La vente au détail de psilocybine, mieux connue sous le nom de « champignons magiques », fait couler beaucoup d’encre au Canada ces derniers temps. Forcément, les employeurs sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur la voie à prendre en cas de consommation ou de simple possession de psilocybine sur les lieux de travail. Cet article fournit la réponse à cinq questions que se posent des employeurs de partout au Canada sur le sujet.
Vente au détail de champignons magiques au Canada : état des lieux
Les adeptes de la consommation de champignons magiques soutiennent entre autres qu’elle leur permet de réfléchir avec davantage de clarté. Si la consommation de psilocybine ne représente pas un phénomène nouveau, la substance semble être sortie de l’ombre au cours des dernières années en sol canadien.
On recense en Ontario, plus précisément à Ottawa, au moins un établissement de vente au détail de champignons magiques ayant pignon sur rue. Au Québec, un commerce similaire à Montréal a vu se multiplier les perquisitions policières dès ses premières heures d’ouverture au cours de l’été 2023, s’attirant par ailleurs une vaste couverture médiatique. Quant à la vente en ligne de psilocybine à des fins récréatives ou de « microdosage », soit l’ingestion d’une petite dose de la substance en automédication, elle compterait déjà pour sa part de nombreux adeptes.
Ainsi, bien que la vente, l’achat et la possession de psilocybine soient illégaux au Canada, le produit semble gagner en popularité; il fait même l’objet de panneaux publicitaires dans certaines villes canadiennes. Tout comme le cannabis avait connu une période de banalisation avant sa légalisation, il n’est pas exclu que des personnes salariées croient en ce moment – à tort – que la possession ou la consommation de champignons magiques soit légale, y compris en milieu de travail.
Questions des employeurs devant un phénomène appelé à prendre de l’ampleur
Il peut être difficile pour les employeurs canadiens de bien appréhender l’incidence d’une consommation grandissante de champignons magiques, voire de réussir à la déceler. Afin d’y voir plus clair, les cinq questions ci-dessous mettront les employeurs sur la bonne piste.
1. Quels sont les effets liés à la consommation de psilocybine?
La psilocybine affiche une composition chimique similaire à celle de la sérotonine, le neurotransmetteur du bonheur. Elle présente en outre des propriétés hallucinogènes.
Santé Canada répertorie plusieurs symptômes liés à la consommation de psilocybine. À court terme, la personne qui en a consommé peut ressentir une certaine euphorie entraînant des rires incontrôlables, mais aussi de possibles hallucinations, de la peur ou de la paranoïa; elle peut également paraître confuse ou désorientée, ou devenir sujette à des attaques de panique1.
Les effets des champignons magiques débutent habituellement entre 15 et 45 minutes après la consommation et durent généralement de 4 à 6 heures.
Il faut savoir que les produits sont majoritairement ingérés sous forme solide (soit un comprimé ou un produit séché et broyé) ou en infusion (comme une tisane), mais qu’ils peuvent aussi être reniflés (sous forme de poudre). En revanche, l’injection de tels produits s’avère toxique et constitue une urgence médicale extrême, puisqu’elle peut causer un choc septique ou une défaillance polyviscérale.
2. Quels sont les signes observables de consommation sur les lieux du travail?
En sus des effets décrits précédemment sur le plan psychologique et cognitif, sur le plan physique, la personne pourra présenter des étourdissements, des spasmes ou des convulsions, un rythme cardiaque accru, des sueurs, des engourdissements, une dilatation des pupilles, une perte de coordination, ou même une perte de contrôle urinaire. Les signes observables ne sont donc pas nécessairement spécifiques à la consommation de cette substance.
Compte tenu de ces effets, la consommation de champignons magiques se veut difficilement compatible avec l’exercice de divers postes en milieu de travail, particulièrement dans le cas de métiers à hauts risques impliquant le maniement d’outils de précision, le travail en hauteur ou la conduite de véhicules motorisés.
Par ailleurs, un dosage identique n’aura pas le même effet d’une variété de champignon à l’autre, ni même d’un champignon individuel à un autre appartenant à la même variété, si bien qu’il n’est pas simple pour l’utilisateur d’anticiper les effets de la psilocybine d’après la dose ingérée. En raison de la durée prolongée des effets, une consommation durant les heures de repos d’une personne salariée peut néanmoins interférer avec sa prestation de travail.
Enfin, une personne peut s’intoxiquer gravement en consommant des produits qui s’apparentent aux champignons magiques ou leur ressemblent, mais en réalité n’en sont pas.
En ce qui concerne les effets à long terme, aucune étude n’a encore été réalisée afin de mesurer l’incidence de la consommation de psilocybine sur une période prolongée. Actuellement, les études n’indiquent pas que la consommation de champignons hallucinogènes entraîne une dépendance physique, mais une consommation soutenue pourrait en revanche entraîner une dépendance psychologique. Plusieurs consommateurs semblent développer une tolérance à la substance, ce qui implique une consommation croissante afin d’atteindre l’effet recherché.
Quant au microdosage, il implique des quantités moindres (soit d’environ 100 mg), c’est-à-dire approximativement un dixième de la dose régulière, ce qui selon ses adeptes ne serait pas suffisant pour engendrer les effets psychoactifs courants, mais contribuerait à diminuer les symptômes d’anxiété et de dépression. Les doses seraient alors espacées de quelques jours.
3. Comment reconnaître les produits?
Les produits sont majoritairement vendus sous forme de champignons séchés, mais voyant que ces derniers peuvent être consommés de plusieurs façons, leur possession ne sera pas nécessairement facilement détectable en milieu de travail. Des utilisateurs pourraient s’en servir pour infuser du miel, de l’huile ou du thé, par exemple, ou en faire un ingrédient de leur risotto.
4. La psilocybine a-t-elle des effets thérapeutiques?
Alors que la substance a longtemps été consommée à des fins récréatives, son usage thérapeutique est présentement à l’étude afin de bien évaluer le potentiel de la psilocybine comme solution partielle à des problèmes de dépendance, de dépression et de stress post-traumatique. Ces essais cliniques, appelés psychothérapies assistées par psychédéliques, ont été autorisés au Canada depuis les dernières années seulement et sont réalisés dans un cadre strict.
Ainsi, il n’est pas exclu qu’une personne salariée prenne part à un tel protocole de recherche, consommant de la psilocybine à des fins médicales.
5. Que devraient faire les employeurs face à la montée en popularité de la psilocybine?
Afin de gérer en amont une présence croissante des champignons magiques sur le marché canadien, il est fortement recommandé aux employeurs de réviser leur politique en matière de drogue, alcool et autres substances similairesafin de s’assurer que la possession, la consommation et la vente de telles substances sur les lieux du travail soit clairement prohibées. Il devrait en être ainsi tant que la substance demeurera illégale.
Actuellement, la culture, la production, la possession, l’achat et la vente de champignons magiques sont tous illégaux. Les employeurs devraient donc s’assurer que de tels produits ne se trouvent pas sur les lieux de travail, même si une personne salariée n’avait pas l’intention d’en consommer.
Les politiques de l’employeur devraient requérir que tout employé ou travailleur autonome qui s’est vu prescrire de la psilocybine ou du cannabis à des fins médicales en informe le département des ressources humaines le plus tôt possible, afin que l’employeur puisse évaluer si une telle consommation est compatible avec les fonctions de la personne salariée, en sollicitant l’avis de professionnels de la santé. L’employeur peut ainsi intervenir auprès du professionnel prescripteur afin que l’horaire de prise n’interfère pas avec l’exercice des fonctions, le cas échéant. Il devrait également s’assurer que cet usage est bel et bien sans danger pour la santé et la sécurité de la personne salariée, mais aussi des personnes qui l’entourent.
Communiquez avec nous
Pour toute question concernant cet article ou la gestion en général de substances psychoactives en milieu de travail, n’hésitez pas à communiquer avec l’autrice ou l’un·e des membres de notre groupe Droit du travail et de l’emploi.
L’autrice remercie Leila Zaouali, étudiante en droit, pour son apport à la rédaction de cet article.
1 Psilocybine et psilocine (champignons magiques) - Canada.ca