gestion d’un dossier de différend à l’OMC
Selon l’OMC, des groupes spéciaux ont été créés dans près de 60 % des 621 dossiers déposés au 31 décembre 2023, ce qui a donné lieu à près de 290 rapports distincts et 191 appels. Aussi, 40 % des demandes de consultations soumises en vertu des Accords de l’OMC se sont conclues par une solution mutuellement convenue. Et il n’est question ici que de dossiers qui franchissent l’étape rigoureuse du triage, une tâche réalisée par les ministères du Commerce et des Affaires étrangères de tous les participants actifs au processus de règlement11.
Ce « triage » commence par l’évaluation par un Membre de la potentielle incompatibilité de mesures prises par un autre membre avec les Accords de l’OMC, et comprend une analyse de rentabilité du différend du point de vue de chaque plaidant potentiel. L’analyse se complexifie ensuite, puisque ce sont les États, et non des intérêts privés, qui traitent les différends soumis à l’OMC. Pour garantir une prise de décision pleinement éclairée, les agents commerciaux tentent de replacer la question litigieuse dans le bon contexte commercial, politique et réglementaire12. Aussi :
- Pour comprendre un problème commercial et son incidence sur un pays, et ensuite décider de la meilleure façon de le régler, les agents commerciaux doivent entreprendre une série de consultations avec les autorités gouvernementales et les industries concernées.
- Les différends commerciaux surviennent généralement lorsque des emplois ou des profits sont en jeu, ce qui leur confère une dimension politique et rend nécessaires des analyses et des consultations additionnelles, qui à leur tour ajoutent une couche de complexité à la gestion d’un dossier soumis à l’OMC.
- Peu importe le soin avec lequel il est géré, tout différend commercial aura un effet déstabilisant sur les relations diplomatiques d’un Membre avec son adversaire.
- Une fois la procédure de règlement initiée, il faut choisir les arguments à plaider, lesquels doivent aller au-delà de la simple issue de la cause et tenir également compte de considérations systémiques et stratégiques, notamment des contrecoups sur d’autres secteurs.
- Même en cas de « victoire », il faut envisager la non-mise en œuvre, la compensation et la rétorsion comme résultats possibles, puisque chaque joueur devra jongler avec son lot de défis commerciaux, économiques et sociopolitiques.
- Certains Membres ou types de différends peuvent exiger un « partage des coûts » entre les gouvernements et les intérêts privés. Comme cette option ne s’applique qu’à un nombre limité de domaines, elle soulève évidemment des questions d’équité interne.
- Une affaire engagée dans un secteur pourrait bien servir de précédent dans d’autres; aussi, un recours limité au SRD de l’OMC pourrait entraîner un problème de choix public.
Les règlements officiels ne sont que la pointe de l’iceberg que représentent tous les problèmes commerciaux ayant cours entre les Membres de l’OMC, car bon nombre de différends soumis au triage sont gérés autrement. Même si ces questions sont cachées aux yeux du public, elles sont souvent toutes aussi difficiles à résoudre pour les Membres. Même si ces questions sont cachées aux yeux du public, elles sont souvent toutes aussi difficiles à résoudre pour les Membres. Le schéma simplifié que voici reflète bien la situation13 :
Barrières structurelles à la participation des pays en développement au processus de règlement des différends de l’OMC
L’expertise nécessaire pour évaluer correctement les différentes dimensions d’un différend commercial et gérer celui-ci tout au long de son cycle de vie ne repose pas sur seule personne ni même sur un seul ministère. La majorité des utilisateurs fréquents du SRD de l’OMC peuvent compter sur des bureaucraties chevronnées pour bâtir des équipes formées d’experts des domaines ciblés, de spécialistes en politique commerciale et d’avocats en commerce, qui seront à leur tour soutenus par des conseillers juridiques et des analyses embauchés par des intérêts privés concernés. Les pays en développement profitent du soutien des organisations intergouvernementales, comme le Centre consultatif sur la législation de l’OMC (ACWL), ou de conseillers juridiques payés par des intérêts privés. Cependant, beaucoup d’entre eux – sans compter les pays les moins avancés – n’ont pas les ressources gouvernementales nécessaires pour gérer les différends soumis à l’OMC et prendre des décisions efficaces en la matière14.
Et il ne s’agit pas que d’obtenir des conseils en différend commercial : lorsque l’intérêt économique est suffisamment fort, il faut aussi trouver des avocats pour défendre le dossier15. Le règlement formel des différends implique plutôt les éléments suivants :
- identifier les points de droit mis en cause par un problème commercial;
- résumer la question commerciale litigieuse et les points de droit correspondants en un cadre réglementaire commercial, y compris le rassemblement des données nécessaires à l’examen et à l’analyse de la situation;
- développer une stratégie qui tient compte des dimensions politiques et juridiques d’un différend commercial;
- soutenir le processus de règlement du différend dès son lancement et pendant toute sa durée de trois ans.
Toutes ces étapes entraînent des coûts que les ministères de très peu de pays en développement ou moins développés peuvent assumer ou accepter. Aussi, même si tous les Membres de l’OMC ont la possibilité de remettre en question des mesures ayant un effet de distorsion sur les échanges – et potentiellement contraire aux Accords de l’OMC – qu’applique un autre Membre, et qu’ils peuvent bénéficier de soutien institutionnel pour régler un dossier, la plupart d’entre eux ne sont tout simplement pas en mesure d’exercer correctement ce droit.
Aborder les préoccupations commerciales
Aussi importante soit-elle, la question des ressources dont disposent les pays en développement et les moins avancés et des défis auxquels ils font face occulte une caractéristique intrinsèque du SRD de l’OMC : peu de préoccupations commerciales sont admissibles au processus de règlement officiel, qu’on puisse ou non compter sur des conseillers juridiques et des ressources gouvernementales pour gérer le dossier.
Nous savons que tel est le cas, car en plus de 25 ans de commerce international d’une valeur totale avoisinant les centaines de billions de dollars16, les Membres ont engagé à peine 600 procédures de règlement officielles. Plus que quoi que ce soit d’autre, l’ampleur de l’intérêt commercial constitue un facteur clé, voire déterminant, dans la décision de laisser ou non traîner un différend pendant des années en le soumettant au processus officiel; comme nous l’avons vu, l’intérêt des États, les considérations diplomatiques et juridiques, les facteurs régionaux et culturels, la réputation internationale et la politique intérieure (entre autres) ont un impact sur la transformation d’une préoccupation commerciale en différend.
Tout comme certains dossiers particuliers seront inévitablement soumis au SRD, il en est d’autres qui, au contraire, ne s’y rendront pas, n’ayant que très peu de chances d’être réglés par la diplomatie bilatérale et n’étant pas de nature à s’y prêter17. Cela ne veut pas dire que les préoccupations disparaîtront d’elles-mêmes ou que les Membres font directement appel au SRD – ou qu’ils devraient le faire – dans de telles circonstances.
Une taxonomie simplifiée sur les « affaires de préoccupations commerciales » pourrait nous aider à comprendre la portée de la diplomatie et du processus de règlement officiel18 :
Gravité |
Nature |
Résultat probable |
1 |
Préoccupations commerciales de valeur limitée touchant des secteurs ou des politiques commerciales non critiques, et découlant généralement d’une mauvaise application courante de certaines mesures |
Règlement diplomatique bilatéral |
2 |
Préoccupations commerciales de grande valeur touchant des secteurs économiquement névralgiques pour le plaignant, et résoluble de manière acceptable pour la partie défenderesse |
Règlement diplomatique bilatéral |
3 |
Préoccupations commerciales de grande valeur pour les deux Membres sur les plans économique et réglementaire, mais dont l’ampleur ne justifie pas qu’elles se transforment en différend |
Incapacité persistante d’en arriver à un accord par la diplomatie ou la discussion en comité |
4 |
Préoccupations commerciales de valeur considérable touchant des secteurs ou des politiques commerciales critiques, découlant généralement d’objectifs politiques ou protectionnistes de la partie contrevenante et nuisant aux intérêts de pays Membres en développement ou moins développés |
|
5 |
Préoccupations commerciales de valeur considérable touchant des secteurs ou des politiques commerciales critiques, découlant généralement d’objectifs politiques ou protectionnistes de la partie contrevenante et nuisant aux intérêts d’utilisateurs fréquents, de Membres ayant beaucoup de poids dans les sphères économique et diplomatique, ou de Membres soutenus par des intérêts économiques privés d’envergure |
Processus officiel de règlement de différend (différend de trois ans en étapes, avec mesures à mettre en œuvre vers la fin de la deuxième ronde d’appels) |
Cet article19 aborde les préoccupations commerciales de niveau 3 et 420. On suppose21 que pour ces types de différends, la conciliation et la médiation pourraient constituer une voie viable vers la résolution et le règlement, car elles constituent des outils non accusatoires impliquant des tiers et qui :
- représentent une escalade par rapport à la diplomatie bilatérale, sans toutefois plonger les parties dans des procédures et des engagements juridiques;
- peuvent servir à mieux comprendre les problèmes commerciaux et à diriger l’attention sur des questions fondamentales et susceptibles d’être résolues, plutôt que sur des constatations de violation juridique opposant des gagnants à des perdants.
Un tiers désintéressé peut, en principe, aider les parties au conflit à :
- corriger, dans une certaine mesure, un déséquilibre de pouvoir entre elles dans un contexte purement diplomatique;
- établir une compréhension commune ou convenue des faits sous-jacents, laquelle pourrait servir de base à la négociation d’un règlement;
- identifier des solutions gagnant-gagnant auxquelles elles n’auraient pas pensé étant donné leur manque d’information sur la position de l’autre, ou parce qu’elles sont beaucoup plus concentrées sur les « droits » et les « positions juridiques » que sur la « résolution » et les « intérêts »;
- surmonter certains blocages dans la négociation en présentant des solutions crédibles (l’autorité morale du tiers peut servir à faire pression sur les pays intimés).
Conciliation et médiation à l’OMC
Certains soutiennent que la médiation est la poursuite des négociations par d’autres moyens22. Cette observation, claire en apparence, cache une multitude de complexités, notamment que les négociations ont lieu entre des parties amicales ou hostiles, et qu’elles sont façonnées par le contexte et les caractéristiques de la situation, ce qui comprend non seulement l’objet précis du différend, mais aussi d’autres variables comme les positions ou les opinions nationales et les considérations géopolitiques23.
La médiation est une procédure ad hoc qui permet aux parties à un différend d’étendre leur cadre de gestion des conflits de façon volontaire par l’intermédiation d’un tiers, dans le but de :
- modifier la dynamique des négociations bilatérales;
- tirer profit des idées, des connaissances et de l’expérience des médiateurs;
- transformer le différend pour le rendre plus susceptible d’être réglé24, par exemple, en réduisant ou en éliminant un ou plusieurs problèmes d’un cadre de négociation25;
- miser sur les recommandations éclairées d’un spécialiste tiers pour en arriver à un règlement à l’amiable ou à une solution mutuellement acceptable26.
Mémorandum d’accord sur le règlement des différends (MARD)
La médiation fait partie intégrante de la diplomatie internationale27.
L’article 5 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends (« MARD ») le reflète d’ailleurs en considérant les « bons offices, la conciliation et la médiation » comme des « procédures qui sont ouvertes volontairement si les parties au différend en conviennent ainsi »28. « Le différend » fait référence à la « question » relevée dans une « demande de consultations », conformément à l’article 4. La référence à une entente commune entre les « parties » et l’inclusion du mot « volontairement » signifient que la participation aux bons offices, à la conciliation et à la médiation n’est pas obligatoire (article 5), alors que c’est le cas avec les procédures détaillées aux articles 429 et 6.
L’article 5 prévoit ce qui suit :
- les procédures de bons offices, de conciliation et de médiation et la position adoptée par les parties au différend doivent être confidentielles;
- les positions prises par les parties au conflit sont sans préjudice des droits que chaque partie pourrait exercer dans une éventuelle action menée au titre de ces procédures;
- lorsque des procédures de bons offices, de conciliation ou de médiation sont engagées dans un délai de 60 jours suivant la réception d’une demande de consultations, le plaignant doit attendre 60 jours avant de pouvoir réclamer l’établissement d’un groupe spécial (sauf si toutes les parties au différend jugent que les procédures ont échoué);
- le Directeur général peut, par voie d’autorité, offrir ses bons offices, sa conciliation ou sa médiation.
Il est à noter que l’article 5 ne définit pas les bons offices, la conciliation et la médiation, et qu’aucune règle ou procédure n’a été élaborée quant à ces mécanismes. Parce qu’elles suivent déjà une demande de consultations, les procédures de bons offices, de conciliation et de médiation de l’OMC ne sont enclenchées qu’après l’évaluation par un Membre de la violation par un autre de ses obligations liées à l’OMC, le « triage » d’admissibilité au SRD et le lancement du mécanisme officiel. Ces facteurs expliquent, du moins en partie, pourquoi elles n’ont pas été utilisées officiellement jusqu’à présent.
Médiation et réforme du MARD
Au début des négociations sur la réforme du MARD, plusieurs Membres comptant parmi les pays en développement et les pays les moins développés ont proposé des changements visant à renforcer les bons offices, la conciliation et la médiation.
Le Paraguay30 a suggéré de rendre obligatoire le recours à l’article 5 dans les différends impliquant des pays en développement Membres, et à la demande de l’une ou l’autre des parties. La Jordanie31 et Haïti32 ont aussi présenté des suggestions similaires. Selon la proposition du Paraguay, une durée maximale de 90 jours serait imposée pour la procédure et l’article 5 se verrait bonifié du paragraphe suivant :
7. L’utilisation des procédures prévues au présent article pour régler promptement les différends commerciaux survenant entre les Membres et pour maintenir l’équilibre entre les droits et les obligations des Membres doit être encouragée [italique ajouté].
Cependant, le Paraguay n’a pas expliqué en quoi la médiation obligatoire ou l’association directe de la conciliation avec le maintien d’un équilibre entre les droits et les obligations des Membres rendrait la procédure plus efficace pour résoudre les différends.
Dans une proposition plus restreinte33, le groupe des pays les moins avancés (PMA) a fait référence à la notion de « modération » contenue au paragraphe 24.1 et a cherché à faire supprimer la mention « à la demande d’un pays moins avancé Membre » de l’article 24.2.
Dans les cas de règlements de différends impliquant un Membre du groupe des pays les moins développés et n’ayant abouti à aucune solution satisfaisante à l’étape des consultations, le Directeur général ou le Président de l’ORD doit, à la demande d’un pays moins avancé Membre, offrir ses bons offices, sa conciliation et sa médiation en vue d’aider les parties à régler le différend, avant qu’une demande de formation d’un groupe spécial ne soit faite.
La mesure dans laquelle l’existence de ce critère est ou pourrait être un problème pour un pays moins avancé demeure cependant nébuleuse.
Autres cadres de médiation
En 2003, l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) a présenté un document à l’OMC pour soulever « quelques irrégularités apparentes » concernant les normes de cette dernière34. L’organisme y décrit, dans la conclusion, sa procédure interne de médiation des différends :
Sous réserve de l’accord des deux parties, les pays en conflit peuvent demander la médiation d’un groupe d’experts indépendants sélectionnés par le Directeur général de l’OMSA. Ce choix présente plusieurs avantages, car il ne nécessite pas autant de ressources que la procédure officielle de l’OMC et permet d’envisager des solutions basées sur des critères techniques. À la fin du processus, les recommandations du comité sont communiquées aux deux parties par le Directeur général.
Bien qu’une telle médiation soit confidentielle et non contraignante, la documentation qui s’y rapporte pourrait toutefois être divulguée à l’OMC par l’une ou l’autre des parties si l’affaire devait se transformer en différend officiel [traduction]35.
En 2006, l’OMSA a fourni des précisions supplémentaires sur son organe de médiation36. Le document stipule que :
Strictement basée sur la science, l’approche de l’OMSA vise à trouver des solutions au moyen de consultations bilatérales avec médiation. En revanche, le processus de règlement des différends de l’OMC repose plutôt sur des dispositions légales. Le rôle de l’OMSA est d’aider les parties à dénouer leur conflit en se basant strictement sur des données scientifiques et sur les conseils d’experts de l’OMSA37 [traduction].
Le mécanisme avait d’ailleurs été utilisé deux fois en 2006, soit par le Japon et les États-Unis, et par l’Union européenne et les États-Unis. Dans ce dernier cas, l’OMSA a affirmé que le mécanisme de médiation avait servi à faire avancer les discussions sur le plan technique, ce qui a permis d’aplanir les différences initialement observées38.
En 2014, le Comité SPS a convenu d’un mécanisme de médiation informel pour réduire les frictions liées à la salubrité alimentaire, à la santé animale et à la protection des végétaux. Ce mécanisme39 est en quelque sorte intégré au cadre de l’OMC, puisqu’une « demande de consultations » soumise d’un Membre à un autre relativement à une mesure SPS doit aussi être transmise au Président et au Secrétariat du Comité SPS. De plus, il prévoit que le président du Comité SPS agira en tant que facilitateur40. Le calendrier, la forme et le lieu des réunions, ainsi que les modalités de participation des experts techniques et des tiers, seront convenus entre le facilitateur et les Membres consultatifs41. La procédure limite aussi la durée des consultations à 180 jours. En outre, le Président devra rendre compte du résultat général des consultations au Comité42.
Le règlement non accusatoire de différends demeure embryonnaire et peu déployé à l’OMC.
Texte du président
Le 14 février 2024, le président de l’ORD a soumis au Conseil général un rapport exposant les résultats de la discussion informelle sur la réforme du MARD lancée l’année précédente. Ce rapport comprenait une explication détaillée des étapes suivies et des résultats observés, le tout formulé par le responsable du processus informel, ainsi qu’une proposition de texte pour les décisions ministérielles.
Processus
Remarque de l’organisateur à l’égard du processus :
Je tiens à rappeler que le processus que je facilite ne correspond pas aux négociations traditionnelles fondées sur des positions. Le processus informel concernant le règlement des différends suit une approche axée sur la recherche de solutions, fondée sur les intérêts et ascendante43.
Une approche fondée sur les intérêts offre l’avantage fondamental de réduire les déséquilibres en termes de pouvoir et de favoriser une dynamique inclusive, permettant à chaque Membre de contribuer de manière significative. En centrant les discussions sur les intérêts et les préoccupations plutôt que sur les influences, cette approche assure l’équité et l’égalité pour tous les Membres, quelle que soit leur taille ou leur statut. Cette détermination à accorder de la valeur à chaque point de vue garantit également que notre recherche collective de solutions optimales reste non altérée par des facteurs externes44.
Cela étant dit, le processus a continué de respecter l’approche traditionnelle en ce qui a trait aux négociations de la réforme du MARD :
Au cours du processus informel concernant la réforme du règlement des différends, nous avons respecté le principe selon lequel rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu45.
Substance
Dans cette section, nous nous concentrerons sur le titre I : « Autres procédures de résolution des différends et arbitrage », chapitre I : « Bons offices, conciliation et médiation ».
Ce chapitre commence par une définition des termes contenus dans le titre.
Le terme conciliation désigne l’intervention d’un tiers impartial et indépendant, appelé « conciliateur », destinée à faciliter et à favoriser un dialogue entre les parties en vue d’arriver à une solution mutuellement convenue;
Le terme médiation désigne l’intervention d’un tiers impartial et indépendant, appelé « médiateur », destinée à faciliter et à favoriser un dialogue entre les parties en vue d’arriver à une solution mutuellement convenue, ce tiers pouvant donner des avis ou proposer des solutions aux parties pour examen.
Sous la rubrique « Principes généraux », le texte précise que les procédures peuvent, contrairement à celles présentées à l’article 5, être lancées « avant l’ouverture de consultations au titre de l’article 4 du MARD ». La section suivante établit une procédure de « demande de renseignements » exhortative assujettie d’un délai de 30 jours. Selon le paragraphe 13, la procédure peut être initiée par écrit :
Tout Membre pourra présenter à un autre Membre une demande de recours à toute procédure conformément à l’article 5 du MARD, au sujet de toute mesure affectant le fonctionnement de tout accord visé prise sur son territoire. La demande sera déposée par écrit et motivée; elle comprendra une indication des mesures en cause et des préoccupations du Membre qui la présente.
La section qui suit fixe un cadre de notification46. Pour sa part, la section VI aborde la désignation du prestataire de bons offices, du conciliateur ou du médiateur. Il y est fait mention d’une liste indicative adoptée par l’ORD ou, éventuellement, d’une nomination par le Directeur général. Les appendices 1 et 2 font état des règles de procédure relatives à la conciliation et à la médiation.
Évaluation
Tout au long de cet article, nous avons fait référence à un mécanisme de règlement « complémentaire » et non « extrajudiciaire » des différends. Dans les faits, la médiation et la conciliation ne sont pas des solutions de rechange au mécanisme officiel de règlement des différends; elles complètent et renforcent plutôt celui-ci en fournissant une gamme complète de procédures. De plus, la littérature ainsi que la pratique des États et celle des organisations internationales telles que le CIRDI laissent entendre que la « conciliation » est un exercice dirigé par des experts et que la médiation est un mécanisme de diplomatie bilatérale facilité. Mais il ne s’agit ici que d’une simple question de nomenclature. Les quatre principaux défis de l’approche proposée sont d’un ordre beaucoup plus grand.
Premièrement, les procédures suggérées semblent être basées sur un modèle théorique de règlement accusatoire des différends.
- La section III : « Demande de renseignements » ignore le fait que, si l’on se fie à la pratique des États à ce jour, le recours au règlement des différends survient obligatoirement après des engagements diplomatiques dans le cadre desquels les parties auront déjà échangé des informations et des positions juridiques. Il est donc peu probable que, dans le contexte d’une procédure non accusatoire, une demande officielle assujettie à des délais puisse favoriser la coopération.
- La section IV : « Engagement [...] des procédures » exacerbe les problèmes de la section III en transformant ce qui devrait être une procédure bilatérale, non accusatoire, recherchée et consentie par les deux parties en une simple plainte.
Aussi, si l’on suit les modèles de résolution officielle des différends, les sections III et IV constituent une erreur de catégorie de la part des auteurs de la proposition.
Deuxièmement, il semble que certains éléments du projet n’aient pas été élaborés à la lumière des près de trente années d’existence du SRD de l’OMC, ni de la pratique établie et cohérente des Membres employant le plus souvent des solutions extrajudiciaires de règlement des différends. La section VI : « Désignation du prestataire de bons offices, du conciliateur ou du médiateur » est particulièrement instructive.
Le paragraphe 24 mentionne un délai imposé pour en arriver à un accord. Il énonce ensuite plusieurs options auxquelles les parties peuvent recourir, dont les deux premières sont :
- une liste préétablie de conciliateurs et de médiateurs, que l’ORD pourra adopter à tout moment;
- la liste indicative tenue au titre de l’article 8.4 du MARD.
Mises à part les probabilités d’en arriver à une liste consensuelle, la question demeure de savoir si la liste indicative a déjà été utilisée pour former des groupes spéciaux – et pourquoi les rédacteurs considèrent que des listes convenues multilatéralement seraient plus utiles aux fins du MARD. De plus, étant donné le caractère volontaire de la conciliation et de la médiation, le paragraphe 25 semble au mieux redondant.
À moins que les parties n’en conviennent autrement, le conciliateur ou le médiateur ne sera pas un ressortissant de l’une ou l’autre des parties ni n’aura d’attache avec elles.
En outre, le paragraphe 25 évoque un respect continu – et basé sur une erreur de catégorie fondamentale – du cadre officiel, ce qui entre en contradiction avec la nature et l’objectif des mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends (RED).
Troisièmement, comme on le verra dans la prochaine section du présent article, les qualifications et la formation exigée des conciliateurs et des médiateurs devraient découler de leurs fonctions, qui sont intrinsèquement différentes de celles de l’arbitre. (À noter que les membres des groupes spéciaux ne reçoivent aucune formation, quel que soit le différend.) C’est pourquoi une « définition » en trois lignes est insuffisante pour établir les paramètres de chaque fonction47 [italique ajouté], et pourquoi une procédure de nomination devrait aller bien au-delà de la simple consigne de se rapporter à la liste indicative tenue au titre de l’article 8.4 du MARD.
Enfin, les règles de procédure types présentées dans les appendices 1 et 2 constituent un bon point de départ. Malheureusement, elles sont à la fois excessives et insuffisantes. Excessives, puisque ce qui est à la fois bilatéral, informel et volontaire ne devrait pas être rendu multilatéral par des règles de procédure négociées. Insuffisantes, car de telles règles ne reflètent pas l’ensemble des circonstances dans lesquelles la conciliation et la médiation peuvent être nécessaires ou recherchées.
C’est la première fois que l’organisation et ses négociateurs consacrent du temps à débattre véritablement d’un cadre complémentaire et non accusatoire de résolution des différends, et leurs efforts méritent d’être salués. Toutefois, le résultat du processus multilatéral souligne la nécessité de créer un centre d’excellence spécialisé.
Nouvel organe de l’OMC pour opérationnaliser la conciliation et la médiation
Considérations relatives au cadre
Toute proposition visant à opérationnaliser la conciliation et la médiation doit minimalement reposer sur les huit considérations générales suivantes :
- les Membres s’engagent dans des discussions diplomatiques pour éliminer les irritants commerciaux dans l’ensemble de leurs relations commerciales, et la conciliation et la médiation ne sont que des actions diplomatiques additionnelles;
- certains irritants commerciaux sont insolubles pour des raisons politiques, systémiques ou économiques, et leur règlement (quelle qu’en soit la définition) passe inévitablement par un arbitrage contraignant (aussi détaillé soit-il);
- dans le cas de certains irritants commerciaux, la perspective d’un différend est un incitatif suffisant pour convaincre les parties de parvenir à un règlement;
- les pays développés et les pays en développement plus importants disposent de réseaux diplomatiques très élaborés et de bureaucraties spécialisées en politiques commerciales sur lesquels ils misent pour atténuer ou résoudre la plupart de leurs problèmes commerciaux;
- comme le démontre l’expérience de l’OMSA en contexte restreint, même les Membres disposant à la fois de services diplomatiques étendus et d’une expérience approfondie en règlement officiel de différends ont jugé utile de recourir à des organes de médiation pour traiter des questions commerciales sensibles sur les plans économique et politique48;
- pour presque tous les PMA et les pays en développement à faible revenu, le règlement officiel d’un sous-ensemble important de différends commerciaux impliquant des économies avancées est irréalisable ou inadéquat;
- pour tous les membres, la conciliation et la médiation ont le potentiel de réduire les frictions liées à un sous-ensemble considérable d’irritants commerciaux qui ne justifient pas les coûts et les pressions générés par un processus de règlement officiel;
- la médiation est davantage un exercice axé sur les intérêts des parties qu’un mécanisme juridique ou jurisprudentiel.
Caractéristiques
À la lumière de ce qui précède, un organe de conciliation et de médiation opérationnel et efficace (OCM) aurait les caractéristiques suivantes :
- Inspiré du Cadre intégré renforcé et du Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce, l’OCM serait intégré à l’OMC en tant qu’unité administrative indépendante.
- L’objectif principal de la conciliation et de la médiation serait de traiter de manière diplomatique les préoccupations commerciales non résolues et n’ayant pas fait l’objet d’un règlement officiel (les « différends manquants »). Un OCM opérant faciliterait la résolution d’un nombre accru de questions précontentieuses et allégerait la tâche des organes de règlement des différends de l’OMC49.
- Sous l’égide de l’OCM, la conciliation et la médiation pourraient être engagées avant qu’une demande de consultations ne cristallise de manière multilatérale50 (et donc publique) la portée juridique d’un seul irritant commercial pour l’une ou l’autre des parties51. Étant extérieur au dossier, l’OCM pourrait aborder d’un même coup plusieurs des irritants commerciaux d’une relation bilatérale.
- L’objectif du « règlement » des questions commerciales par l’OCM ne serait pas l’annulation ou l’affaiblissemen52. L’Accord de l’OMC formerait une importante toile de fond pour toute résolution, mais l’OCM se concentrerait sur les intérêts commerciaux des parties dans un cadre diplomatique, économique et politique élargi pour parvenir à des solutions gagnant-gagnant.
- Les règles de procédure convenues institutionnellement seraient superflues. Sous l’OCM, les parties resteraient maîtres du processus. La valeur ajoutée d’un OCM serait l’élaboration éclairée d’une réglementation modulaire type que les Membres participants pourraient adopter au moyen d’un accord. Les modules pourraient porter, par exemple, sur le nombre ou la nature des audiences et sur la participation d’experts53.
- La conciliation et la médiation pourraient nécessiter un examen général des relations entre les parties prenantes – par exemple, leurs autres accords commerciaux et économiques – qui dépasserait l’expertise ou le mandat du Secrétariat de l’OMC54. Pour ces raisons, ainsi que pour rendre le processus plus souple, il conviendrait d’envisager la création d’un OCM intégré à l’OMC, mais extérieur au cadre de rapport et de dotation de l’organisation.
- Un OCM quasi indépendant et régi par l’OMC pourrait, en plus de s’appuyer sur des dispositions flexibles en matière de dotation, établir des durées de mandats pour ses gestionnaires et compter sur un budget indépendant financé par les pays donateurs.
- L’OCM devrait, à titre d’entité spécialisée, avoir la responsabilité d’identifier, de proposer et de former des médiateurs et des conciliateurs, et d’en dresser la liste, qu’il garderait à jour55. Le but premier de la conciliation et de la médiation est de trouver, sur la base d’une compréhension globale des intérêts en jeu, des « solutions gagnant-gagnant viables et innovantes56 » pour les parties. Aussi, la participation de diplomates commerciaux chevronnés et au fait des questions régionales, de spécialistes ou de personnes éminentes57 pourrait s’avérer nécessaire.
- Un OCM quasi indépendant pourrait également servir d’intermédiaire entre les Membres en conflit et les médiateurs; lorsqu’utilisé par des pays développés ou des pays en développement à revenu élevé, il pourrait être opéré selon le principe du recouvrement des coûts. L’organe devrait bénéficier d’un financement initial, puis de base, ainsi que d’un soutien diplomatique en quatre étapes :
- Mise en place;
- Engagement d’un ou de plusieurs pays développés à utiliser ce mécanisme pour aborder les irritants commerciaux entre eux et un Membre en développement (un État plus petit);
- Engagement d’un ou de plusieurs pays développés à financer la médiation des différends commerciaux entre des Membres en développement à faible revenu ou entre des Membres moins avancés;
- Engagement d’un ou de plusieurs pays développés à financer la formation, la sensibilisation et les services-conseils quant à la mise en œuvre de la médiation et des accords qui en découlent.
- La médiation pourrait d’abord être menée virtuellement, mais devrait idéalement se dérouler en personne dans un lieu convenu conjointement (pas nécessairement à Genève)58.
- Un plafond strict serait imposé quant à la durée et aux coûts de la médiation, sous réserve d’une demande expresse des parties de prolonger les délais et d’accepter les dépassements de coûts qui s’ensuivraient.
- Les rapports de médiation seraient confidentiels, à moins que les parties ne souhaitent les rendre publics, auquel cas le caviardage serait convenu entre les parties et le médiateur.
Mandat
Les Membres de l’OMC, en remplissant le mandat de la douzième Conférence ministérielle (CM12), assigneraient trois fonctions principales à l’OCM :
- Offrir des services de médiation et de conciliation aux Membres de l’OMC pour des différends liés aux Accords de l’OMC.
À cette fin, et à la suite d’une vaste consultation auprès des Membres de l’OMC, d’autres instances d’arbitrage ou de médiation et de la collectivité commerciale, l’OCM va :
- élaborer des règles de médiation modulaires et soumises à des délais stricts que les parties devront observer;
- établir des critères de sélection pour les médiateurs et les conciliateurs, dresser des listes régionales de mandataires et agir en tant que partie contractante pour l’embauche des médiateurs;
- veiller, dans la mesure du possible, à ce que les règles types reflètent les expériences multilatérales et régionales;
- à la demande conjointe des parties, offrir le soutien du Secrétariat aux parties et aux médiateurs.
- Assurer une approche cohérente et réfléchie de la médiation interétatique des questions commerciales pour répondre véritablement aux besoins des parties prenantes.
Il s’agit d’un nouveau rôle assujetti au droit commercial international. Après une consultation exhaustive auprès des Membres de l’OMC, d’autres instances d’arbitrage ou de médiation, de regroupements commerciaux et régionaux ainsi que de la communauté commerciale, l’OCM va :
- au cours de ses deux premières années d’existence, mener des recherches et des analyses sur les modèles et les modalités de médiation, et organiser des conférences, des séminaires, des webinaires et d’autres activités de formation en personne et en ligne afin de relever des « pratiques optimales » de médiation commerciale entre États;
- préparer des modules de formation pour le personnel, les médiateurs et toute autre personne intéressée.
- Proposer des activités consultatives aux responsables des pays en développement et les moins avancés, et promouvoir la médiation interétatique auprès d’autres nations qui pourraient en profiter.
Pour aider les membres de l’OMC à comprendre les avantages de la médiation et de la conciliation et les façons d’en tirer le meilleur parti, l’OCM collaborera avec :
- des organisations internationales renforçant les capacités commerciales des pays en développement et les moins avancés et offrant une assistance technique à ces derniers, comme l’OMC, les CCI et les institutions financières internationales, dans le but de favoriser les efforts de médiation et de conciliation lors de séances consacrées au règlement des différends;
- les utilisateurs actifs du SRD de l’OMC et d’autres Membres de l’organisation pour obtenir leur appui quant à l’utilisation de mécanismes non accusatoires.
Pour s’acquitter de ses fonctions, l’OCM se concentrera sur :
- les utilisateurs fréquents du SRD qui ont un intérêt à réduire la pression sur le système ou qui se montrent ouverts au règlement non accusatoire des différends;
- les économies avancées dotées de solides cadres de triage des différends commerciaux et ayant un intérêt pour les règlements non accusatoires;
- les PMA et les pays en développement à faible revenu dont l’accès au SRD est traditionnellement limité ou inexistant;
- les régions où, pour des raisons culturelles ou géopolitiques, le règlement officiel des différends n’a pas donné les résultats escomptés.
La vie en dehors de l’OMC
Un nombre record de préoccupations commerciales en attente d’être examinées par le Conseil du commerce des marchandises, ainsi que des centaines de préoccupations spécifiques toujours en suspens devant d’autres comités, ont été soulevées par les pays en développement et les pays développés. Il s’agit tant de différends commerciaux non résolus par la diplomatie ou par les comités de l’OMC que de questions que les Membres n’ont pas encore décidé de transformer en différend officiel. Un mécanisme spécialisé de conciliation et de médiation auquel on pourrait faire appel en dehors du processus officiel de règlement aiderait les Membres à gérer ces préoccupations et réduirait à la fois les tensions et la pression sur le SRD de l’OMC.
La proposition précédente a été conçue pour s’intégrer au cadre de l’OMC. Toutefois, vu les incertitudes entourant l’avenir de l’organisation, il est peut-être temps de se demander si l’organe envisagé pourrait fonctionner de manière indépendante.