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Perspectives

Refonte du droit canadien de la concurrence

Les lois antitrust et sur la concurrence au Canada vont bientôt connaître des changements « générationnels » susceptibles d’avoir une forte incidence sur les entreprises de tous les secteurs de l’économie et de déboucher sur des normes sensiblement différentes de celles appliquées dans d’autres pays.

Les changements à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») sont entrés en vigueur le 27 novembre 2023 dans la foulée de la publication de l’Énoncé économique de l’automne. Ils s’ajoutent à d’autres changements déjà proposés dans le projet de loi C-56, qui est en cours d’examen par une commission parlementaire. La commission parlementaire a ensuite adopté d’autres dispositions importantes le 30 novembre.

Ce que vous devez savoir

Les entreprises qui exercent leurs activités au Canada ou qui envisagent de s’y implanter doivent comprendre un certain nombre de changements législatifs importants, dont l’adoption ne laisse presque plus place au doute. Nous préparons une série d’articles sur les principales répercussions potentielles de ces changements :

  • Pour la première fois, des parties privées pourront intenter une action devant le Tribunal de la concurrence pour demander des dommages-intérêts au civil pour des comportements non criminels tels que l’abus de position dominante (qui s’apparente à une situation de monopole), le refus de vente, les ventes liées, les collaborations entre concurrents ne relevant pas de l’association de malfaiteurs et les pratiques commerciales trompeuses non criminelles (notamment les plaintes pour écoblanchiment). En outre, il sera plus facile pour les parties privées d’établir le bien-fondé de telles causes.
    • Ce changement fait suite aux critiques selon lesquelles l’absence de hausse importante du nombre d’affaires de ce type s’expliquait par le fait que les récentes dispositions permettant aux parties privées de saisir le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal») ne prévoyaient pas la possibilité de demander des dommages-intérêts. Ce changement pourrait entraîner une forte augmentation du nombre de litiges civils en matière de concurrence au Canada.
  • Le critère de l’abus de position dominante sera modifié de manière à accroître considérablement la probabilité qu’une plainte aboutisse. Les parties n’auront ainsi plus l’obligation de prouver qu’un acteur dominant a entravé ou amoindri sensiblement la concurrence sur un marché, ce qui a toujours été une condition essentielle; il sera désormais possible de le faire juger responsable uniquement de s’être livré à des actes anticoncurrentiels, indépendamment de leurs effets.
    • Par ailleurs, les sanctions pécuniaires minimales augmenteront également, passant à 25 M$ pour une première infraction et à 35 M$ pour toute infraction subséquente, et s’ajouteront aux dommages-intérêts octroyés au civil en vertu de la nouvelle disposition.
  • La période de contestation des fusions non soumises à déclaration au Bureau de la concurrence (le « Bureau») sera trois fois plus longue, passant d’un an à trois ans après leur clôture.
    • Cette mesure vise probablement à apaiser les inquiétudes concernant les acquisitions anticoncurrentielles, c’est-à-dire les transactions par lesquelles une entreprise achète de concurrents prometteurs avant qu’ils ne deviennent une réelle menace. Pour certaines transactions non soumises à déclaration au Bureau, les parties devront se demander s’il est judicieux de solliciter préventivement une autorisation afin d’éviter cette période prolongée.
  • Pour la première fois également, des pénalités financières et/ou des dommages-intérêts au civil pourront s’appliquer à des parties privées dans le cadre d’accords qui nuisent à la concurrence, mais qui n’atteignent pas l’échelle d’un cartel, y compris les accords purement verticaux. Ainsi, il sera possible de faire obstacle aux accords qui n’incluent aucun concurrent réel ou potentiel et dont un élément important a pour objet d’empêcher ou de réduire la concurrence. Auparavant, ces comportements ne pouvaient ouvrir droit à des sanctions pécuniaires ni à des dommages-intérêts.
    • Cela permettra d’apaiser les préoccupations du public concernant les clauses restrictives des contrats de location de certains détaillants, qui restreignent la capacité des propriétaires à louer à des concurrents de ces détaillants. Il est difficile de prévoir les effets de ce changement, mais il est clair que les entreprises devront en tenir compte dans la négociation de leurs accords avec d’autres entités à différents paliers de la chaîne d’approvisionnement.
  • Pour la première fois, la Loi prévoira des dispositions précises destinées à appuyer le « droit à la réparation » des appareils et des produits par les consommateurs. La disposition relative au refus de vente sera mise à jour afin d’interdire aux parties de refuser de fournir un moyen de diagnostic ou de réparation d’un produit, ce qui comprend les données de diagnostic et de réparation, les mises à jour techniques, les logiciels et outils de diagnostic, ainsi que la documentation connexe et les pièces de rechange.
    • Si l’on ajoute à cela les modifications décrites ci-dessus, qui ouvrent la porte à davantage de recours privés, de sanctions pécuniaires et de dommages-intérêts au civil, les fabricants de toute une gamme de produits, de la technologie aux machines agricoles, devront étudier soigneusement les éléments susceptibles de porter atteinte au droit à la réparation.

Il ne s’agit là que des grandes lignes puisque d’autres changements ont déjà été proposés. L’ensemble des changements entreront probablement en vigueur au début 2024.

Conclusion

Les modifications n’auront pas les mêmes effets sur toutes les entreprises, mais elles sont pratiquement toutes concernées. Outre les nouvelles perspectives qui pourraient se présenter dans certains secteurs, il y aura de nouveaux risques et éléments à prendre en considération dans les pratiques commerciales existantes. Dans les prochaines semaines, nous publierons une série d’articles plus exhaustifs sur ces changements importants et leur incidence.

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