Cet article a été rédigé d’après le séminaire sur l’industrie automobile de BLG tenu le 21 septembre 2023, auquel ont assisté tant des représentant·es de fabricants d’équipements d’origine que des ingénieur·es de systèmes énergétiques.
Les secteurs de l’énergie et de l’automobile ont tous deux subi d’importantes mutations qui ont ouvert de nouvelles perspectives d’intégration et de collaboration. Dans cet article, nous explorons les interrelations grandissantes entre ces deux secteurs, tout particulièrement sous les angles de la réglementation sur l’énergie propre, des initiatives de décarbonation, des mesures incitatives connexes ainsi que du rôle des VE. Nous nous sommes fondés sur l’échange entre Sarah Diebel de BLG, Dave Devereaux, directeur, Planification des ressources pour la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de l’Ontario, et Bonnie Hiltz, vice-présidente et cheffe de groupe, Énergie de Sussex Strategy. Leur discussion met en lumière l’interdépendance de ces secteurs et aide à déterminer si le réseau d’électricité canadien est prêt à prendre le même virage que le secteur automobile.
La révolution de l’énergie propre
À l’heure de l’écoresponsabilité, les gouvernements gravent dans leurs politiques d’ambitieux objectifs de décarbonation, tandis que la demande des consommateurs entraîne l’accélération des investissements dans l’écotechnologie.
L’interconnexion toujours plus grande des secteurs de l’énergie et de l’automobile est notamment due à la révolution de l’énergie propre. De nouveaux règlements fédéraux – visant tout particulièrement la décarbonation, sujet d’importance grandissante dans des provinces comme l’Ontario – forcent ces deux secteurs à adopter des pratiques plus propres et plus durables. Cette évolution progressive aura de multiples répercussions, tant dans la sphère industrielle que dans le quotidien des consommateurs.
Parmi les objectifs de décarbonation du gouvernement du Canada, deux cibles font couler beaucoup d’encre, à savoir :
- la production d’électricité carboneutre d’ici 2035;
- l’économie carboneutre d’ici 2050.
Pour les atteindre, il faudra au pays de nouveaux investissements soutenus dans les VE, notamment au moyen de mesures incitatives et de subventions. Cela ne manquera pas de se répercuter sur les secteurs de l’automobile et de l’énergie, qui s’en trouveront autant perturbés que transformés. Mais quelle sera l’incidence d’un nombre grandissant de VE pour le réseau électrique lui-même? Et quelles conséquences les VE auront-ils sur la décarbonation?
La décarbonation et l’univers des VE
David Devereaux voit la SIERE comme l’équivalent d’un contrôleur aérien pour le système énergétique de l’Ontario, surveillant le réseau de distribution en temps réel pour qu’il puisse toujours répondre à la demande. En plus d’être des sources d’énergie stables, les systèmes électriques interconnectés, comme le vaste réseau d’électricité nord-américain, permettent l’achat et la vente d’électricité entre les régions.
La SIERE, dans son rôle de planificatrice et d’opératrice du marché ontarien de l’électricité, publie ses prévisions annuelles dans lesquelles elle présente notamment son estimation détaillée de l’offre et de la demande d’électricité pour les 20 prochaines années.
On s’attend à voir augmenter la demande d’électricité de près de 2 % chaque année, entre autres à cause de la croissance de la population, des initiatives axées sur les gaz à effet de serre et sur la transition vers les VE. La majeure partie de cette demande additionnelle prévue sera attribuable à la recharge des VE, qui se chiffre actuellement à moins de 0,5 %, mais qui devrait atteindre 15 % de la consommation énergétique annuelle de l’Ontario d’ici 2042. Cela nécessitera une profonde transformation des infrastructures et fera émerger de nouvelles tendances de consommation énergétique résidentielle aussi bien que commerciale.
Pourquoi le secteur automobile se soucie-t-il de l’électricité?
Selon Bonnie Hiltz, l’entrecroisement des politiques publiques et de celles touchant l’électricité se trouve accru par les besoins en énergie propre. Les fabricants automobiles voient eux aussi le réseau électrique d’un nouvel œil. Auparavant, ils se souciaient de la fiabilité et de l’abordabilité de l’électricité, tandis que maintenant, c’est l’empreinte carbone de la production électrique qu’ils ont en tête, se tournant de plus en plus vers des sources carboneutres.
Bien que le Canada dispose d’un réseau énergétique propre si on le compare avec celui de la plupart des pays, certaines de ses provinces font exception et dépendent plus fortement que les autres des combustibles fossiles. Dans ces provinces, la décarbonation pose des défis uniques.
Le secteur automobile joue un rôle crucial en matière de décarbonation, puisqu’il favorise la transition vers des sources d’électricité propres et fiables pour les véhicules qu’il fabrique. Toutefois, ces véhicules ne sont pas les seuls à consommer de l’électricité. Ainsi, la décarbonation de processus fonctionnant pour le moment grâce aux combustibles fossiles nécessitera de trouver de nombreuses solutions transformatives.
Pour soutenir la cadence de l’évolution qui sera nécessaire à la transition vers les VE et à l’atteinte des objectifs généraux de carboneutralité, il faudra pouvoir compter sur des mesures incitatives et des subventions harmonisées à l’échelle des secteurs de l’électricité et de l’automobile ainsi que des provinces et territoires. Et pour accélérer la métamorphose des chaînes d’approvisionnement et des services actuels, il faudra des investissements continus de la part des fabricants et des fournisseurs autant que des prêteurs, des concessionnaires de VE, des distributeurs d’énergie et des exploitants de bornes de recharge.
Qu’est-ce qui attend les secteurs de l’énergie et de l’automobile?
Dans son dernier rapport sur les perspectives du marché mondial des VE (en anglais seulement), l’International Energy Agency indique que plus de 10 millions de VE ont été vendus dans le monde en 2022 et s’attend à ce que ce chiffre atteigne 14 millions en 2023, soit une augmentation de 35 %.
La transition vers les VE cause une transformation sectorielle inédite, aussi rapide que complexe. Les sphères de l’énergie, de l’infrastructure, de la mobilité et de l’automobile étant plus interreliées que jamais, leurs acteurs devront tous relever les défis et saisir les occasions que présenteront les règlements sur l’énergie propre et les efforts de décarbonation. Pour atteindre les objectifs de décarbonation fédéraux et assurer un avenir sain et durable, ils devront aussi impérativement collaborer, innover et s’adapter.
Les intervenants, les fournisseurs, les prêteurs et les exploitants doivent donc être prêts à investir dans de nouvelles infrastructures et à s’adapter à un écosystème qui évolue à vive allure.