Le 5 février 2024, le Conseil de l’innovation du Québec a déposé le rapport Prêt pour l’IA : Répondre au défi du développement et du déploiement responsables de l’IA au Québec. Ce rapport découle d’un exercice de consultation, notamment auprès de 250 experts et membres de la société civile.
Recommandations pour une IA responsable au Québec
Le rapport aborde les enjeux et les possibilités que soulève l’IA. Il avance une série de recommandations dont 12 principales appuyées par 25 complémentaires visant à assurer le développement et l’utilisation responsable de cette technologie au Québec autour de 5 grands axes : encadrer, anticiper, former, propulser et positionner.
Le rapport souligne que l’évolution de l’IA ne peut se faire en l’absence d’un cadre juridique approprié. Cependant, il constate que les normes juridiques existantes sont souvent difficiles à appliquer dans le domaine de l’IA, et que le cadre juridique actuel présente des lacunes face aux avancées technologiques. Il dénonce les conséquences néfastes du laisser-faire des dernières années, telles que la désinformation, la discrimination et la surveillance, qui pourraient s’aggraver à l’avenir.
Encadrer l’IA avec une loi québécoise
Pour répondre aux risques posés par l’IA, le rapport recommande que le Québec adopte une loi-cadre spécifiquement dédiée à encadrer le développement et le déploiement de l’IA, s’inspirant des principes de la Déclaration de Montréal. À l’instar de l’approche préconisée par le fédéral et l’Union européenne, cette législation serait basée sur la sévérité des risques associés aux systèmes d’IA. Cette loi viserait à établir des normes pour l’utilisation des systèmes d’IA tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Elle serait gérée par une autorité indépendante, qui aurait également le rôle de conseiller et d’élaborer des règlements pour sa mise en œuvre. Le rapport souligne l’importance de l’engagement citoyen dans l’élaboration du cadre réglementaire.
Alors que la Loi sur l’intelligence artificielle et les données proposée par le gouvernement fédéral dans le projet de loi C-27 ne s’appliquerait qu’aux entreprises privées dans le cadre d’échanges et de commerce internationaux et interprovinciaux, la loi québécoise sur l’IA aurait une portée suffisamment large pour que celle-ci s’applique à la fois aux organismes publics, aux organisations du secteur privé et aux particuliers, peu importe qu’ils agissent à titre de développeurs, de distributeurs ou d’utilisateurs de systèmes d’IA.
Voici un sommaire des recommandations principales qui figurent dans le rapport Prêt pour l’IA.
ENCADRER l’IA et assurer une gouvernance agile |
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RP-1 |
Lancer sans tarder les travaux qui mèneront à l’adoption d’une loi-cadre spécifiquement dédiée à encadrer le développement et le déploiement de l’IA dans la société. |
RP-2 |
Déléguer la responsabilité d’assurer l’application de la loi-cadre, ainsi que le pouvoir de recommander et d’élaborer des règlements relatifs à sa mise en œuvre, à une autorité indépendante du pouvoir exécutif. |
ANTICIPER les changements induits par l’IA et y adapter les institutions québécoises |
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RP-3 |
Lancer rapidement un chantier de révision et de modernisation du droit du travail et des politiques sociales pour s’assurer qu’ils tiennent compte de l’évolution technologique rapide de l’IA. |
FORMER la nation afin que tous les Québécois profitent de l’IA et pour favoriser une adoption responsable de l’IA |
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RP-4 |
S’assurer de l’adaptation des programmes d’enseignement de la maternelle à l’université, afin d’accroître la capacité des étudiants à utiliser l’IA efficacement, et à exercer leur pensée critique à son égard. |
RP-5 |
Mettre rapidement en place un programme de formation des formateurs qui permet aux organismes d’intermédiation du Québec, aux centres collégiaux de transfert technologique (CCTT), aux ordres professionnels ou à d’autres acteurs de ce genre de disposer des ressources humaines dont ils ont besoin pour accélérer la mise à niveau des connaissances en IA des travailleurs et des organisations du Québec. |
PROPULSER la recherche et le développement en IA et faire de nos chercheurs et entrepreneurs des leaders responsables de l’IA |
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RP-6 |
Assurer l’excellence du réseau de recherche québécois en IA en investissant de manière significative dans des travaux de recherche et de mobilisation des connaissances de qualité dans les divers domaines de l’IA. |
RP-7 |
Offrir un soutien accru pour aider les entreprises à se distinguer dans le marché émergent du développement responsable de l’IA afin de leur permettre de développer et de commercialiser des outils qui serviront spécifiquement à : encadrer le fonctionnement de l’IA; accroître la sûreté et la fiabilité de cette technologie; évaluer la robustesse ou la qualité des produits et services propulsés par l’IA; certifier les systèmes d’IA conçus par les entreprises, etc. |
RP-8 |
Augmenter la puissance de calcul à laquelle les acteurs de l’écosystème québécois de l’IA ont accès, en appuyant les acteurs locaux qui développent le réseau d’infrastructures québécoises, et en soutenant activement la création d’un organisme de collaboration international dédié à la recherche en IA – un « CERN » de l’IA –, dont l’un des chapitres serait installé au Québec. |
RP-9 |
Soutenir le développement d’une banque de données culturelle québécoise de haute qualité, en français et en langues autochtones. |
RP-10 |
Élaborer une véritable stratégie nationale pour valoriser les données numériques du privé, de la recherche, de l’administration publique et de la société civile afin de favoriser le partage des données entre ces secteurs. |
POSITIONNER l’État québécois en leader et modèle dans le domaine de l’IA |
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RP-11 |
Lancer dès maintenant le programme « IA pour le Québec » en mettant à la disposition des ministères, des organismes publics, des sociétés d’État et des municipalités, une enveloppe budgétaire d’envergure dédiée à la planification et à la mise en œuvre responsables de projets en IA hautement stratégiques. |
POURSUIVRE le travail |
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RP-12 |
Créer sans délai un comité de pilotage transitoire sur la gouvernance de l’IA afin de poursuivre les travaux visant à encadrer adéquatement l’IA et mettre en place les conditions propices à l’intégration réussie de l’IA dans la société québécoise. |
À la lumière des enjeux importants soulevés par l’utilisation de l’IA dans la société, il faut saluer la démarche rigoureuse menée par le Conseil de l’innovation du Québec afin de tracer les contours d’un cadre juridique spécifique à l’IA au Québec. L’arrivée d’une nouvelle proposition de législation va toutefois créer des défis d’interopérabilité avec les autres projets de loi en matière présentement à l’étude dans différentes juridictions. Les entreprises qui souhaitent tirer profit du potentiel de l’IA ont intérêt à suivre ces développements législatifs de prêt.
Les auteurs remercient Cléa Jullien, stagiaire en droit, pour son aide dans la rédaction de ce bulletin.