Le 1er octobre 2020, des modifications importantes ont été apportées à la Loi de 1992 sur les recours collectifs (la « Loi »). Le 2 janvier 2024, dans l’affaire Martin v. Wright Medical Technology Canada Ltd., 2024 ONCA 1, la Cour d’appel de l’Ontario a examiné la version de la Loi applicable dans le cadre du regroupement de deux demandes de recours collectif, l’une étant antérieure aux modifications d’octobre 2020 et l’autre postérieure.
La Cour a statué qu’un recours existant intenté en vertu de l’ancienne loi ne peut être combiné à un autre pour bénéficier de la loi modifiée. De plus, les pouvoirs procéduraux étendus conférés par l’article 12 à un juge présidant un recours collectif ne peuvent outrepasser le libellé clair d’autres dispositions de la Loi.
Cadre légal
La Loi de 2020 pour un système judiciaire plus efficace et plus solide (le « projet de loi 161 ») est entrée en vigueur le 1er octobre 2020. Elle a entraîné une refonte de la Loi de 1992 sur les recours collectifs de l’Ontario, notamment en ce qui concerne le rejet obligatoire pour cause de retard (article 29.1) et les critères visant à déterminer si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les questions communes (article 5.1.1). Un recours collectif n’est autorisé que si ce moyen est supérieur à tous les autres raisonnablement disponibles pour régler un litige. De plus, les questions de fait ou de droit communes à l’ensemble des membres du groupe doivent l’emporter sur les questions individuelles des membres du groupe. Pour en savoir plus, reportez-vous au précédent article de BLG sur le projet de loi 161.
Depuis l’adoption du projet de loi 161, les juristes peinent à s’entendre sur la manière de traiter les recours antérieurs au 1er octobre 2020, mais qui doivent être déposés à nouveau après cette date pour des raisons procédurales. Les juristes des recours collectifs tentent souvent de maintenir ces derniers sous le régime de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, tandis que le côté de la défense cherche à bénéficier de la protection du critère plus strict de la loi modifiée.
Cadre procédural
Dans l’affaire Martin v. Wright Medical Technology Canada Ltd., deux plaignantes (Mme Martin et Mme Rowland) ont introduit un recours collectif alléguant de la négligence dans la fabrication de deux prothèses de hanche. Les deux recours étaient susceptibles d’être rejetés pour cause de retard en vertu de l’article 29.1 de la Loi d’ici le 1er octobre 2021, soit le premier anniversaire de l’adoption du projet de loi 161, mais seul le recours de Mme Rowland risquait le rejet obligatoire pour cause de retard en vertu de l’article 29.1.
Pour régler ce problème, les demandeuses ont cherché à combiner leurs deux recours pour se prévaloir de la loi modifiée.
Décision de la Cour d’appel
En fin de compte, la Cour d’appel a précisé que la meilleure option était de laisser le recours de Mme Martin se poursuivre sous l’ancien régime et d’abandonner celui de Mme Rowland, puis le relancer sous la loi modifiée vraisemblablement avec une nouvelle représentation. Les deux recours pourraient ensuite être jugés séparément ou conjointement.
La Cour d’appel s’est appuyée sur l’article 39 de la Loi, une disposition transitoire qui précise que l’ancienne loi continue de s’appliquer aux instances introduites avant le 1er octobre 2020, avec l’ajout des nouvelles dispositions relatives au rejet pour cause de retard en vertu de l’article 29.1, lesquelles s’appliquent également aux instances introduites sous l’ancien régime. La loi modifiée s’applique aux instances introduites après cette date :
39 (1) Sauf disposition contraire du présent article, la présente loi, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 35 de l’annexe 4 de la Loi de 2020 pour un système judiciaire plus efficace et plus solide, continue de s’appliquer à ce qui suit :
a) les instances introduites en vertu de l’article 2 avant ce jour-là […]
L’article 39 étant sans équivoque, le juge des requêtes a commis une erreur en essayant d’utiliser l’article 12 pour combler une lacune législative inexistante. En effet, l’article 12 lui aurait conféré le pouvoir discrétionnaire de regrouper les deux recours en vertu de la loi modifiée. À l’appui de son jugement, la Cour d’appel a renvoyé à sa décision antérieure dans l’affaire David v. Loblaw Companies Ltd., 2022 ONCA 833, au paragraphe 16, où elle soulignait : « La formulation de l’article 39(1) est on ne peut plus claire. Le législateur a établi une distinction nette entre les recours collectifs introduits avant l’entrée en vigueur des modifications de 2020 et ceux introduits après cette date. »
De plus, la Cour d’appel a rejeté l’argument des défendeurs selon lequel il serait irréalisable de gérer deux tests de certification différents (l’un en vertu de l’ancienne loi et l’autre de la loi modifiée). Elle a cité la décision non publiée de Robertson v. Ontario (21 janvier 2022), CV-20-648597-CP (Ont. S.C.), au par. (vi) : « Il y aura des circonstances, peut-être même ici, où le juge chargé de la certification devra examiner et appliquer les exigences libellées différemment pour des demandes distinctes dans une même procédure. Je suis entièrement convaincu que les juges des recours collectifs, moi y compris, seront capables de le faire et d’expliquer leurs analyses de manière relativement simple. »
Points à retenir
L’arrêt Martin confirme que les recours collectifs introduits avant le 1er octobre 2020 relèvent de l’ancienne loi, tandis que ceux introduits après cette date tombent sous le coup de la loi modifiée, y compris de ses critères plus stricts pour la certification.
Si vous avez des questions sur cette importante décision, n’hésitez pas à communiquer avec votre juriste chez BLG, l’une des personnes-ressources ci-dessous ou notre groupe Actions collectives.