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Perspectives

Changement et uniformité : L’AUC six mois après l’enquête et le moratoire sur les énergies renouvelables

Le 28 février 2024, le gouvernement albertain a levé le moratoire sur les approbations de projets d’énergie renouvelable et a publié son orientation stratégique pour l’Alberta Utilities Commission (AUC). Celle-ci tient compte des recommandations formulées dans le rapport sur le module A préparé par l’AUC à la demande du gouvernement1.

Six mois plus tard, l’approche de l’AUC à l’égard des projets d’énergie renouvelable a-t-elle changé? Dans cet article, nous passons en revue des décisions prises par l’AUC depuis la publication de l’orientation stratégique, qui tiennent davantage compte de facteurs comme l’impact agricole et visuel, la garantie de remise en état et la participation des municipalités.

Impact agricole

L’orientation stratégique accorde la priorité à l’agriculture et freine le développement de projets sur des terres à haute valeur agricole, sauf lorsqu’ils ne nuisent manifestement pas aux activités agricoles. Depuis la publication de l’orientation stratégique, l’AUC a élargi son analyse à plusieurs aspects agricoles.

Tout d’abord, l’AUC s’attend à ce que les projets réalisés sur des terres agricoles de grande valeur comprennent un volet agrivoltaïque. L’agrivoltaïsme désigne l’utilisation simultanée de terres pour l’agriculture et pour la production d’énergie solaire2. Depuis qu’elle a reçu l’orientation stratégique, l’AUC a approuvé un projet photovoltaïque sur des terres marginales de classe 4 servant au pâturage ovin et à la culture fourragère.3 Elle a également approuvé un projet solaire sur des terres de qualité supérieure de classe 2, où les effets néfastes sur l’agriculture seraient atténués par un plan agrivoltaïque prévoyant l’ensemencement de vivaces, le pâturage ovin et l’apiculture4.

Depuis qu’elle a reçu l’orientation stratégique, l’AUC a aussi :

  • Accepté l’impact agricole lorsque l’agriculture et la production d’électricité constituent une utilisation provisoire dans l’attente d’un futur développement commercial ou industriel5;
  • Approuvé un projet solaire sur des terres irriguées dont les droits d’irrigation étaient transférables à d’autres terres de même nature dans le district6;
  • Exigé qu’un projet solaire comprenne un plan de gestion proactive des mauvaises herbes, notant qu’elle n’acceptera pas les approches purement réactives7.

Ces décisions indiquent que l’AUC respectera le choix des propriétaires fonciers, mais qu’elle semble disposée à imposer des conditions pour atténuer l’impact agricole conformément aux orientations stratégiques8.

Garanties à verser pour la remise en état

L’orientation stratégique prévoit l’obligation pour le promoteur de financer la remise en état du site à la fin du cycle de vie du projet. L’Alberta a exprimé son intention d’exiger des promoteurs qu’ils déposent des cautions ou d’autres garanties d’un montant à déterminer par la Couronne pour les projets approuvés après le 1er mars 2024. L’Alberta n’a pas encore formulé cette exigence, laissant la question à la discrétion de l’AUC pour le moment.

L’AUC demande donc aux promoteurs d’expliquer comment ils s’assureront que des fonds suffisants seront disponibles à la fin du cycle de vie de leur projet pour couvrir les coûts de déclassement et de remise en état. Les promoteurs de projets ont présenté des plans de garantie de remise en état variés, qui n’ont pas tous été accueillis de la même manière par l’AUC :

  • L’AUC encourage l’inclusion de clauses de remise en état dans les baux. L’AUC a favorisé les plans de garantie de remise en état qui sont inclus dans le bail des terres visées. Ainsi, c’est le bailleur qui conserve la garantie de remise en état9, et non l’AUC, qui a préféré ne pas assumer cette responsabilité10. En cas de vente de la propriété ou du projet, la garantie de remise en état et les obligations stipulées dans le bail restent en vigueur et s’appliquent aux nouveaux propriétaires11. L’AUC s’oppose à l’idée que le propriétaire foncier puisse renoncer à utiliser la garantie de remise en état si le projet n’aboutit pas12.

Dans les cas où les baux ne comportent pas de clause de garantie de remise en état, l’AUC conditionne l’approbation des projets à la présentation par le promoteur d’une proposition précisant les modalités de la garantie, son échéancier et la façon dont elle serait utilisée en cas de manquement13.

  • L’AUC préfère que les promoteurs commencent à contribuer aux fonds de remise en état dès le début. L’AUC a jugé insatisfaisantes les propositions qui suggèrent de différer la mise en place de la garantie jusqu’à la fin du cycle de vie d’un projet14. Elle préfère que la garantie soit constituée avant le lancement des travaux15, au début de l’exploitation16 ou à l’entrée en vigueur du bail17.
  • L’AUC émet des réserves quant à la fiabilité des garanties provenant des sociétés mères. Dans son rapport sur le module A, l’AUC a exprimé des doutes quant à l’adéquation des garanties des sociétés mères en cas d’insolvabilité, de délaissement ou de changement de propriétaire. L’orientation stratégique a l’amenée à ne pas les accepter comme garanties de remise en état valables18.

L’orientation actuelle de l’AUC permet de se faire une idée des garanties de remise en état acceptables, mais le futur cadre législatif albertain pourrait complètement changer la donne.

Impact sur les paysages

Si l’orientation stratégique prévoit la création de zones tampons autour d’aires protégées et de paysages vierges, l’Alberta n’a pas encore défini officiellement ces zones tampons. La province a publié un projet d’orientation suggérant une zone tampon autour des Rocheuses et des zones d’évaluation des impacts visuels autour de certains éléments naturels dans d’autres régions.

Bien que l’AUC prenne en compte l’impact paysager des projets tant solaires qu’éoliens, cette analyse concerne principalement les projets éoliens jusqu’à présent. Pour les projets solaires, c’est l’éblouissement qui est le plus souvent source de préoccupations.

L’AUC a examiné un seul projet éolien depuis la publication de l’orientation stratégique. Dans sa décision, elle a pris en considération plusieurs facteurs visuels :

  • Subjectivité de plusieurs intervenants. L’AUC a refusé l’installation de deux éoliennes à environ 500 m d’une église rurale, estimant que leur effet visuel risquait de nuire à la capacité de l’église à répondre aux besoins spirituels de la communauté19.
  • C’est une question de perspective, au sens propre. Le projet était soumis à une évaluation des impacts visuels, car il visait une zone entourant le parc Cypress Hills. L’AUC a envoyé un comité pour évaluer plusieurs points d’observation du parc, ce qui a permis de délimiter une zone précise où tout développement industriel, y compris un projet éolien, modifierait considérablement le paysage et ne serait donc pas dans l’intérêt public20.
  • Impact cumulatif. L’AUC tient compte de l’impact visuel de projets cumulatifs. Elle a relevé qu’un autre panorama aurait été dénaturé par le projet si un parc éolien existant ne le faisait pas déjà21. Elle a dénoncé le manque de planification dans l’évaluation de la capacité d’accueil de projets multiples, un problème de plus en plus criant avec le nombre croissant de demandes22.

Les observations de l’AUC pourraient mener à l’élaboration de politiques plus robustes concernant l’impact cumulatif des projets sur le paysage.

Participation des municipalités

L’orientation stratégique exigeait également que l’AUC accorde aux municipalités le droit de participer aux audiences. Bien que l’AUC tenait déjà compte de l’avis des municipalités, elle reconnaît désormais explicitement leur expertise en matière d’aménagement du territoire local23. Elle s’est d’ailleurs récemment appuyée sur un permis d’aménagement pour s’assurer qu’un grand projet solaire soit conforme au plan d’aménagement du territoire et aux prévisions de croissance démographique d’une municipalité24. Cela dit, même si elle prend en compte la planification municipale, l’AUC demeure l’instance ultime pour l’approbation des projets25.

La suite...

L’AUC intègre désormais la conformité à l’orientation stratégique comme critère essentiel pour évaluer l’intérêt public d’un projet et démontre une cohérence accrue dans sa gestion de ces questions26. Cependant, les promoteurs de projets et les autres parties concernées doivent garder à l’esprit que l’Alberta n’a pas encore adopté de cadre législatif ou réglementaire officiel. Il faut donc rester vigilant puisque la législation attendue fin 2024 est susceptible de changer la manière dont l’AUC applique l’orientation stratégique, telle que présentée ici. Dans ce contexte, il est essentiel de solliciter un avis juridique avant de présenter une demande d’approbation pour un projet d’énergie renouvelable.

BLG est reconnu comme cabinet juridique de référence pour tous les aspects du secteur de l’électricité réglementée en Alberta et a été retenu par de nombreux projets de production et de transport d’énergie renouvelable et conventionnelle. Les auteurs du présent article ont été conseillers juridiques dans le cadre d’un projet approuvé depuis la publication de l’orientation stratégique et auquel l’article fait allusion à plusieurs reprises27.

Pour en savoir plus sur les projets d’énergie renouvelable, n’hésitez pas à communiquer avec les personnes-ressources ci-dessous.

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