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Perspectives

F&A transfrontalières : 8 nouveaux conseils pour les acheteurs internationaux qui font des affaires au Canada

Une opération de fusion ou d’acquisition transfrontalière est complexe et comporte son lot de risques, mais une bonne planification — guidée par des conseillers expérimentés — permet d’éviter bien des soucis. Nos 10 premiers conseils pour les professionnels américains réalisant des opérations privées de fusion et d’acquisition au Canada concernaient, entre autres, les bénéfices fiscaux d’une clause d’indexation sur les bénéfices futurs « inversée » et les particularités de l’assurance déclarations et garanties. Cette fois, nous vous expliquons notamment les désavantages de la constitution sous le régime des lois fédérales, les nouveaux risques associés au projet de loi no 64 du Québec (aussi connu sous le nom de loi 25) et certains aspects de la Loi sur la concurrence du Canada.

1. Soupesez le pour et le contre d’une constitution sous le régime des lois fédérales

Au Canada, une entreprise peut se constituer en société sous le régime des lois fédérales ou de celles d’une province ou d’un territoire. Contrairement aux États-Unis, où le Delaware est largement reconnu comme étant l’État de choix pour constituer une société, au Canada, il n’y a pas de territoire de compétence qui soit plus favorable aux entreprises que les autres. Le choix entre les lois provinciales ou fédérales dépend des circonstances de chaque cas.

L’un des principaux attraits du régime fédéral est l’approbation et la protection du nom de la société à l’échelle nationale, plutôt qu’à l’échelle provinciale ou territoriale. Pour les multinationales, une société fédérale peut représenter un sceau supplémentaire ou être plus facile à concevoir pour les partenaires à l’international.

Toutefois, le régime de constitution fédéral comporte un inconvénient important, particulièrement dans le contexte d’une fusion ou d’une acquisition transfrontalière : au moins 25 % des administrateurs (ou au moins un administrateur si la société en compte moins de quatre) doivent être des résidents canadiens. Cette exigence peut être difficile à respecter pour les entreprises étrangères qui n’ont pas de présence au Canada. Six provinces, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, n’ont aucun critère à cet égard. Elles sont par conséquent souvent attrayantes pour les parties qui n’ont pas déjà des liens avec le Canada.

2. N’oubliez pas la législation canadienne anti-pourriel

La Loi canadienne anti-pourriel (LCAP) établit l’un des régimes anti-pourriel les plus complets et les plus sévères au monde. Elle préconise une approche différente de celle de la législation américaine, laquelle exige simplement que les destinataires de messages électroniques commerciaux (MEC) puissent refuser de continuer à en recevoir, en stipulant que des MEC peuvent être envoyés uniquement aux personnes qui ont choisi de les recevoir.

Dans le contexte d’une fusion ou d’une acquisition transfrontalière, l’acquéreur d’une cible canadienne pourrait se retrouver avec des difficultés de conformité après la clôture s’il n’a pas la structure nécessaire pour respecter les exigences de la LCAP. Les acheteurs étrangers sont aussi exposés à des risques de litige et des risques liés à la réglementation dont ils ne saisissent peut-être pas la pleine portée. Pour les atténuer, ils doivent mener une vérification diligente complète sur les pratiques de leur cible en matière de communications électroniques, s’assurer que les documents de l’opération prévoient des dispositions qui répartissent correctement les risques liés à la LCAP et adopter sans tarder des pratiques pour répondre aux exigences de la loi après la clôture.

3. Gérez judicieusement les risques liés à la vie privée et les cyberrisques

On ne pourra jamais trop insister sur l’importance de la protection de la vie privée et de la cybersécurité dans les opérations commerciales d’aujourd’hui. Le fait de négliger ces aspects dans une opération de fusion ou d’acquisition peut avoir de lourdes conséquences financières et même faire tomber une entente à l’eau, comme l’illustre ce triste exemple. Les parties à une telle opération doivent garder un œil attentif sur la législation canadienne en matière de données et de cybersécurité, car elle évolue rapidement.

Un exemple parfait : le projet de loi no 64 (aussi appelé loi 25), Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, récemment adopté au Québec, apporte des modifications importantes aux règles encadrant la protection de la vie privée dans la province, les rapprochant du Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne. Le nouveau régime s’applique non seulement aux entités du secteur privé établies au Québec, mais aussi à celles d’ailleurs dont les activités impliquent les renseignements personnels de résidents du Québec.

Parmi les nombreuses incidences qu’aura le projet de loi no 64 dès septembre 2023, notons les sanctions administratives pécuniaires, qui peuvent aller jusqu’à 10 millions de dollars canadiens ou, si cette somme est plus élevée, deux pour cent du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise fautive. Pour d’autres infractions, les amendes peuvent atteindre 25 millions de dollars canadiens, ou quatre pour cent du chiffre d’affaires mondial. La nouvelle loi a aussi créé un droit privé d’action permettant aux personnes dont les droits ont été lésés de demander des dommages-intérêts punitifs.

Vu ces changements, il est plus important que jamais de bien faire ses devoirs en ce qui a trait aux risques pour la vie privée et aux cyberrisques dans une opération de fusion ou d’acquisition transfrontalière. Ce guide est une bonne ressource pour la gestion de ces risques avant, pendant et après une opération.

4. Profitez d’avantages fiscaux en utilisant une filiale canadienne pour l’acquisition

Selon les circonstances, l’utilisation d’une filiale d’acquisition canadienne pour acquérir des actifs ou des actions d’une société canadienne peut procurer des avantages fiscaux aux acheteurs étrangers.

Celui qui utilise une telle filiale pour acquérir les actifs d’une entreprise dont l’établissement stable sera au Canada après la clôture pourrait bénéficier d’un report d’impôts en évitant de payer immédiatement l’impôt de succursale au taux régulier et l’impôt supplémentaire de cinq pour cent sur les revenus de la succursale.

Dans le contexte d’une opération visant l’achat d’actions d’une société canadienne, le recours à une filiale d’acquisition canadienne peut permettre à l’acheteur étranger d’avoir un capital versé supérieur pour les actions de la filiale comparativement à celles de la cible. Il pourra alors rapatrier plus de fonds sans retenue d’impôt canadien que s’il avait acheté les actions de sa cible directement.

Par ailleurs, l’utilisation d’une filiale d’acquisition canadienne est une façon d’éviter des litiges longs et coûteux entre les autorités fiscales canadiennes et étrangères quant à la répartition du revenu imposable dans chaque pays.

5. Demandez un certificat de décision préalable auprès du commissaire de la concurrence

Aux termes de la Loi sur la concurrence du Canada, toute fusion peut être examinée dans l’année qui suit sa clôture pour déterminer si elle est susceptible de diminuer sensiblement ou d’empêcher la concurrence. Si les inquiétudes ne sont pas apaisées, le dossier peut être transmis au Tribunal de la concurrence, qui est habilité à bloquer ou à dissoudre des fusions.

Dans une fusion où la taille de l’opération, la valeur des parties ou le pourcentage des capitaux propres détenus excède le seuil établi, les parties doivent respecter les exigences de préavis de fusion de la Loi sur la concurrence en avisant le commissaire de la concurrence et en attendant 30 jours avant de réaliser l’opération. Si, après 30 jours, le Bureau de la concurrence ne s’est toujours pas opposé à l’opération, les parties peuvent aller de l’avant. Si toutefois on leur demande de fournir des renseignements supplémentaires, le délai d’attente repart à zéro après leur transmission.

Pour renforcer la certitude et réduire les délais, les parties à une fusion peuvent, si les circonstances le permettent, demander un certificat de décision préalable (CDP). Un CDP est délivré lorsque le commissaire est convaincu qu’il est peu probable que la fusion diminue sensiblement ou empêche la concurrence au Canada. Le Bureau de la concurrence ne peut alors pas s’opposer à la fusion, à condition qu’il n’y ait pas de changement important par rapport aux renseignements fournis pour obtenir le CDP.

Même s’il choisit de ne pas délivrer de CDP, le commissaire peut émettre une lettre de non-intervention dans laquelle il indique que l’opération ne fait pour le moment pas l’objet d’une contestation, mais qu’il se réserve le droit d’en soulever une dans l’année suivant la clôture. Les parties procèdent souvent à la clôture après la réception de cette lettre, car, en pratique, les contestations postérieures à la clôture sont rares.

6. Ne comptez pas sur l’emploi de gré à gré

Contrairement aux États-Unis, le Canada ne reconnaît pas la notion d’emploi de gré à gré (at-will employment), selon laquelle les employés n’ont pas à être indemnisés en cas de cessation d’emploi. Les employeurs sont plutôt tenus de donner un préavis raisonnable ou une indemnité de préavis à tout employé congédié sans motif valable. Cette différence a évidemment des conséquences pour les fusions et les acquisitions transfrontalières impliquant des parties canadiennes.

L’acheteur étranger doit notamment tenir compte des coûts potentiels associés aux indemnités de départ et aux préavis auxquels les employés canadiens ont droit dans ses calculs financiers et dans l’évaluation de l’opération. Lors de sa vérification diligente, il doit aussi évaluer les obligations que pourrait avoir la cible canadienne relativement à des cessations passées. De plus, ceux qui acquièrent des entreprises ayant des employés au Canada et souhaitent faire une restructuration après la clôture pourraient se heurter à des obstacles auxquels ils ne seraient pas confrontés dans un territoire qui reconnaît l’emploi de gré à gré.

7. Préparez-vous à l’activisme des actionnaires

En raison de son rigoureux régime de droits des actionnaires, le Canada est perçu comme un territoire particulièrement propice à l’activisme. Les actionnaires activistes peuvent grandement influer sur les opérations de fusion et d’acquisition, par exemple en tentant d’avoir leur mot à dire sur ses modalités ou d’obtenir des sièges au conseil, en contestant les décisions de la direction ou en proposant d’autres opérations. Leur but est souvent d’accroître la valeur actionnariale lorsqu’ils estiment que la société cible a été sous-évaluée.

Pour les parties, cela peut se traduire par des retards, par une augmentation des coûts et par la renégociation de modalités. Cette réalité n’est pas propre au Canada, mais la réputation du pays à cet égard devrait inciter les parties à une fusion ou à une acquisition transfrontalière réalisée au Canada à se préparer à ses conséquences, surtout lorsqu’il est question d’une société ouverte. Elles pourraient par exemple adopter des stratégies proactives de relations de presse et de relations publiques, collaborer avec des intervenants clés, faire des plans pour divers scénarios d’activisme et s’assurer que toutes les parties en cause suivent de bonnes pratiques de gouvernance tout au long du processus.

8. Pensez aux lois provinciales et territoriales sur les valeurs mobilières

Les États-Unis, à l’instar d’autres pays, ont une autorité en valeurs mobilières fédérale. Ce n’est pas le cas du Canada, où la compétence en la matière appartient aux provinces et territoires, qui ont chacun leur propre régime.

Des normes canadiennes et multilatérales ont été élaborées dans une tentative d’harmoniser la réglementation au pays et d’éviter les conflits de lois, mais des différences demeurent. Par conséquent, les parties à des opérations de fusion ou d’acquisition transfrontalières, surtout celles qui impliquent la vente, la négociation ou l’émission de titres, doivent s’assurer de bien comprendre les lois sur les valeurs mobilières en vigueur dans les provinces ou les territoires concernés et de les respecter.

Conclusion

Les parties étrangères qui réalisent des fusions et des acquisitions au Canada doivent bien comprendre les particularités du pays dans le contexte de ces opérations. Cela dit, en portant attention à la structure de l’opération, aux aspects fiscaux, au cadre juridique et aux subtilités de la culture canadienne, elles peuvent s’aventurer sans peur au nord de la frontière.

Pour savoir comment l’équipe Fusions et acquisitions de BLG peut vous aider, communiquez avec Scott Robson : [email protected] ou 403.232.9589.

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