Contexte
Après quelque deux ans de consultations auprès de plus de 90 parties prenantes, le Commissariat au lobbying du Canada a publié une série de propositions visant à renouveler le Code de déontologie des lobbyistes (le « Code »).
En réponse à de vives critiques de parlementaires du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (le « Comité »), la commissaire au lobbying a repoussé de quelques mois l’entrée en vigueur de ces modifications, initialement prévue pour janvier 2023. Le Comité tient actuellement des audiences afin d’évaluer la nouvelle version du Code, qui imposerait diverses règles élargies aux lobbyistes fédéraux rémunérés.
Le présent article met en lumière les plus importants changements au Code depuis la dernière fois où il a été mis à jour en 2015. Le Code renouvelé continuera de s’appliquer uniquement aux lobbyistes salariés (c’est-à-dire les lobbyistes-conseils et les lobbyistes internes) qui sont tenus de s’inscrire au Registre des lobbyistes fédéral. Les lobbyistes qui fournissent des services gratuits – et ne figurent donc pas au registre – n’y seront pas assujettis.
Ce que vous devez savoir sur le nouveau Code
- La nouvelle version du Code clarifie les règles liées aux conflits d’intérêts et interdit aux personnes qui font du lobbying de le faire auprès de gens avec qui elles entretiennent une relation familiale, personnelle ou professionnelle étroite, et qui pourraient donc éprouver un « sentiment d’obligation » envers elles.
- La période de restriction après s’être engagé dans des activités politiques sera aussi réduite considérablement, et il faudra dorénavant tenir compte du type d’activités effectuées au profit d’un candidat à une élection, d’un fonctionnaire ou d’un parti politique.
- De plus, la commissaire a introduit une « limite de faible valeur » aux cadeaux et marques d’hospitalité que les lobbyistes peuvent offrir par année; elle a été fixée à 80 $ CA par fonctionnaire.
Conflits d’intérêts
Le plus important changement proposé au Code est la reformulation des règles touchant les conflits d’intérêts, qui interdisaient auparavant aux lobbyistes de faire quoi que ce soit qui pourrait placer un fonctionnaire en conflit d’intérêts. Cela demandait à la commissaire d’évaluer si les actions posées entraînaient ou risqueraient d’entraîner un conflit d’intérêts.
La nouvelle version du Code met plutôt l’accent sur le critère du « sentiment d’obligation » afin de déterminer si le lobbying auprès d’un fonctionnaire est inadéquat. En effet, si quelque relation personnelle, professionnelle ou autre pourrait faire en sorte qu’un fonctionnaire considère qu’il a une obligation envers un lobbyiste, les activités de lobbying auprès de cette personne, y compris toute rencontre, sont interdites.
La commissaire a tenté de clarifier la notion du sentiment d’obligation dans ses propositions en fournissant des exemples de relations propices à créer un sentiment d’obligation, notamment :
- Les relations familiales étroites, comme la famille proche par le sang, par naissance, par alliance, par adoption, ou par union de fait, tout membre de la parenté ou toute autre personne qui habite de façon permanente dans le même foyer.
- Les relations personnelles étroites, comme des amis proches ou des meilleurs amis, ou des partenaires intimes ou romantiques (à l’exclusion des personnes que l’on a connues uniquement dans des cercles sociaux élargis ou des réseaux).
- Les relations de travail étroites, comme des relations professionnelles importantes ou de longue date tissées dans le cadre d’une étroite collaboration au travail. À ce sujet, la commissaire a précisé que le fait de travailler pour la même organisation et de se côtoyer pour des raisons strictement professionnelles n’équivaut pas en soi à une relation étroite.
- Les relations d’affaires étroites, comme détenir ensemble une entreprise ou un consortium d’entreprises ou collaborer étroitement au sein de cette entreprise ou de ce consortium d’entreprises.
- Les relations financières étroites, comme le fait de se partager la propriété d’un bien ou de gérer conjointement des investissements partagés.
De plus, certaines activités politiques accomplies par des lobbyistes au nom de fonctionnaires peuvent créer un sentiment d’obligation et s’avérer inappropriées, sauf si les périodes de restriction applicables ont expiré.
Périodes de restriction après l’accomplissement de travail politique
La commissaire recommande aussi d’importants changements aux règles relatives aux périodes de restriction après du travail politique.
Auparavant, il était interdit aux personnes ayant participé à la campagne électorale d’un fonctionnaire d’effectuer du lobbying pour cette personne jusqu’à la fin du cycle électoral en cours.
Dans la nouvelle version du Code, la période de restriction passera d’un à deux ans, selon le niveau de contribution du lobbyiste, et s’appliquera comme suit :
- Les lobbyistes qui ont effectué des « travaux stratégiques, d’une forte visibilité ou importants » pour un candidat, un fonctionnaire ou un parti politique à titre de porte-parole, de chef de campagne, de personne haut placée dans une campagne électorale ou de membre de la direction d’une association de circonscription seront assujettis à une période de restriction d’une durée de deux ans. Plusieurs autres activités seront également visées par cette définition, notamment la préparation d’un candidat en vue d’une apparition publique, l’organisation de campagnes de financement ou d’événements politiques, la conception de contenu publicitaire et la coordination d’activités de recherche ou d’analyse de données.
- Les lobbyistes se verront également imposer une période de restriction d’un an s’ils effectuent un travail politique « autre » qui les amène à interagir fréquemment avec un candidat ou un fonctionnaire, et que ce travail pour le compte d’un candidat, d’un fonctionnaire ou d’un parti politique est accompli à temps plein (ou presque). La commissaire suggère que ce genre de travail politique englobe les activités suivantes : faire du porte-à-porte, solliciter des dons, distribuer du matériel pour une campagne, coordonner la logistique pour un bureau de campagne ou effectuer des recherches ou des tâches liées à l’analyse de données.
- Cependant, la période de restriction ne s’appliquera pas si un lobbyiste affiche des pancartes électorales sur son terrain, fait des dons personnels de moins de 1 650 $ CA, assiste à des événements politiques ou de financement, exprime ses opinions politiques dans un contexte accepté ou exécute des tâches strictement administratives.
Il convient en outre de souligner que, dans les cas où elle juge que l’importance, la fréquence, l’étendue et la durée du travail politique s’y prêtent, la commissaire aura le pouvoir discrétionnaire de réduire ou d’éliminer la période de restriction à la demande d’un lobbyiste.
Nouvelles obligations quant à la transparence
Le Code révisé imposera diverses nouvelles exigences s’appliquant aux communications de lobbying :
- Les lobbyistes-conseils devront maintenant informer leurs clients lorsqu’ils font du lobbying en leur nom et les aviser des exigences de conformité auxquelles ils pourraient être tenus en vertu de la législation en vigueur.
- Les lobbyistes internes, quant à eux, devront informer les personnes haut placées appropriées au sein de leur organisation qu’ils effectuent des activités de lobbying afin d’assurer que toutes les exigences relatives à l’enregistrement et à la production de rapports sont respectées.
- Les déclarants désignés devront s’assurer que les renseignements appropriés sur les exigences se rapportant au lobbying sont communiqués à leur personnel.
Dans le Code paru en 2015, il est indiqué que les organisations qui se dotent de politiques internes ou de pratiques optimales pour ce qui touche la formation et le suivi rigoureux des activités de lobbying de leur personnel sont les mieux à même de se conformer aux obligations d’enregistrement qui leur incombent. Le Code renouvelé va dans la même direction.
Il est également attendu des lobbyistes qu’ils agissent et communiquent de manière honnête et de bonne foi, et qu’ils n’utilisent ou ne divulguent pas de renseignements confidentiels à moins d’avoir reçu le consentement nécessaire.
Cadeaux et marques d’hospitalité
Le nouveau Code modifie et clarifie grandement les règles entourant les cadeaux et les marques d’hospitalité, notamment en mettant en place une limite de faible valeur fixée à 40 $ par cadeau et/ou par occasion. Une limite annuelle de 80 $ pour les cadeaux ou les marques d’hospitalité s’appliquera également. Le Code n’a jamais auparavant imposé de limite monétaire précise aux lobbyistes; il s’agissait plutôt d’exercer son jugement et d’évaluer ce qui était raisonnable dans les circonstances.
La commissaire aura le pouvoir discrétionnaire d’accorder des exemptions à ces limites et de les réviser en fonction de l’inflation et des différences de prix régionales, mais il est attendu que ces limites seront difficiles à respecter lors d’événements tenus par des lobbyistes, des organisations ou des organismes caritatifs (p. ex. des galas, des conférences ou des réceptions) où les coûts s’accumulent rapidement.
Mise en application et sanctions
Le Code demeurera un texte non réglementaire, mais obligatoire, dont les dispositions s’ajouteront à celles de la Loi sur le lobbying fédérale. Bien que les manquements au Code ne s’accompagnent pas de sanctions pénales ou d’amendes, ils risquent de nuire gravement à la réputation des contrevenants – et à celle de leurs clients.
La manière dont la commissaire a interprété le Code par le passé pourrait dicter la mise en application de ce dernier dans l’avenir. Elle a par exemple déjà prononcé des décisions concernant les règles 2, 3, 6, 8 et 9 et les principes du Code (c’est-à-dire le préambule). Plus récemment, elle a aussi exprimé son mécontentement quant au champ d’application limité de certaines règles liées aux conflits d’intérêts et au critère du sentiment d’obligation. L’élargissement de la définition d’un conflit d’intérêts dans la nouvelle version du Code pourrait faire en sorte que les manquements seront plus durement sanctionnés.
Enfin, les tribunaux qui ont eu à rendre des décisions en s’appuyant sur les versions antérieures du Code ont la plupart du temps conclu que les infractions aux règles du Code plutôt qu’à ses principes méritaient d’être punies. Dans le nouveau Code, le préambule énonçant les principes a été remplacé par une section « Objectifs ». On pourrait s’attendre à ce que la même logique continue de s’appliquer malgré ce changement, mais cela restera à confirmer par la commissaire ou les tribunaux en temps et lieu.
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