Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), autrefois relégués au second plan, sont désormais essentiels à la prospérité des entreprises, à la création de valeur et à l’atténuation des risques. Partout dans le monde, on constate, autant à l’échelle des entreprises que des secteurs, que le fait de négliger les facteurs ESG – notamment l’incidence des activités sur l’environnement et le climat, le traitement de la main-d’œuvre et les politiques en matière d’approvisionnement, de commerce équitable et de diversité et d’inclusion – peut refroidir les organismes de réglementation, le personnel, les clients et les fournisseurs.
C’est certainement le cas dans le secteur de l’aviation, où les compagnies aériennes et les exploitants ont multiplié les efforts visant à lutter contre les changements climatiques et à réduire les émissions de carbone. Si, collectivement, les facteurs ESG doivent être pris en compte dans la planification stratégique et l’exploitation, les différents secteurs et entreprises n’accorderont pas la même importance financière à chacun d’entre eux. Dans le domaine de l’aviation, il va sans dire que la lettre « E », qui correspond aux facteurs environnementaux, revêt une importance particulière.
Réglementation canadienne sur les facteurs ESG et l’aviation
Outre la conscientisation grandissante des consommateurs et des investisseurs aux enjeux ESG, l’importance de ces derniers dans le domaine de l’aviation est partiellement attribuable à l’évolution du cadre réglementaire international et à l’engagement des compagnies aériennes et des gouvernements à atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
L’engagement du Canada à atteindre la carboneutralité est codifié dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité adoptée le 29 juin 2021, dans le nouveau Plan d’action climatique de l’aviation du Canada 2022-2030 ainsi que dans le Règlement sur les combustibles propres, lequel exige que les principaux fournisseurs d’essence et de diesel réduisent l’intensité en carbone des carburants qu’ils fournissent au Canada à compter de 2023. Le Canada participe également à des régimes réglementaires internationaux comme le Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA).
Carburants d’aviation durables
L’un des principaux moyens par lesquels le secteur cherche à atteindre son objectif de décarbonisation est l’utilisation et la promotion de carburants d’aviation durables. Selon l’Association du Transport Aérien International (IATA), ces carburants permettent une réduction des émissions de CO2 allant jusqu’à 80 % et représentent environ 65 % de la réduction des émissions dont a besoin le secteur de l’aviation pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Ainsi, l’IATA et d’autres organisations invitent les décideurs et les autorités de réglementation à élaborer des politiques et des normes afin d’accélérer la production et le déploiement de carburants d’aviation durables.
Comme l’indique l’IATA, de tels progrès sont déjà en cours en Europe et aux États-Unis. Mentionnons des lois et des politiques comme l’initiative ReFuelEU Aviation (une proposition législative visant à promouvoir la production et l’utilisation de carburants d’aviation durables au sein de l’Union européenne), ainsi que le Sustainable Skies Act et les Renewable Fuel Standards des États-Unis.
En 2022, plus de 60 compagnies aériennes exerçant leurs activités au Canada ont créé le Conseil canadien des carburants d’aviation durable (C-SAF) pour favoriser la collaboration entre les intervenants du secteur et les gouvernements et accélérer la production commerciale et l’utilisation de carburants d’aviation durables au pays.
Il est évident que l’utilisation de carburants durables représente un moyen important pour respecter les engagements du secteur de l’aviation en matière de carboneutralité, qui ne feront que se renforcer au fil de l’évolution de paysage politique et réglementaire au Canada et ailleurs. Avec l’entrée en vigueur de ces cadres réglementaires, les intervenants du secteur redoubleront d’efforts pour mieux comprendre les exigences législatives, contrôler la conformité et intégrer les facteurs ESG à leurs activités.
MAA et ADAVe
Comme l’indique le Plan d’action climatique de l’aviation du Canada, le développement de technologies aérospatiales vertes, notamment la propulsion électrique, hybride et à l’hydrogène, sera un autre moyen clé d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Ces technologies sont souvent associées au concept de mobilité aérienne avancée (MAA), les aéronefs à décollage et atterrissage verticaux électriques (ADAVe) en étant un exemple. La demande mondiale pour des solutions de MAA est en croissance constante; entre autres acteurs du secteur de l’aviation, les compagnies aériennes, les exploitants d’hélicoptères et les fabricants d’équipement d’origine investissent davantage dans la MAA en vue de poursuivre leurs objectifs stratégiques.
Sur le plan national, Air Canada a récemment annoncé la conclusion d’un contrat d’achat de 30 appareils hybrides électriques ES-30 auprès du fabricant suédois Heart Aerospace. Ces aéronefs devraient entrer en service en 2028. United Airlines a également annoncé un investissement de taille dans Eve Air Mobility, de même qu’un accord d’achat conditionnel lui permettant d’acquérir jusqu’à 400 ADAVe. Des exploitants d’hélicoptères de longue date, comme Bristow Helicopters, affichent leur ambition de devenir des chefs de file en matière de MAA. Certains exploitants du secteur du fret aérien ont par ailleurs intégré les ADAVe dans leurs plans d’action ESG.
Outre les bienfaits environnementaux, l’évolution du secteur de la MAA présente des avantages potentiels en matière d’équité et d’inclusion, comme l’amélioration de l’accès pour les personnes mal desservies par l’offre actuelle de transport et la création de routes entre les collectivités. Ces retombées viendront renforcer la position du secteur de la MAA en matière d’ESG, ce qui ouvrira la voie à son expansion, à de nouveaux investissements et à des regroupements À mesure que la fiabilité de la technologie, le statut de certification et l’architecture de l’espace aérien continuent de progresser, il est probable que la MAA et les carburants d’aviation durables deviennent plus viables sur le plan commercial et favorisent l’engagement du secteur envers la carboneutralité.
Conclusion
On s’attend à ce que les participants du secteur de l’aviation continuent de miser sur les facteurs ESG dans la poursuite de leur objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, et à ce que l’environnement réglementaire dans lequel ils évoluent s’affine davantage. Les acteurs du milieu devront donc mieux comprendre les exigences législatives, composer avec les enjeux futurs et surveiller leur rendement. Enfin, les facteurs ESG continueront probablement d’agir comme un catalyseur d’innovation et d’investissement en aviation, comme en témoignent les progrès des technologies de MAA comme les ADAVe et les efforts visant à accélérer l’utilisation et le déploiement de carburants d’aviation durables.