La proposition qu’a faite le gouvernement dans son budget fédéral de 2024 d’augmenter la proportion des gains en capital incluse dans le revenu imposable pour la faire passer de 50 % à 66,67 % fait couler beaucoup d’encre. En effet, à compter du 25 juin 2024, le taux d’inclusion des gains en capital supérieurs à 250 000 $ réalisés annuellement par des particuliers passera de la moitié à deux tiers (les avantages d’option d’achat d’actions favorablement imposés réduiront cette limite). Pour les sociétés et les fiducies, le taux d’inclusion de deux tiers s’appliquera à l’ensemble des gains en capital réalisés à partir du 25 juin 2024. Pour une personne résidant en Ontario soumise au taux marginal d’imposition le plus élevé, par exemple, une augmentation du taux d’inclusion des gains en capital signifiera une augmentation du taux effectif marginal d’imposition sur ces gains, qui passera d’environ 26,8 % à 35,7 %. Le Canada se trouvera donc à avoir l’un des taux marginaux d’imposition des gains en capitaux les plus élevés au monde.
Il semblerait que le gouvernement ait consciemment choisi cette date d’entrée en vigueur pour donner l’occasion aux contribuables de réaliser leurs gains en capital d’ici là – voire les encourager activement à le faire. Cette façon de procéder est assez inusitée, car la plupart des modifications de ce genre entrent en vigueur à la date où elles sont annoncées afin d’éviter qu’on prenne des mesures pour se sauver d’une telle hausse d’impôt, justement. Le gouvernement invite essentiellement les contribuables à déclencher hâtivement des gains qui auraient pu être réalisés ultérieurement, et ainsi payer leurs impôts à l’avance, mais à un taux potentiellement moindre.
Les contribuables ont un choix à faire et se doivent d’y réfléchir soigneusement, mais la date limite approchant à grands pas les forcera probablement à se baser sur des renseignements incomplets. Il ne leur sera en outre pas nécessairement possible de vendre tous les biens dont ils souhaitent se départir avant l’échéance de la fin juin – une réalisation de gains par voie de vente à une partie qui a un lien de dépendance (p. ex. une société entièrement contrôlée) peut être envisageable, mais une telle opération engendrera des coûts. Certains gains réalisés sont imposables et d’autres non en fonction du contribuable; selon les circonstances, il peut être avantageux de ne déclencher la réalisation de gains qu’après le 24 juin 2024. De plus, il convient de souligner que ce ne sont pas tous les objectifs commerciaux qui nécessitent la réalisation de gains. Bref, les contribuables doivent prendre en compte un grand nombre de facteurs s’ils veulent réaliser leurs gains d’ici le 24 juin.
Risques d’un changement de législation – Partie I
Le gouvernement s’efforce de présenter sa proposition comme une mesure d’équité, avançant que « [s]eulement 0,13 % des personnes, dont le revenu moyen est de 1,4 [M$], devraient payer plus d’impôt sur le revenu des particuliers sur leurs gains en capital au cours d’une année donnée ». Divers intervenants, notamment les docteurs, le secteur des technologies, les entrepreneurs, le monde des affaires et les propriétaires de chalets ou d’immeubles de placement ont mal réagi à la nouvelle. L’une des préoccupations soulevées est que la mesure affecterait de nombreuses personnes réputées réaliser l’ensemble de leurs gains et de leurs pertes au moment de leur décès (ou en émigrant du Canada, à quelques exceptions près). À en juger par la réponse plutôt négative rapportée dans les médias jusqu’à maintenant, le gouvernement ne se montre pas assez convaincant pour ce qui est de démontrer que sa mesure vise simplement à s’assurer que les plus nantis paient leur juste part. Il semble fallacieux de prétendre que seuls les Canadiens et Canadiennes les plus riches seront touchés; il n’y a que très peu de médecins de famille dans ce groupe, par exemple.
Avant de déclencher la réalisation de leurs gains en capital en prévision de la date limite du 24 juin, les contribuables doivent envisager la possibilité que le gouvernement renonce totalement ou partiellement à sa proposition. Il pourrait en effet y apporter plusieurs changements qui cadreraient davantage avec ses intentions affichées de ne cibler que les personnes les plus riches et limiteraient les « dommages collatéraux » soulevés par le Directeur parlementaire du budget. Par exemple :
- exempter les « biens à usage personnel » qui ne sont pas des « biens meubles déterminés », comme les chalets (déjà soumis à un traitement spécial puisque les pertes en capital qui leur sont associées ne sont pas reconnues), jusqu’à concurrence d’une certaine somme;
- étendre le taux d’inclusion de 50 % pour les premiers 250 000 $ de gains en capital à tous les contribuables, pas seulement pour aux particuliers, afin d’inclure les petites entreprises;
- étendre la portée des dispositions d’allègement visant les entrepreneurs, notamment celle permettant aux sociétés admissibles exploitant une petite entreprise de reporter des gains en capital, rarement invoquée, afin de faciliter le réinvestissement de profits dans des entreprises en démarrage à haut risque.
La décision du gouvernement est de toute évidence un geste politique, et les contrecoups négatifs pourraient le pousser à se rétracter – il le fait rarement, mais ce ne serait pas du jamais vu : il y a quelques années, il était revenu sur sa proposition de modifier le taux d’imposition des petites entreprises. Il n’est pas du tout impossible qu’il emprunte cette avenue à nouveau, particulièrement dans un contexte où, minoritaire et en mauvaise posture dans les sondages, il s’est trouvé dans l’embarras après l’annulation de dernière minute des obligations de déclaration pour les simples fiducies, alors que la plupart de celles-ci avaient déjà engagé des coûts pour s’y conformer.
Risques d’un changement de législation – Partie II
Même si la proposition est adoptée dans sa mouture actuelle, il ne faut pas écarter la possibilité de modifications législatives dans l’avenir. Des élections fédérales sont prévues dans moins de 18 mois. Étant donné les réactions jusqu’à maintenant, la proposition du gouvernement, du moins dans sa version actuelle, pourrait avantager les conservateurs sur le plan politique s’ils promettent de l’abroger ou d’en limiter considérablement la portée. Quiconque réalise un gain en 2024 et se voit payer ses impôts de manière anticipée pourrait le regretter si le taux d’inclusion des gains en capital revient à 50 % en 2025.
Faire le calcul de ses gains imposables
Le choix fondamental présenté aux contribuables par le gouvernement dans certains cas (nous offrons des précisions plus bas) est de payer moins d’impôt sur leurs gains en capital relatifs à une disposition admissible effectuée avant le 25 juin 2024, mais de payer plus tôt que prévu. Pour les dispositions qui auraient eu lieu de toute façon pendant l’année d’imposition 2024 ou peu après, l’impôt ne sera pas payé de manière particulièrement hâtive. Toutefois, la valeur temporelle de l’argent se verra affectée si un paiement d’impôt qui aurait pu s’effectuer lors d’une autre année est précipité. À moins qu’un contribuable dispose d’un abri fiscal (voir plus bas) pour absorber ses gains de manière à ce qu’il n’ait pas à payer d’impôt, quiconque envisage de déclencher une disposition (même avec lien de dépendance) simplement pour cristalliser ses gains au taux d’inclusion de 50 % doit comprendre où se dirigent les taux d’intérêt et l’inflation afin d’évaluer les avantages de ce report.
Risques d’agir : règles inconnues
Le taux d’inclusion des gains en capital s’inscrit dans le régime complexe de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale (la « LIR »). Une multitude de règles sont donc affectées par le changement de cette variable, notamment le régime d’intégration des impôts des sociétés et des particuliers.
À l’exception de quelques phrases au sujet d’un avantage lié aux options d’achat d’actions, le budget fédéral ne comprend qu’une référence très générale au fait qu’un nombre de dispositions de la LIR devra être modifié pour refléter le nouveau taux d’inclusion :
D’autres modifications corrélatives seraient également apportées afin de tenir compte du nouveau taux d’inclusion. Des détails additionnels seront communiqués au cours des prochains mois.
Il est peu probable que cela se fasse en mai ou juin 2024, et il est assez décourageant que le gouvernement semble clairement s’attendre (si on en croit ses estimations) à ce que de nombreux contribuables déclenchent hâtivement la réalisation de leurs gains en se basant sur des renseignements incomplets (il n’est toujours pas clair si les revenus découlant de la mesure seraient réellement attribuables aux 40 000 personnes les plus riches du Canada). En effet, il est risqué de déclencher la réalisation de ses gains sans savoir avec certitude quelles modifications corrélatives seront apportées au régime d’intégration des impôts des sociétés et des particuliers et aux diverses règles applicables à la réalisation de pertes et à leur utilisation pour contrebalancer des gains. Les entités comme les sociétés de personnes et les fiducies qui attribuent des gains à des membres ou à des bénéficiaires se trouvent dans une position particulièrement délicate. Il serait avantageux pour tout le monde, y compris le gouvernement, que la date d’entrée en vigueur du changement soit repoussée jusqu’au dépôt en bonne et due forme d’un projet de loi, notamment pour donner le temps aux parties prenantes de prendre connaissance de toutes les règles de mise en œuvre.
Qu’est-ce qui est imposable?
Certaines personnes physiques (et fiducies) sont assujetties à l’impôt minimum de remplacement (l’« IMR »), conçu pour assurer que les particuliers à revenu élevé soumis à des taux d’imposition relativement bas en raison d’avantages fiscaux paient leur juste part. La proposition du gouvernement aurait peut-être été mieux accueillie si elle portait sur la modification de l’IMR. En date de 2024, les gains en capital sont inclus à 100 % dans le revenu aux fins de l’IMR. Quiconque envisage de réaliser des gains en capital de manière anticipée pour bénéficier du taux d’inclusion des gains en capital de 50 % doit déterminer la mesure dans laquelle l’IMR peut s’appliquer. L’IMR à payer pour une année donnée peut être reporté pendant sept ans et utilisé pour réduire l’impôt sur le revenu autrement dû. Les fiduciaires de fiducies assujetties à l’IMR auront des décisions très difficiles à prendre en ce qui concerne l’incidence sur les bénéficiaires. Les sociétés par actions ne sont pas imposées au titre de l’IMR.
Limite annuelle de 250 000 $ pour les personnes physiques
Après le 24 juin 2024, les personnes physiques pourront réaliser des gains en capital de 250 000 $ par année et continuer de bénéficier du taux d’inclusion existant de 50 %. Dans plusieurs cas, il suffira de faire une utilisation réfléchie de cette limite annuelle (qui n’est pas indexée à l’inflation) pour éviter le taux d’inclusion de 66,67 %. En effet, bien que la LIR interdise la reconnaissance de pertes découlant de la vente d’un bien vendu pour déclencher une perte et immédiatement racheté, elle ne comprend aucune règle du genre concernant la réalisation de gains. Il est donc possible de réaliser un gain sur un portefeuille d’actions au fil du temps et de demeurer pleinement investi. Qui plus est, lorsque des biens sont détenus conjointement par deux personnes (p. ex. des époux qui possèdent un chalet), chacune d’entre elles, sous réserve des règles d’attribution du revenu, peut appliquer le 250 000 $ maximal à sa portion du gain.
La disposition, dans le cas de certains types de biens comme des immeubles de placement, ne se fait pas aussi facilement sous forme de vente partielle annuelle que s’il s’agissait d’un portefeuille d’actions. Dans d’autres cas, même une réalisation qui s’échelonne dans le temps peut s’accompagner de coûts indésirables, notamment des droits de cession immobilière ou un revenu imposable lié à la récupération de l’amortissement. Le gouvernement pourrait remédier à la situation en permettant aux contribuables de réaliser leurs gains en capital accumulés sur un bien à concurrence de 250 000 $ par année, tout en en augmentant le prix de base. Une disposition réputée aux fins de l’impôt devance le paiement d’impôt (à moins qu’elle ne s’accompagne d’une dispense autorisant un paiement différé), mais permet aux personnes physiques de tirer pleinement parti de leur limite annuelle de 250 000 $ sans engager les coûts d’une disposition réelle. Alors que le gouvernement prétend cibler seulement les Canadiens les plus riches, cette solution semble assez facile.
Qu’en est-il des gains en capital imposables?
Le fait que les gains en capital seront imposés à un taux plus élevé si les changements proposés sont adoptés dans leur version actuelle accentue l’importance pour les contribuables d’utiliser de manière optimale leurs attributs fiscaux afin de minimiser le montant de leurs gains qui pourra être imposé. Selon les circonstances, ce montant peut être moins élevé qu’il ne le paraît. La LIR comprend de nombreux outils permettant de réduire ou d’éliminer l’imposition des gains en capital dans les circonstances appropriées; il est essentiel de les explorer attentivement avant de déclencher des gains de manière précipitée simplement pour bénéficier du taux d’inclusion plus bas avant le 25 juin.
En règle générale, les pertes provenant d’autres sources peuvent être appliquées à des gains à capital, les mettant à l’abri de l’impôt. Une variété de règles1 régissent la catégorisation des pertes, le moment où elles sont considérées comme réalisées, le moment où elles sont reconnues à des fins fiscales et le moment où il est possible de les appliquer à des revenus ou à des gains. La possibilité de reporter des pertes existantes (ou accumulées mais non réalisées et pouvant être cristallisées) pourrait influencer la décision des contribuables de déclencher ou non leurs gains avant le 25 juin, et donc d’assumer les coûts et risques connexes.
Dans un groupe de sociétés (par exemple des sociétés canadiennes sous contrôle commun), il est souvent possible d’appliquer les pertes d’une entité au revenu ou aux gains d’une autre. Lorsqu’il existe également des gains accumulés, il peut être judicieux de mettre au point une stratégie de planification des pertes au sein du groupe avant de déclencher prématurément les gains afin de parer à l’augmentation potentielle du taux d’imposition des gains en capital.
Attendre de réaliser des gains en capital peut être la stratégie idéale en vertu des changements proposés dans le budget fédéral de 2024. Les particuliers résidents du Canada peuvent se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital dans le cadre de dispositions d’actions admissibles de petites entreprises (ou de biens agricoles ou de pêche admissibles); le montant a été augmenté à 1,25 M$ dans le budget de 2024 pour les dispositions effectuées à partir du 25 juin de cette même année. Les actionnaires de société fermées canadiennes gagneront à vérifier si leur société est admissible (ou peut devenir admissible) à l’exonération, et à prendre des mesures pour faire une utilisation optimale de ce précieux outil de planification fiscale (l’appliquer à plusieurs membres d’une même famille, par exemple), que ce soit dans le cadre d’une vente ou autre. Le budget fédéral a en outre introduit un nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens qui prévoit un taux d’inclusion des gains en capital réduit pour les ventes d’actions de petites entreprises effectuées par les fondateurs de ces dernières, sous réserve de certaines conditions, à compter de 2025 (l’entrée en vigueur se fera par étapes). Les contribuables concernés devront déterminer ce qui convient le mieux à leur situation en tenant compte du taux d’inclusion des gains en capital, de l’exonération cumulative des gains en capital et de l’incitatif aux entrepreneurs canadiens.
Réduction des gains en capital dans un contexte de F&A
Les répercussions de la hausse du taux d’inclusion des gains en capital doivent être examinées encore plus soigneusement dans le contexte des fusions et acquisitions parce que la LIR comprend plusieurs mécanismes visant à réduire l’imposition des gains en capital des sociétés et que ces dernières sont les plus directement touchées par les modifications proposées (elles rapporteront également la plus importante part de recettes fiscales selon les projections du ministère des Finances).
Certains de ces mécanismes visent précisément les opérations de F&A, tandis que d’autres s’appliquent plus largement mais sont d’une utilité particulière dans la planification d’opération de F&A afin de réduire les gains en capital autrement réalisés. Un allègement à mentionner : le régime de taxation des sociétés canadiennes qui possèdent une participation dans une filiale étrangère. Lorsqu’un actionnaire d’une société canadienne possède des gains accumulés sur les actions d’une filiale étrangère, ces gains peuvent généralement être réduits ou même éliminés au moyen d’un dividende reçu (ou réputé reçu) relativement à des comptes d’excédents que l’actionnaire canadien calcule et surveille aux fins de l’impôt canadien. Les dividendes prévus au paragraphe 93(1) de la LIR visent à réduire l’impôt canadien sur les gains en capital autrement réalisés par les sociétés canadiennes (notamment pour les gains attribuables au revenu d’une filiale étrangère active dans un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale) dans l’optique de la neutralité des entrées de capitaux propre à la fiscalité des entreprises.
Les dividendes se rapportant au revenu sauf représentent un autre mécanisme du régime canadien d’imposition des sociétés fréquemment utilisé qui a été spécialement conçu pour réduire les gains en capital de manière acceptable. La notion de revenu sauf rappelle les dividendes du paragraphe 93(1), mais les dividendes réels ou réputés sont utilisés entre des sociétés canadiennes. Le concept de base est que, dans la mesure où les gains accumulés liés aux actions d’une société sont attribuables à des montants imposés pendant la période d’actionnariat concernée (il est question ici de bénéfices non répartis et non de gains accumulés sur un bien de la société qui n’ont pas été réalisés), le versement par ladite société canadienne d’un dividende exonéré d’impôt à son actionnaire pour réduire ses gains sur les actions du payeur du dividende n’est pas abusif. Lorsqu’une société a accumulé d’importants gains sur les actions d’une société canadienne ou étrangère, une partie ou la totalité de ces derniers peut être éliminée en vertu du paragraphe 93(1) de la LIR ou au moyen de dividendes de revenu sauf, réduisant ainsi le besoin de déclencher la réalisation des gains avant le 25 juin 2024
Il existe d’autres outils propres aux acquisitions de sociétés pour gérer les gains en capital de ces entités. Par exemple, une société canadienne qui fait l’acquisition de toutes les actions d’une société cible canadienne et procède à une liquidation ou à une fusion peut éliminer les gains accumulés mais non réalisés provenant d’immobilisations non amortissables (p. ex. des terres ou des actions) de la société cible. L’alinéa 88(1)(d) est un outil de grande valeur pour les acquéreurs cherchant à éviter d’hériter de gains accumulés existants provenant de biens détenus par une société canadienne.
De même, lors de l’acquisition du contrôle d’une société, ses pertes accumulées mais non réalisées sont réputées être réalisées, les rendant utilisables sans avoir à disposer des biens. Il existe plusieurs restrictions ou interdictions2 relatives aux pertes antérieures et postérieures à une acquisition de contrôle; une société dans cette situation peut faire un choix unique aux termes de l’alinéa 111(4)(e) de la LIR3 afin d’utiliser ses pertes (y compris celles qui sont réputées être réalisées) pour contrebalancer des gains provenant de biens (y compris ceux qui sont accumulés mais non réalisés). Une soigneuse planification avant une opération de F&A est donc de mise pour assurer que les gains et les pertes sont appliqués à la même entité et que les gains en capital qui seraient autrement réalisés sont éliminés.
Au bout du compte, les gains réalisés ne sont pas toujours soumis à l’impôt canadien. Notablement, les non-résidents sont généralement assujettis à cet impôt seulement sur les gains réalisés en lien avec des biens canadiens imposables (p. ex. des intérêts fonciers au pays ou des titres non cotés qui tirent principalement leur valeur de ces derniers). Même en présence de biens canadiens imposables, les non-résidents peuvent être exonérés de l’impôt canadien sur leurs gains en vertu d’une convention fiscale4 entre le Canada et le pays d’origine du contribuable. C’est pourquoi les opérations de F&A s’accompagnant d’un report d’impôts sont fréquemment structurées de manière à ce que l’impôt canadien soit reporté uniquement pour les résidents dont les gains en capital réalisés seront imposés au Canada.
Report de gains en capital
Lorsqu’il est impossible d’éliminer des gains, une option dans un contexte de F&A peut être de reporter leur reconnaissance (potentiellement pour une période indéfinie). Parmi les nombreux outils à la disposition des parties pour combler l’écart de valorisation dans des opérations de F&A, mentionnons l’échange d’actions à impôt différé, en vertu duquel un vendeur prêt à inclure les actions d’une société canadienne dans le prix de vente peut reporter des gains en capital5 autrement réalisés. En effet, la plupart des biens peuvent être transférés à une société canadienne avec report d’impôt aux termes du paragraphe 85(1) de la LIR en échange d’actions de l’acheteur. Même si l’acheteur n’est pas une société canadienne, une structure d’actions échangeables peut permettre un report d’impôt canadien similaire pour les contribuables autrement imposés. Selon la longueur du délai et la valeur temporelle de l’argent, un report prolongé aux termes d’un échange d’actions à imposition différée peut constituer une meilleure option que de payer ses impôts plus tôt à un taux d’inclusion des gains en capital moindre.
De même, les restructurations d’entreprise sont souvent admises à un impôt différé sans que des gains aient à être réalisés. Prenons comme exemple les scissions6 qui, à l’opposé des fusions, consistent en la division d’une société en deux. Selon les limites énoncées dans la LIR et la politique administrative de l’ARC, elles peuvent s’effectuer sans la réalisation de gains ou de pertes par la société ou les actionnaires (par contre, même s’il existe suffisamment d’attributs fiscaux et que l’opération est adéquatement structurée, une scission « imposable » ne s’accompagnera pas nécessairement d’un paiement d’impôt).
Contreparties conditionnelles
Les vendeurs dans des transactions comportant une clause de contrepartie conditionnelle doivent en examiner les modalités en tenant compte de leurs circonstances particulières. Dans certains cas, une clause de contrepartie conditionnelle inversée peut s’avérer préférable pour réaliser un gain à des fins fiscales avant le 25 juin, le paiement anticipé de l’impôt comptant comme le coût lié à l’application du taux d’inclusion plus bas. Dans d’autres cas où la contrepartie conditionnelle est répartie dans le temps et que la limite annuelle de 250 000 $ pour les particuliers peut être appliquée à une partie ou la totalité de celle-ci, le choix sera plus difficile à faire et il conviendra de mener une analyse plus approfondie. Pour les opérations terminées comprenant une clause de contrepartie conditionnelle toujours active, il se pourrait que les parties puissent négocier un résultat préférable au statu quo pour le vendeur.
Donc, que faire?
Les contribuables qui sont à peu près certains de disposer d’un bien en 2024 ou qui émigreront du Canada (ce qui donne lieu à une disposition réputée) au cours de l’année trouveront généralement – mais pas dans tous les cas – qu’il est plus avantageux de le faire avant le 25 juin si le fait d’attendre risque d’occasionner une imposition à un taux d’inclusion plus élevé. Échelonner ses gains dans le temps afin de tirer parti de la limite annuelle de 250 000 $ sera par ailleurs avantageux, tout comme se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital ou de l’incitatif aux entrepreneurs canadiens. Lorsqu’il serait profitable de déclencher la réalisation de gains en capital avant le 25 juin et irréaliste de procéder à une vente sans lien de dépendance, une opération avec lien de dépendance peut s’avérer une option intéressante. Bref, ce qu’il faut retenir est qu’il n’y a pas de solution qui convient à toutes les circonstances de manière universelle
Pour être en mesure de prendre une décision éclairée, les contribuables doivent se pencher sur leur propre situation et :
réfléchir à la possibilité d’autres modifications législatives et à la valeur temporelle de l’argent dans l’avenir (c.-à-d. l’avantage de reporter le paiement d’impôt);
examiner quels attributs fiscaux sont à leur disposition;
obtenir des conseils au sujet des meilleures options de planification (préférablement dans le cadre de discussions protégées par le secret professionnel).
Puisqu’il peut être assez laborieux de rassembler tous les faits requis dans une situation donnée (par exemple calculer la portion de revenu sauf d’un actionnaire de société) afin de prendre une décision éclairée qui tient compte de toutes les variables, ne perdez pas de temps.
Nous joindre
Si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter du nouveau taux d’inclusion des gains en capital, n’hésitez pas à communiquer avec le groupe Fiscalité de BLG ou l’une des personnes-ressources ci-dessous.