Le 5 octobre 2023, le lieutenant-gouverneur du Québec a sanctionné le projet de loi 29, la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens (la « Loi »), qui modifie la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») du Québec. Bien que ce projet de loi n’ait été déposé qu’en juin 2023, un certain nombre de consultations avec des intervenants spécifiquement invités par le gouvernement ont eu lieu en septembre, ce qui a conduit à une adoption très rapide.
La généreuse protection déjà offerte aux consommateurs par la LPC a ainsi été élargie. En outre, les concepts de durabilité et de préservation de l’environnement ont été au cœur de la préparation de cette importante réforme législative.
Si certaines dispositions sont entrées en vigueur le jour de la sanction, la plupart des modifications seront mises en œuvre au cours des trois prochaines années.
Accent sur les appareils électroniques, les électroménagers et le secteur automobile, sans s’y limiter
Voici les mesures clés de la Loi.
- Droit de réparer et disponibilité des pièces de rechange : La Loi prolonge la période raisonnable d’obligation de disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation prévue par la LPC. De plus, les renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation de biens, y compris, le cas échéant, les logiciels de diagnostic et leurs mises à jour, devront désormais être à la disposition du consommateur et des tiers, y compris ceux du marché secondaire. Cette disposition entrera en vigueur le 5 octobre 2025.
- La fin de l’obsolescence programmée : La Loi interdit à quiconque de fabriquer, de distribuer ou de vendre des biens dont l’obsolescence est programmée, par quelque moyen que ce soit. L’obsolescence d’un bien est considérée comme programmée lorsque celui-ci fait l’objet d’une technique visant à réduire sa durée normale de fonctionnement. Cette obligation s’applique à tous les biens, y compris les outils technologiques tels que les cellulaires et les logiciels, ce qui pourrait s’avérer problématique, car souvent, les fabricants de ces produits annoncent une date à partir de laquelle ils ne seront plus mis à jour ni pris en charge. Cette disposition est en vigueur depuis le 5 octobre 2023.
- Création d’une garantie légale de bon fonctionnement : La Loi introduit une garantie légale de bon fonctionnement pour certains appareils et produits électroniques, notamment les électroménagers, les climatiseurs, les cellulaires et les ordinateurs; ceux-ci devront donc rester entièrement opérationnels pendant une période donnée. Cette durée sera déterminée dans les prochains mois et dépendra du type de produit.
Cela signifie que si la garantie de bon fonctionnement pour un appareil est de cinq ans, le commerçant et le fabricant seront tenus de réparer l’appareil ou de rembourser les frais liés aux réparations effectuées par des tiers s’il brise au cours des cinq premières années suivant son achat initial. Tout comme dans le cas de la garantie légale de qualité déjà en place, une utilisation abusive par le consommateur et l’entretien normal du produit ne sont pas couverts par la garantie de bon fonctionnement.
Cette garantie aura une forte incidence sur le traitement des réclamations des consommateurs puisque sa durée sera fixe, contrairement à celle de la garantie de qualité actuelle, qui dépend d’un certain nombre de facteurs, dont le prix du produit.
- Loi anticitron pour les véhicules gravement défectueux : Depuis le 5 octobre 2023, les consommateurs qui possèdent ou louent à long terme une automobile ont le droit de demander à un tribunal de la déclarer « gravement défectueuse » lorsqu’un certain nombre de tentatives de réparation ont été atteintes, à savoir :
- i) trois tentatives infructueuses pour une même défectuosité;
- ii) une ou deux tentatives infructueuses pour une même défectuosité lorsque le commerçant ou le fabricant chargé d’exécuter la garantie a eu l’automobile en sa possession pendant plus de 30 jours;
- iii) douze tentatives pour des défectuosités non liées entre elles.
Un véhicule déclaré gravement défectueux sera considéré comme touché par un vice caché, ce qui signifie qu’un recours pourra être intenté contre le fabricant ou le commerçant pour annuler le contrat de vente ou de location à long terme, par exemple, et/ou pour obtenir des dommages-intérêts compensatoires. Si la garantie de qualité offre déjà cette possibilité aux consommateurs, ces nouvelles règles leur simplifient la tâche.
- Normes techniques et de fabrication : La Loi confère de nouveaux pouvoirs réglementaires au gouvernement. Ce dernier pourra entre autres adopter des règlements qui établiront les normes techniques et de fabrication des biens, y compris celles permettant d’assurer une interopérabilité entre un bien et un chargeur (comme l’a récemment fait l’Union européenne pour les cellulaires).
Des amendes et des sanctions administratives pécuniaires pourraient être imposées aux commerçants et aux fabricants, sans oublier que les consommateurs auront toujours la possibilité d’intenter des recours civils.
Point à retenir : le moment de revoir vos pratiques commerciales est opportun
La Loi comprend une série de nouvelles obligations et d’interdictions et s’appuie sur la voie réglementaire pour définir certains de ses aspects essentiels, notamment la durée d’une garantie de bon fonctionnement. Son incidence sur les commerçants et les fabricants se précisera au cours des prochaines années lorsque les règlements auront été adoptés et que ses différentes dispositions entreront en vigueur. Par contre, les fabricants qui vendent leurs produits au Québec devraient déjà revoir minutieusement leurs politiques et programmes de garantie pour se conformer à la Loi (et surveiller l’adoption des prochains règlements).
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