L’étendue du régime de responsabilité sans égard à la faute prévu à la Loi sur l’assurance automobile (LAA) a été balisée par la Cour supérieure du Québec dans la décision Roberge c. Compagnie General Motors du Canada, 2023 QCCS 4309.
Cette décision synthétise les critères d’application des règles de la LAA en présence d’un accident automobile causant un préjudice. Elle constitue un précédent offrant une référence claire en ce qui concerne l’interprétation aux dommages couverts — ou non — par la portée du régime de responsabilité sans faute prévu à la LAA.
Détails de la réclamation sous divers chefs de dommages
Dans cette affaire, la demanderesse réclamait plus de six millions de dollars de General Motors du Canada (GM) suivant un grave accident de la route. À cette occasion, les sacs gonflables de son véhicule ne se seraient pas déployés, en dépit de l’impact avec un second véhicule du côté de la portière conducteur.
En lien avec cet accident, la demanderesse demandait à la Cour de lui accorder :
- Les frais de réparation de l’automobile;
- L’annulation de son contrat de location;
- Des dommages punitifs;
- Des dommages « immatériels » pour la privation d’un véhicule sécuritaire et de la perte de jouissance de certaines activités;
- Une compensation pour la perte de salaire causée par l’accident;
- Des dommages psychologiques;
- Des dommages pour la perte future résultant d’une augmentation potentielle de son salaire.
Jurisprudence sur le régime de responsabilité sans faute et détails de la décision
L’article 83.57 de la LAA prévoit que les personnes admissibles aux indemnités de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) ne peuvent intenter un recours civil pour être indemnisées pour le même préjudice.
Tel qu’énoncé dans l’affaire Godbout c. Pagé, 2017 CSC 18, la faute commise par un tiers lors d’un accident automobile ne donne pas lieu à un recours contre celui-ci tant qu’un lien plausible, logique et suffisamment étroit subsiste entre le préjudice corporel et l’accident. Il est à noter que la jurisprudence constante sur le sujet traite chaque tiers sur un pied d’égalité quant à l’application du régime, que l’on parle du fabricant, de la personne à l’origine de l’accident ou même d’un tiers lié à ce dernier.
Partant du principe selon lequel la LAA doit être interprétée de façon large et libérale1, la juge Cossette, saisie de la présente affaire, conclut que tous les « dommages économiques et relatifs à la qualité de vie2 » constituent un dommage corporel au sens de l’article 83.57 al.1 de la LAA. De surcroît, les principes d’interprétation dictent que même les dommages moraux et exemplaires qui sont rattachés au préjudice corporel initial résultant d’un accident de la route ne peuvent faire l’objet d’une réclamation hors LAA3.
De ce fait, les seuls dommages résultant d’un accident automobile qui pourraient donner lieu à une action en responsabilité civile sont les dommages matériels, à l’exclusion de ceux liés aux préjudices corporels4.
Seront qualifiés de préjudices corporels selon la LAA tous les dommages résultant d’un accident automobile et qui conservent un lien de causalité avec celui-ci. Par exemple, la Cour a considéré dans la présente affaire que le stress, les dommages moraux, la perte de salaire, les dommages punitifs et la perte de jouissance étaient inclus à cette définition. Conséquemment, pour tous ces dommages, il n’était pas possible d’intenter un recours contre une personne impliquée dans l’accident ou contre un tiers.
L’ensemble des dommages réclamés étant étroitement liés à son préjudice corporel initial qui résulte de l’accident automobile, la juge a conclu qu’une telle demande était mal fondée en droit et a confirmé son irrecevabilité.
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