Le 31 juillet 2023, l’honorable juge Karen M. Rogers de la Cour supérieure (la « Juge ») a rejeté, au stade du fond, l’action collective intentée par M. Frédérick Duguay contre General Motors LLC et General Motors du Canada Ltée (« GM »).
M. Duguay alléguait que GM avait omis d’informer les consommateurs que la Volt, une voiture électrique munie à la fois d’une batterie et d’une génératrice à essence, pouvait consommer une quantité minime d’essence lors de températures ambiantes froides. À la suite de l’analyse des représentations, la juge a conclu que GM n’avait pas faussement représenté le fonctionnement de la Volt et a rejeté le recours.
Analyse
Dans son jugement, la Juge clarifie d’abord le fardeau de la preuve qui incombe au demandeur au stade du fond de l’action collective, puis poursuit avec son application pratique.
- Fardeau de la preuve dans une action collective au fond : Le demandeur doit faire la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs de la responsabilité, et ce à l’endroit de chacun des membres du groupe. L’action collective étant un moyen procédural, il ne crée aucun droit substantif : « le recours collectif ne pourra réussir que si chacune des réclamations prises individuellement justifiait le recours aux tribunaux1 ». En l’espèce, la preuve n’indiquait pas une expérience commune à l’ensemble des membres quant aux représentations reprochées.
- Les règles ordinaires de la preuve s’appliquent en action collective et la présomption de faits doit être grave, précise et concordante : Bien que le demandeur ne soit pas tenu de faire témoigner chacun des membres et puisse avoir recours à des présomptions, de telles présomptions ne doivent cependant pas être de pures hypothèses, de la spéculation, de vagues soupçons ou de simples conjectures. Comme en toute autre matière, les présomptions doivent être graves, précises et concordantes2.
- Prise de connaissance des représentations par les membres : En matière de représentations fausses ou trompeuses sous le régime de la Loi sur la protection du consommateur (LPC), il incombe au demandeur de prouver, sur une base individuelle, que les membres ont pris connaissance des représentations reprochées avant l’achat : « la simple existence de Brochures et du Site Web contenant les extraits cités […] ne peut, à elle seule, établir une présomption de prise de connaissance par les Membres du Groupe du message central3 ».
À la lumière de la preuve, la Juge statue que le « message central » n’est pas que la durée d’autonomie annoncée de la Volt serait exclusivement électrique et ininterrompue, lorsque considéré dans son ensemble. De plus, le demandeur n’a pas établi que l’ensemble des membres auraient pris connaissance de ce prétendu « message central » avant d’acheter la Volt. Finalement, cette fonctionnalité n’était pas un fait important pour les acheteurs de la Volt, qui étaient spécifiquement attirés par sa technologie unique, de sorte qu’il n’y a pas eu d’omission. La Juge rejette donc, au fond, l’action collective.
Commentaire
L’affaire Duguay est un jugement fort important en matière d’actions collectives. Il s’agit d’un jugement de principe qui précise et détaille le cadre d’analyse du fardeau de la preuve d’un demandeur dans le cadre d’une action collective au fond, dont notamment le cadre d’application des présomptions. Il vient notamment préciser que chacun des membres doit avoir pris connaissance de la représentation.
1 Bou Malhab, par. 52 cité au par. 66.
2 Par. 71-72.
3 Par. 83.