Le 3 novembre 2022, l’honorable Chrystia Freeland a déposé l’Énoncé économique de l’automne 2022 (l’« Énoncé ») du gouvernement fédéral (le « gouvernement »). L’Énoncé présente le plan du gouvernement pour continuer à aider les Canadiens et Canadiennes à composer avec la hausse du coût de la vie et bâtir un pays où personne n’est laissé pour compte. L’Énoncé se concentre ainsi sur trois priorités clés :
- Rendre la vie plus abordable
- Emploi, croissance et une économie qui fonctionne pour tout le monde
- Un gouvernement équitable et efficace
Dans le présent article, nous résumons les principales mesures fiscales présentées dans l’Énoncé qui auront une incidence sur la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).
Élargissement de la règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels aux cessions
Le budget de 2022 a proposé une nouvelle règle de présomption qui vise à assurer que les profits provenant de certaines ventes de biens immobiliers résidentiels sont toujours assujettis à l’imposition complète et ne sont pas admissibles au taux d’inclusion des gains en capital (la « règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels »). En vertu de cette règle, les profits découlant de dispositions de biens immobiliers résidentiels (y compris un bien de location) qui ont été détenus pendant moins de 12 mois seraient considérés comme des revenus tirés d’une entreprise.
L’Énoncé propose d’élargir la règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels aux profits découlant de la disposition des droits d’achat de biens immobiliers résidentiels au moyen de la cession d’un contrat de vente. Les profits découlant d’une cession d’un contrat de vente seraient considérés comme un revenu tiré d’une entreprise si les droits d’achat d’un bien étaient cédés après avoir été détenus pendant moins de 12 mois. Dans l’Énoncé, on suggère de réinitialiser la période de détention de 12 mois pour la règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels une fois que la propriété appartient à un contribuable qui a conclu un contrat d’achat et de vente. En d’autres termes, la période de détention de 12 mois serait réinitialisée chaque fois qu’un contribuable devient propriétaire du bien immobilier résidentiel.
La règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels, y compris l’élargissement pour les cessions des contrats de vente, s’appliquerait aux transactions effectuées à compter du 1er janvier 2023.
Crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres
L’Énoncé propose d’introduire un crédit d’impôt remboursable à l’investissement pour les technologies propres qui sera offert aux contribuables pour le matériel admissible qui devient disponible aux fins d’utilisation dès l’an prochain, à la date du dépôt du budget de 2023.
Ce crédit, dont on pourra se prévaloir sous réserve du respect de certaines conditions de travail qui n’ont pas encore été dévoilées, équivaut à 30 % du coût en capital du matériel admissible. Cette mesure ne se veut toutefois pas permanente; elle sera éliminée progressivement d’abord pour les biens qui deviennent disponibles aux fins d’utilisation après 2032, puis éliminée complètement pour les biens qui deviennent disponibles aux fins d’utilisation après 2034.
Les types de matériel suivants seront admissibles à ce nouveau crédit :
- Le matériel destiné à produire de l’électricité à partir de l’énergie solaire, éolienne et hydraulique
- Le matériel fixe de stockage d’électricité qui n’est pas alimenté par des combustibles fossiles, notamment les batteries, les volants d’inertie, les supercondensateurs, le stockage d’énergie magnétique, le stockage d’énergie provenant d’air comprimé, le stockage d’énergie hydroélectrique par pompage, le stockage d’énergie par gravité et le stockage d’énergie thermique
- Le matériel de chauffage solaire actif, les thermopompes à air et les thermopompes géothermiques
- Le matériel utilisé pour produire de la chaleur ou de l’électricité à partir d’énergie solaire concentrée
- Le matériel utilisé pour produire de la chaleur ou de l’électricité à partir de petits réacteurs nucléaires modulaires
- Les véhicules non routiers zéro émission et le matériel de recharge ou de ravitaillement
Taxation du rachat d’actions
L’Énoncé annonce en outre que le gouvernement a l’intention d’instaurer une taxe sur les sociétés de 2 %, qui s’appliquerait à la valeur nette de tous les types de rachats d’actions par des sociétés publiques au Canada, à l’instar de la mesure adoptée récemment aux États-Unis. Le « rachat d’actions » est une opération au cours de laquelle une société rachète ses propres actions à des actionnaires existants dans le but d’optimiser le rendement pour les actionnaires. Cette mesure vise à encourager les sociétés à réinvestir dans leurs travailleurs et travailleuses et leurs entreprises.
Les détails de cette nouvelle taxe, qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2024, seront annoncés dans le budget de 2023.
Impôt minimum
Dans le budget de 2022, le gouvernement a annoncé son intention d’envisager un nouveau régime d’impôt minimum étant donné que le régime actuel n’a pas été revu en profondeur depuis son entrée en vigueur en 1986. L’Énoncé confirme qu’un plan de mise en œuvre détaillé sera publié dans le budget de 2023.
Réforme fiscale internationale
Le gouvernement a signalé dans l’Énoncé être déterminé à continuer à travailler avec des partenaires internationaux afin de faire en sorte que les entreprises multinationales paient leur juste part d’impôt partout où elles mènent leurs activités.
Il a également réaffirmé son engagement envers le Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Plus particulièrement, le gouvernement demeure résolu à respecter ce qui suit :
- Le pilier 1 relatif à la réaffectation des droits d’imposition, qui permettra de s’assurer que les sociétés mondiales, y compris les grandes sociétés numériques, paient leur juste part d’impôt dans les pays où se trouvent leurs utilisateurs et leurs clients
- Le pilier 2, un régime d’imposition minimum mondial, qui fera en sorte que les entreprises multinationales soient assujetties à un taux d’imposition effectif minimum de 15 % sur leurs bénéfices dans chaque pays où elles exercent leurs activités
Règles de divulgation obligatoires
- Afin d’évaluer adéquatement la rétroaction reçue dans le cadre de la consultation publique sur les règles de divulgation obligatoire lancée le 9 août 2022, le gouvernement compte reporter l’entrée en vigueur des obligations déclaratives s’appliquant aux opérations à déclarer ou à signaler jusqu’à la date de la sanction royale du projet de loi connexe. La date d’entrée en vigueur de l’obligation de déclarer les traitements fiscaux incertains demeurerait toutefois la même que celle indiquée au mois d’août.
Mesures annoncées antérieurement
L’Énoncé confirme l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec les mesures fiscales annoncées antérieurement, notamment :
- Les propositions législatives publiées le 9 août 2022 relativement aux mesures suivantes : les règles de divulgation obligatoire, le dividende pour la relance au Canada et impôt supplémentaire pour les banques et les assureurs-vie, le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques, l’élimination des actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon, l’application de la règle générale anti-évitement aux attributs fiscaux et les sociétés privées sous contrôle canadien en substance.
- Les propositions législatives publiées le 29 avril 2022 en ce qui concerne les dispositifs hybrides.
- Les propositions législatives publiées le 4 février 2022 relativement aux mesures suivantes : la méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat pour les fiducies de fonds communs de placement, l’imposition des placements enregistrés, les prérogatives en matière de vérification, la limitation de la déductibilité des intérêts et le minage de cryptoactifs.
- Les propositions législatives déposées le 14 décembre 2021 au sujet de la Loi de la taxe sur les services numériques.
- La consultation sur les prix de transfert annoncée dans le budget de 2021.
- La consultation sur les règles anti-évitement annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne 2020 et mise à jour dans le document de consultation publié le 9 août 2022.
- Les mesures confirmées dans le budget de 2016 en ce qui concerne le choix des coentreprises en matière de la TPS/TVQ
Propositions législatives
Le jour du dépôt de l’Énoncé, le ministère des Finances a également publié des propositions législatives (les « propositions ») en lien avec le régime de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF) et les règles de divulgation obligatoire pour les opérateurs de plateformes numériques. BLG explorera la question en profondeur dans un article à venir.
Régime de RDEIF
Le régime de RDEIF, d’abord un ensemble de propositions législatives publiées en février 2022, comprend des règles conformes aux recommandations du rapport sur l’action 4 du projet du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (le « rapport sur l’action 4 du projet BEPS »).
À noter que le ministère des Finances propose de repousser la date d’entrée en vigueur des propositions, initialement établie au 1er janvier 2023, aux années d’imposition s’amorçant à compter du 1er octobre 2023. Les propositions du ministère élèvent également le seuil de minimis de 250 000 $ à 1 000 000 $.
Opérateurs de plateformes numériques
On propose de plus que les nouvelles règles de divulgation s’appliquant aux opérateurs de plateformes numériques qui constitueraient la partie XX de la LIR entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Les opérateurs de plateformes numériques sont des entités qui concluent des contrats afin de rendre disponible une plateforme à des vendeurs. Les nouvelles règlent se basent sur les Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande de l’OCDE.
Les propositions introduisent des obligations de vérification diligente et de déclaration similaires à celles déjà en place pour les institutions financières en vertu de la FATCA des États-Unis (Foreign Account Tax Compliance Act, partie XVIII de la LIR) et de la Norme commune de déclaration de l’OCDE (partie XIX de la LIR).
Pour de plus amples renseignements sur l’Énoncé économique de l’automne 2022, veuillez communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous.