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Perspectives

Premier contrôle judiciaire d’une décision du comité d’enquête du CABAMC

Le 28 août 2024, la Cour fédérale a effectué pour la première fois un contrôle judiciaire d’une décision du comité d’enquête du Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce (le CABAMC), soit celle rendue le 25 novembre 2022 (la décision). Elle a rejeté la demande initiale. Étant donné qu’il s’agit de la première fois qu’elle est saisie d’une affaire de cette nature et que l’une des parties n’était pas représentée, aucuns dépens ne seront adjugés.

Décision du comité d’enquête

Dans la plainte qui a donné lieu à la décision du comité d’enquête, le demandeur du contrôle judiciaire, Andrew Olkowski, a affirmé que :

  • le défendeur, Ted Yoo, avocat et agent de brevets, avait agi pour son propre compte dans le cadre d’une demande de brevet;
  • Me Yoo avait fait de fausses déclarations à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) au sujet de l’auteur de la demande de brevet;
  • Me Yoo avait déposé des documents faux ou trompeurs auprès de l’OPIC;
  • Me Yoo avait manqué à ses obligations fiduciaires envers lui;
  • Me Yoo avait fait preuve de négligence en omettant de soumettre à l’OPIC d’autres documents pertinents faisant état de sa relation avec Me Yoo.

Allégations de M. Olkowski :

  • il avait perdu le contrôle de la demande de brevet dans laquelle il aurait dû être désigné non seulement comme inventeur, mais aussi comme demandeur;
  • la personne qui y a été incorrectement désignée comme demandeur et titulaire n’était que le titulaire de licence de la technologie;
  • les co-inventeurs avaient également été incorrectement désignés.

Le comité d’enquête a conclu que la preuve ne démontrait pas que Me Yoo avait commis une faute professionnelle ni fait preuve d’incompétence, ni que M. Olkowski était bien son client. Comme le comité d’enquête était néanmoins d’avis que les interactions que Me Yoo avait eues avec M. Olkowski en tant que personne non représentée n’étaient pas conformes aux pratiques exemplaires, il a signalé qu’il fournirait à Me Yoo des conseils sur la manière de procéder à l’avenir.

Demande de contrôle judiciaire

M. Olkowski a soutenu que la décision était déraisonnable, arguant que le comité d’enquête n’avait pas correctement apprécié sa relation avec Me Yoo et avait commis une erreur dans son examen d’une procuration. Il a affirmé que cette procuration prouvait qu’il avait désigné Me Yoo comme étant son agent.

Décision de la Cour – Questions préliminaires

La Courl a exposé le contexte des interactions entre le demandeur, diverses sociétés et Me Yoo. Elle a ensuite exposé les dispositions pertinentes de la Loi sur le CABAMC. Celle-ci ne comprend aucune disposition concernant le droit d’une partie d’interjeter appel de la décision du comité d’enquête. Cela étant dit, la Cour est d’avis que ce comité est un office fédéral, de sorte que s’appliquent les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Aucune des parties n’a remis en question la compétence de la Cour pour entendre l’affaire.

Le défendeur, le CABAMC, a demandé, au titre de l’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales, que l’intitulé soit modifié de sorte que le comité d’enquête n’y soit plus désigné comme défendeur. Aucune objection n’a été soulevée à cet égard.

Étant donné que M. Olkowski a cherché à présenter à la Cour un nouvel élément de preuve, le défendeur a soulevé la question préliminaire de savoir si l’affidavit était admissible en preuve. La Cour a jugé qu’il ne l’était pas, mais a convenu que les pièces jointes à l’affidavit doivent rester dans le dossier du demandeur puisqu’elles ont été présentées au comité d’enquête. Sous réserve de quelques exceptions, la règle générale veut que les éléments de preuve non présentés au décideur et qui portent sur le fond de l’affaire ne soient pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. La preuve présentée dans l’affidavit ne correspond à aucune des exceptions admises.

Décision de la Cour – Questions tranchées sur le fond

Dans son dossier de demande, M. Olkowski a soulevé deux questions de fond :

  • Le comité d’enquête a-t-il commis l’erreur de ne pas avoir examiné minutieusement la preuve avant de conclure que M. Olkowski n’était pas client de Me Yoo?
  • Le comité d’enquête a-t-il commis une erreur dans son examen de la procuration?

Les parties ont convenu que la norme de contrôle devant s’appliquer aux questions de fond était celle de la décision raisonnable.

En ce qui concerne la première question, compte tenu de la preuve, la Cour est d’avis qu’il était raisonnable de la part du comité d’enquête de conclure que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo. En effet, le comité avait conclu qu’aucun élément de preuve n’indiquait que Me Yoo avait fourni des services d’agent de brevets ni agi à titre d’avocat pour le compte de M. Olkowski, ni qu’il avait accepté de fournir ces services. En outre, aucun élément de preuve ne démontrait que Me Yoo avait eu des échanges directs avec M. Olkowski ni qu’ils avaient conclu un mandat de représentation. La décision du comité d’enquête mentionnait expressément qu’il avait examiné l’ensemble de la preuve produite par les parties en lien avec la plainte. La Cour a jugé que le comité avait raisonnablement centré son analyse sur la question fondamentale de savoir si M. Olkowski était le client de Me Yoo.

Pour ce qui est de la deuxième question, la Cour a conclu que le comité d’enquête avait établi une base rationnelle pour sa conclusion en ce qui concerne les questions limitées qu’il a dû trancher. La procuration n’a pas été déposée auprès de l’OPIC et, par conséquent, tout constat pouvant être tiré quant à l’importance de ce document ne s’appliquerait qu’aux États-Unis. D’autres questions soulevées par M. Olkowski n’ont pas pu être traitées par le comité d’enquête, telles que la cession des droits ayant découlé de l’accord de licence. Le demandeur n’a pas démontré d’erreur susceptible de faire l’objet d’un contrôle.

Points à retenir

Cette décision devrait être examinée attentivement par les agents de brevets, en particulier dans les situations où des personnes se représentent elles-mêmes. La Cour a noté que le comité d’enquête, dans sa décision, a reconnu que Me Yoo aurait dû conseiller à M. Olkowski, en tant que personne non représentée, de faire appel à une représentation indépendante pour ce qui est de ses intérêts à titre d’inventeur de la technologie et que Me Yoo aurait dû bien faire comprendre à M. Olkowski qu’il ne protégerait pas ces intérêts puisqu’il agissait uniquement dans l’intérêt de NBI.

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