En avril 2024, nous avons fait le point sur l’évolution réglementaire entourant le Programme des étudiants étrangers du Canada (PEE) et précisé que d’autres changements étaient attendus en cours d’année. Tandis que les établissements d’enseignement transformaient leurs pratiques d’affaires et adoptaient de nouvelles mesures pour se conformer aux exigences fédérales et provinciales accrues, d’autres modifications ont été apportées à divers cadres réglementaires du PEE. Le 29 juin 2024, le gouvernement fédéral a publié, par l’entremise d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), une liste d’amendements proposés au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) concernant le PEE. Peu de temps après, la Colombie-Britannique a révisé ses politiques et les lignes directrices connexes, bonifiant ainsi ses changements de phase 1 annoncés en janvier.
Vous trouverez ci-dessous les tout derniers développements annoncés, notamment l’encadrement du changement d’établissement d’enseignement désigné (EED) une fois au pays, l’obligation nouvelle des EED de surveiller l’assiduité des étudiants et de divulguer l’information recueillie, l’octroi à IRCC de pouvoirs lui permettant de contrôler le respect des normes par les EED, la compilation d’une liste publique des EED suspendus pour non-conformité, la révision du processus entourant les lettres d’acceptation, ainsi que les modifications aux heures de travail hors campus et les changements récents propres à la Colombie-Britannique.
Modifications fédérales
Actuellement, IRCC n’a pas l’autorisation législative pour contraindre les EED ou les étudiants étrangers à déclarer certains éléments ni pour leur imposer des restrictions en cas de non-respect des exigences du PEE. Les amendements fédéraux proposés accorderaient au ministère le pouvoir de veiller à ce que les EED et leurs étudiants étrangers se plient aux règles entourant les permis d’études, et de sévir contre les établissements pris en défaut.
Changement d’établissement scolaire une fois au Canada
Actuellement, les étudiants étrangers détenant un permis d’études peuvent changer d’EED en tout temps, sans devoir en informer IRCC. Si adoptée, la réglementation fédérale proposée forcerait tout étudiant international souhaitant changer d’EED à soumettre une nouvelle demande de permis d’études avant le début de son nouveau programme. La personne pourrait toutefois fréquenter son nouvel EED jusqu’à ce qu’une décision soit rendue, à condition de demeurer au Canada et de respecter toutes les conditions du permis d’études en vigueur. De plus, le processus de vérification des lettres d’acceptation – sous sa forme initiale ou révisée – décrit dans nos articles précédents et ci-après s’appliquerait à l’EED indiqué dans la nouvelle demande de permis d’études.
Divulgation du statut d’inscription et de fréquentation des étudiants étrangers par les EED
Aux termes des dispositions proposées et à la demande d‘IRCC, les établissements d’enseignement postsecondaire désignés auraient :
- 10 jours pour confirmer l’acceptation d’un étudiant international au programme associé au permis d’études;
- 60 jours pour remettre un rapport de conformité sur le statut d’inscription de chaque étudiant étranger fréquentant l’EED et toute information confirmant que cette même personne poursuit activement ses études;
- 10 jours additionnels pour corriger ou clarifier tout renseignement fourni dans un rapport de conformité;
- 10 jours pour transmettre toute information supplémentaire requise par IRCC (les délais peuvent être prolongés à la discrétion du ministère en fonction de divers facteurs).
Vérification de la conformité des EED
Les dispositions proposées permettraient aux fonctionnaires d’IRCC de contrôler la conformité d’un EED aux exigences de déclaration du PEE : a) s’ils ont des raisons de croire que l’EED ne respecte pas les normes; b) s’ils ont des motifs de suspecter qu’une lettre d’acceptation a été émise erronément; c) si l’EED a été choisi au hasard pour une vérification ponctuelle; d) s’il existe une preuve du non-respect de l’EED par le passé. Pour valider la conformité d’un EED, les fonctionnaires d’IRCC pourraient demander à l’établissement de fournir des documents pertinents et de déléguer un représentant pour répondre à des questions à l’endroit et à l’heure de leur choix. Si, à la lumière de leur enquête, les fonctionnaires jugent que l’EED n’a pas rempli une condition, ils émettraient un avis de constatation préliminaire décrivant la non-conformité et recommandant potentiellement un délai de suspension, sous réserve d’une décision finale du ministère. Tout EED visé par un avis de non-conformité aurait 30 jours à compter de la date de réception pour y répondre. Les fonctionnaires pourraient alors décider d’accorder une exemption à un EED fautif qui aurait déployé tous les efforts raisonnables pour se conformer à la condition ciblée ou qui aurait manqué à son obligation de bonne foi, ou encore de corriger ou d’annuler l’avis.
Si, une fois le délai de 30 jours écoulé, le ministère considère que l’EED a failli à son obligation de déclaration en vertu du PEE, il enverrait un avis de décision définitive contenant : i) le nom de l’EED; ii) la ou les conditions non remplies; iii) la raison de la décision; iv) le délai de suspension imposé à l’EED ou un avertissement de suspension potentielle advenant une récidive.
Suspension d’un EED
La réglementation proposée requerrait du ministère qu’il tienne compte de plusieurs facteurs pour décider de suspendre un établissement et déterminer la durée de la pénalité : a) la fréquence et la gravité du manquement; b) les efforts faits par l’EED pour se plier aux conditions; c) la réponse de l’EED à l’avis de constatation préliminaire; d) l’ampleur de la collaboration de l’établissement tout au long du processus. Un EED pourrait demeurer sur la liste de suspension pour une durée maximale de 12 mois consécutifs. Cette liste serait accessible au public.
Toute demande de permis d’études faisant mention d’un EED suspendu serait retournée au postulant sans même être traitée.
Revue du processus entourant les lettres d’acceptation
Basée sur les politiques ministérielles d’IRCC sur le traitement des demandes de permis d’études, la réglementation proposée fixerait officiellement les exigences relatives aux lettres d’acceptation. Ainsi, les EED auraient l’obligation de confirmer la validité des lettres sur un portail Web, où ils pourraient aussi consulter les renseignements biographiques des postulants, leurs numéros d’étudiant et leurs documents d’admission. Les dispositions suggérées enchâsseraient également l’obtention d’une lettre d’attestation provinciale (LAP) dans la loi, forçant les étudiants internationaux à fournir ce document en plus d’une lettre d’acceptation avec leur demande de permis d’études. L’objectif de ce projet de modification est de s’assurer que chaque étudiant est bien pris en compte dans le nombre de permis d’études alloué à une province.
Heures de travail hors campus
Les amendements recommandés comprennent en outre l’augmentation du nombre autorisé d’heures de travail hors campus par les étudiants étrangers pendant une session régulière, lequel passerait de 20 à 24. Il s’agit d’une mesure précédemment annoncée par le ministère et soutenue tant par les étudiants internationaux que par les employeurs pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. Reportez-vous à notre article précédent (en anglais), qui présente une vue d’ensemble plus exhaustive de cet aspect précis du PEE.
Mises à jour de la réglementation de la Colombie-Britannique
Dans le contexte des changements de phase 1 apportés à son cadre directeur sur l’éducation internationale (International Education Framework ouIEF), le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique (le ministère de la Colombie-Britannique) a décrété un moratoire sur les nouveaux établissements souhaitant accueillir des étudiants internationaux jusqu’en février 2026, resserré les normes d’acceptation pour les nouveaux programmes privés de grade universitaire, renforcé les exigences d’exploitation et de divulgation pour les EED, accordé des pouvoirs de contrôle et de sanction envers les organismes de formation privés, et exigé la transparence quant aux droits de scolarité payés par les étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement postsecondaire publics. Publiées peu de temps après l’annonce du gouvernement fédéral sur sa réglementation proposée, les modifications de phase 2 à l’IEF visent l’application des politiques additionnelles décrites ci-dessous.
Changements concernant l’attestation provinciale de qualité de l’éducation
Pour être reconnus par IRCC, les EED devront détenir une attestation d’assurance de la qualité de l’éducation (Education Quality Assurance ou EQA) délivrée par la Colombie-Britannique. De plus, tout manquement aux normes d’EQA pourrait entrainer le retrait de l’attestation et, par conséquent, la perte du statut d’EED. Voici les ajustements apportés aux exigences d’assurance de la qualité :
- Les établissements doivent maintenant offrir au moins 50 % de cours en présentiel aux étudiants étrangers. Ceux dont l’enseignement est principalement prodigué à distance ou en virtuel ne pourront pas obtenir d’attestation.
- Les lieux d’enseignement doivent se trouver dans des installations gérées par l’EED et à usage exclusif de celui-ci, comme une école, un collège ou un lieu de rassemblement.
- Les établissements doivent offrir des services étoffés et l’appui de suffisamment de personnel aux étudiants internationaux.
- Ils doivent proposer du soutien à l’hébergement.
- Ils ne doivent pas prioriser les étudiants étrangers au détriment des étudiants autochtones ou canadiens.
La deuxième phase de changements comprend aussi des mesures permettant au ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique de veiller à la conformité des EED aux exigences d’IRCC et de sanctionner les contrevenants. Dans le même ordre d’idées, un code de pratique d’EQA (Code of Practice)accompagnera ces modifications, avec un contrôle annuel des établissements détenant une attestation à compter de janvier 2025.
Plans stratégiques pour l’éducation des étudiants internationaux
Aux termes des changements de phase 2 de l’IEF, les établissements sont tenus d’établir un plan stratégique pour l’éducation des étudiants internationaux dans lequel ils détaillent leur feuille de route pour les trois à cinq prochaines années, précisent leurs objectifs et confirment leur adhésion à la vision éducationnelle du ministère de la Colombie-Britannique, aux directives d’inscription d’étudiants internationaux dans des établissements d’enseignement postsecondaire publics (Public Post-Secondary International Student Enrolment Guidelines), ainsi qu’aux politiques et procédures d’assurance qualité de l’éducation. Tous les établissements doivent soumettre leur plan avant le 31 mars de chaque année.
Gestion et divulgation des inscriptions
Cette deuxième phase impose également aux établissements de gérer l’inscription de leurs étudiants internationaux en respectant la limite de LAP qui leur est allouée pour ne pas dépasser leur capacité d’accueil et s’assurer d’offrir à ces étudiants l’enseignement et les services de soutien auxquels ils ont droit. Le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans un établissement public ne devra pas dépasser 30 % des inscriptions totales de cet établissement, lequel devra également prouver qu’il dispose des ressources nécessaires pour offrir les services de soutien et d’hébergement requis (ce changement ne concerne pas les EED privés).
Nouvelles exigences pour les établissements privés
Les modifications de phase 2 renferment des critères plus fermes d’évaluation des nouveaux programmes de grade universitaire offerts par les établissements privés, notamment :
- l’harmonisation du programme avec les besoins du marché du travail;
- la disponibilité des infrastructures, des ressources académiques et des services nécessaires à soutenir l’augmentation du corps étudiant générée par le nouveau programme;
- des frais plus élevés pour les demandes et les vérifications;
- des droits annuels supplémentaires pour les établissements privés et hors province offrant des programmes de grade universitaire.
Exigences relevées pour la désignation des organismes de formation privés
La phase 2 contient de nouvelles mesures relatives aux organismes de formation privés qui rendront plus ardue l’obtention d’une désignation en vertu de la Private Training Act (PTA). Des exigences de contenu plus sévères seront mises en place, et des frais plus élevés de demande, de renouvellement et d’inspection seront exigés pour les établissements assujettis à la PTA afin de garantir la mise en application des normes provinciales plus rigoureuses. Les tactiques de vente et de recrutement sous pression seront aussi formellement interdites avec l’instauration de ces changements.
Points à retenir
Il est pour l’instant impossible de confirmer si toutes ces propositions législatives fédérales auront un jour force de loi. IRCC a conclu un protocole d’entente avec les provinces (sauf avec le Québec qui choisit les EED selon ses propres termes) qui fixe des normes minimales communes pour les EED que peuvent fréquenter les étudiants internationaux. IRCC consulte donc les gouvernements provinciaux, organismes de réglementation de l’éducation et d’autres parties intéressées (EED et représentants sectoriels) par rapport aux dispositions suggérées. Cependant, vu l’intérêt constant de tous les ordres de gouvernement quant aux problèmes sous-jacents, nous croyons que toute la réglementation proposée – ou presque – se transformera en texte de loi sans être grandement modifiée.
Voici donc les points à retenir sur les changements proposés et mis en œuvre quant au PEE :
- Selon les nouvelles exigences, les organes de réglementation pourraient répondre plus efficacement aux problèmes d’intégrité et aux comportements non éthiques des participants du secteur. La surveillance réglementaire accrue de la part des entités gouvernementales fédérale et provinciales devrait avoir un effet positif sur l’élimination des mauvais acteurs qui ont envahi le marché de l’enseignement postsecondaire au Canada dans un but lucratif au cours de la dernière décennie, car les établissements auraient à respecter des normes d’exploitation beaucoup plus sévères qu’avant et déclarer leurs actions, seraient assujettis à des vérifications plus rigoureuses et risqueraient de perdre leurs certifications pour non-conformité.
- Les EED verraient leur fardeau administratif s’accroître, ce qui entrainerait certainement une augmentation de leurs dépenses liées à la conformité (préparation de rapports, réponse aux demandes réglementaires, participation aux inspections, etc.). Avec l’augmentation des coûts et la diminution des revenus, on peut raisonnablement s’attendre à ce que moins d’établissements ouvrent leurs portes et à ce que certains déjà accrédités mettent fin à leurs activités ou en réduisent la taille.
- Les coûts imputés aux étudiants étrangers souhaitant changer d’EED augmenteraient.
- Même si les dispositions fédérales et provinciales suggérées sont somme toute explicites quant aux normes de conformité établies, un flou demeure sur la nature de certaines et sur la manière dont les organes de réglementation pourront en assurer l’application. Les établissements devront rester à l’affût de nouvelles directives, appelées à évoluer, de la part des organismes de contrôle.
- De l’incertitude peut aussi planer chez les EED quant à leur allocation d’étudiants internationaux au cours des prochaines années par rapport au plafond fixé, et à l’effet qu’aura la liste publique des EED suspendus pour non-conformité sur la répartition des étudiants dans d’autres établissements.
- Les changements proposés à la réglementation fédérale mèneront à la création d’un « cadre de gestion des établissements de confiance », qui s’avérera plutôt avantageux pour les participants. Consultez notre article antérieur (en anglais) sur le sujet.
Nous joindre
Pour toute question sur l’incidence que ces changements pourraient avoir sur votre organisation, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs et autrices du présent article, l’une des personnes dont le nom figure ci-après, notre groupe Éducation ou Impulsion Immigration des gens d’affaires.