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Perspectives

Détection de fuites en assurance pollution : interprétation des dispositions des polices en Alberta

Le 13 août 2024, la Cour d’appel de l’Alberta (la « Cour d’appel ») a publié sa décision dans Paramount Resources Ltd v. Chubb Insurance Company of Canada, 2024 ABCA 266. Le pourvoi a été accueilli au motif que les polices d’assurance de Paramount Resources Ltd. (« Paramount ») ne couvraient pas les pertes découlant de la fuite du pipeline Resthaven.

Cette décision offre des éclaircissements quant à l’interprétation des dispositions de polices d’assurance exigeant la détection des incidents de pollution dans un délai donné. La Cour d’appel a infirmé le jugement sommaire, du fait que le juge de première instance avait interprété la notion de détection en s’appuyant trop fortement sur les circonstances entourant la situation plutôt qu’en se basant sur le texte des polices d’assurance pertinentes.

Contexte : polices d’assurance pollution et détection des fuites

Paramount et ConocoPhillips sont conjointement propriétaires du pipeline Resthaven; ConocoPhillips en est l’exploitant. Une fuite dans le pipeline est survenue en 2016 :

  • Le 21 avril 2016, l’eau de condensation issue de l’échappement d’une faible tension de vapeur commence à s’écouler sur le sol entourant le pipeline.
  • Le 30 avril, ConocoPhillips découvre une anomalie dans la quantité de condensation entrant dans le pipeline et en sortant, mais l’attribue à l’installation d’un nouveau système de mesure plutôt qu’à une fuite.
  • Le 9 juin, ConocoPhillips remarque que le droit de passage du pipeline a été contaminé par des hydrocarbures, puis signale la fuite à l’Alberta Energy Regulator.

ConocoPhillips a demandé à Paramount de couvrir 50 % des coûts de la réparation de la fuite.

Paramount souscrivait trois polices d’assurance contenant un avenant sur la découverte et la notification offrant une couverture des pertes liées à un incident de pollution détecté par quiconque dans les 720 heures (30 jours) suivant le début dudit incident. La question au cœur du litige était de déterminer si la fuite avait été détectée dans le délai prescrit. 

Lors du procès sommaire, le juge a défini le sens de « détecter une fuite » comme étant le fait d’être au courant d’information crédible qui, selon toute personne d’une prudence normale, constituerait un motif raisonnable de croire qu’une fuite a eu lieu. Cette interprétation se basait largement sur des facteurs environnants, comme le contexte réglementaire et les normes de l’industrie pétrolière et gazière quant à la détection de fuites.

ConocoPhillips aurait donc détecté la fuite le 30 avril 2016, lors de la découverte de l’anomalie dans la quantité de condensation entrant dans le pipeline et en sortant, même si ce problème n’a pas été considéré comme émanant d’une fuite à l’époque.

Analyse : interprétation de la détection d’une fuite selon les intentions des parties

La Cour d’appel de l’Alberta a estimé que le juge de première instance avait commis une erreur dans son interprétation de la détection de fuite puisqu’il ne s’est pas fié au texte des polices d’assurance et n’avait pas considéré les intentions des parties.

Dans son analyse, la Cour d’appel s’en est remise aux principes généraux d’interprétation des contrats établis dans Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp, 2014 CSC 53. Ces derniers indiquent qu’il peut être utile de se reporter aux circonstances, mais que « le tribunal ne saurait fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente ». Les termes employés par les parties revêtent donc une importance capitale dans l’interprétation de leurs intentions.

La Cour d’appel n’a vu aucune raison d’interpréter le principe de détection des fuites autrement que dans son sens le plus simple et n’a pas jugé pertinent d’aller plus loin que le texte des contrats en y ajoutant des éléments d’instruments réglementaires n’ayant aucun lien avec les polices d’assurance des parties. La détection de la fuite a alors été établie au 9 juin 2016, moment où ConocoPhillips a remarqué la contamination du droit de passage. Les assureurs avaient par conséquent eu raison de refuser de couvrir les pertes connexes puisque la fuite n’avait pas été détectée dans la fenêtre de 30 jours.

La Cour d’appel a rejeté l’interprétation du juge de première instance, car elle mènerait à un résultat déraisonnable sur le plan commercial, soit celui d’exiger qu’une tierce partie détermine si une personne d’une prudence ordinaire aurait des motifs raisonnables de croire qu’une fuite est survenue. Le processus de réclamation d’assurance se verrait en outre complexifié et ralenti.

De plus, les dispositions sur la détection de la pollution dans un délai donné visent à limiter l’exposition des assureurs au risque associé à un accident en cours non pris en charge. La conclusion du juge de première instance entraînait une exposition au risque accrue puisque la définition de « motifs raisonnables de croire qu’une fuite est survenue » peut être établie avant qu’un assuré découvre ou règle le problème.

Points à retenir

La décision rendue par la Cour d’appel dans cette affaire clarifie le rôle des circonstances environnantes dans l’interprétation de dispositions de polices d’assurance exigeant la détection d’incidents de pollution dans un délai préétabli. Les parties qui souhaitent définir le principe de détection selon les normes d’instruments réglementaires externes doivent le mentionner explicitement dans leurs polices d’assurance. Sinon, il sera interprété dans son sens le plus simple et la détection sera établie comme commençant lorsqu’une personne prend connaissance de l’incident.   

Nous joindre

Pour tout ce qui touche la décision de la Cour d’appel de l’Alberta ou des questions d’assurance connexes, communiquez avec les auteurs du présent article, l’une des personnes-ressources mentionnées ci-dessous ou le groupe Contestation de réclamations d’assurance de BLG.

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