Au cours des dernières années, les employeurs ont vu leur résilience mise à rude épreuve. La pandémie de COVID-19 leur a toutefois permis de tirer d’importantes leçons qu’ils peuvent appliquer à l’épidémie de variole simienne qui sévit en ce moment. Ils ont notamment appris qu’ils subiront inévitablement les contrecoups de toute décision difficile qu’ils devront prendre, mais que d’adopter des mesures concrètes rapidement s’avérera avantageux pour tous les intervenants concernés.
État actuel de l’épidémie de variole simienne
Le 23 juillet 2022, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que l’épidémie mondiale de variole simienne constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Cette classification, selon la définition du Règlement sanitaire international de l’OMS, désigne « un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque de propagation internationale de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ». L’OMS estime que le risque associé à la variole simienne est modéré à l’échelle mondiale, sauf en Europe, où il est évalué comme étant élevé.
À la même date, l’Agence de santé publique du Canada (ASPC) a aussi publié une mise à jour concernant la variole simienne au Canada qui faisait état de 681 cas du virus dans cinq provinces canadiennes et soulignait que le nombre de cas avait doublé depuis le 1er juillet, notant une première infection chez une femme et les premiers malades en Saskatchewan. Il est par ailleurs attendu que ces chiffres « continue[nt] d’augmenter à mesure que l’épidémie évolue » au pays.
Qu’est-ce que la variole simienne? Comment se propage-t-elle? Pendant combien de temps est-elle contagieuse?
L’OMS décrit la variole simienne comme une « zoonose virale » (c.-à-d. un virus pouvant être transmis aux humains par les animaux) dont les manifestations cliniques, bien que moins graves, s’apparentent à celles de la variole.
L’organisation Centers for Disease Control and Prevention (CDC) explique que la maladie peut se transmettre de diverses manières, entre autres :
- par contact direct avec les lésions, les croûtes ou les liquides corporels d’une personne infectée;
- par les gouttelettes respiratoires, par exemple lors d’un contact prolongé en face à face; par un contact physique intime de bouche à bouche ou de peau à peau (notamment les contacts sexuels);
- lorsqu’une personne touche quelque chose ayant été en contact avec les lésions ou les liquides corporels d’une personne infectée;
- par le placenta (pour les personnes enceintes).
En outre, le CDC souligne que la variole simienne peut se transmettre d’un animal à un être humain par une morsure ou une égratignure, ou encore lorsqu’une personne prépare ou mange des produits issus d’un animal infecté.
Il précise de plus que le virus peut se transmettre de l’apparition des symptômes jusqu’au moment où toutes les croûtes recouvrant les lésions cutanées sont tombées (et que l’on observe la présence d’une couche de peau saine); la maladie dure généralement de deux à quatre semaines. L’OMS ajoute que la période d’incubation est habituellement de 6 à 13 jours, mais qu’elle peut s’étendre à 21 jours. Qui plus est, l’ASPC indique que la variole simienne peut occasionner de douloureuses lésions cutanées sur la bouche, les organes génitaux, la région périanale, le visage, les bras, les jambes, les pieds ou les mains. Après une période d’environ 14 à 28 jours, ces lésions forment des croûtes qui finissent par tomber. L’éruption cutanée peut s’accompagner de symptômes généraux comme de la fièvre, des frissons, un gonflement des ganglions lymphatiques, des maux de tête et de dos, des douleurs musculaires et articulaires et une perte d’énergie. L’ASPC confirme aussi qu’une personne est contagieuse dès l’apparition de ses premiers symptômes, et ce, jusqu’à ce que ses croûtes soient tombées d’elles-mêmes et qu’une nouvelle couche de peau se soit développée. Cela dit, l’OMS ignore toujours si des personnes asymptomatiques peuvent transmettre la maladie.
Selon l’Organisation, les groupes les plus susceptibles d’être atteints d’une forme grave de la variole simienne sont les femmes enceintes, les jeunes enfants et les personnes immunodéprimées. Elle compte également parmi les personnes particulièrement à risque les travailleurs et travailleuses de la santé, les travailleurs et travailleuses du sexe et les personnes qui vivent ou ont eu des contacts étroits (notamment des contacts sexuels) avec une personne infectée.
Historiquement, l’OMS a observé un taux de mortalité de 0 % à 11 % pour la variole simienne dans la population générale (ce pourcentage étant plus élevé chez les jeunes enfants, par exemple); il se situe actuellement entre 3 % et 6 %.
Il convient de noter que n’importe qui peut contracter la variole simienne et qu’il est fautif de l’associer à quelque groupe que ce soit.
Vaccination
La quantité limitée de vaccins et les potentielles pénuries de médicaments à court terme pourraient faire en sorte que les employeurs aient de plus en plus à gérer des cas d’infection ou d’exposition à la variole simienne. Bien que le lien soit facile à faire avec la pandémie des dernières années, la variole simienne n’est pas comparable à la COVID-19 et doit être gérée différemment.
Le Comité consultatif national de l’immunisation a déjà publié des recommandations sur l’utilisation d’un vaccin approuvé par Santé Canada pour l’immunisation contre la variole simienne; le gouvernement du Canada en a d’ailleurs déployé plus de 70 000 doses, en plus d’offrir des traitements pour la gestion des cas et de travailler à garantir les futurs approvisionnements nationaux en vaccins et en produits thérapeutiques.
Les autorités de santé publique provinciales et territoriales ont donné le coup d’envoi aux efforts de vaccination des personnes les plus à risque, mais les injections ne sont pas encore offertes à tout le monde. Comme les quantités sont actuellement limitées, les gouvernements s’efforcent de donner la priorité aux plus vulnérables.
Mesures de gestion situationnelles pour les employeurs
Vous trouverez ci-après trois mesures recommandées par l’ASPC pour prendre une longueur d’avance face à la hausse des cas au Canada et gérer adéquatement les cas d’infection ou d’exposition au sein de leur personnel. À noter que plusieurs de ces conseils s’appuient sur des stratégies de gestion de la COVID-19.
1. Examinez les questions liées à l’emploi (notamment la continuité des activités) pouvant survenir ainsi que leurs incidences juridiques. Pensez notamment à ce qui suit :
- Mise en œuvre des mesures préventives le plus rapidement possible. Par exemple :
- rappelez l’étiquette respiratoire et les règles d’hygiène des mains (tousser et éternuer dans le pli de son coude, porter un masque bien ajusté, etc.);
- encouragez les personnes malades à rester à la maison, et n’oubliez pas que la période d’incubation et de contagiosité peut être assez longue dans le cas de la variole simienne;
- rappelez à votre personnel d’éviter les contacts étroits avec les personnes atteintes de la variole simienne ou qui pourraient y avoir été exposées;
- assurez-vous que vos locaux sont nettoyés régulièrement, particulièrement les surfaces et les objets fréquemment touchés;
- demandez aux membres de votre personnel de prendre certaines mesures avant de voyager, comme vous informer de leur destination;
- envisagez de limiter les voyages d’affaires vers certains pays ou certaines régions;
- incitez les membres de votre personnel à vous informer s’ils doivent subir des tests de dépistage de la variole simienne, en particulier si la personne en question a eu des contacts avec ses collègues;
- encouragez les membres de votre personnel à vous informer si des personnes de leur foyer ont contracté la variole simienne;
- veillez à réitérer que le risque d’être gravement malade est plus élevé pour certaines personnes;
- offrez de la formation complémentaire afin que les fonctions essentielles puissent être remplies en cas d’absences;
- rappelez les risques liés à la cybersécurité découlant de la variole simienne, dont l’hameçonnage par courriel;
- étudiez la possibilité d’instaurer un horaire variable (heures d’arrivée décalées, quarts, etc.), le travail à distance ou d’autres modalités de travail à l’extérieur;
- communiquez avec vos principaux fournisseurs pour vous assurer que la livraison de biens et la prestation de services demeureront ininterrompues en cas d’éclosion;
- créez des politiques relatives aux ressources humaines ou actualisez celles que vous utilisez déjà (notamment celles ayant trait aux congés légaux et discrétionnaires et aux obligations légales connexes de même qu’à la vaccination); faites de même avec les plans de continuité des activités et les plans d’intervention en cas de pandémie (concernant entre autres la question de savoir qui, dans la structure hiérarchique, peut décider de fermer des établissements);
- évaluez si votre entreprise dispose actuellement, et si elle continuera de disposer, d’une quantité suffisante de produits de santé et de sécurité (mouchoirs, récipients à ordures sans contact, savon et eau, nettoyants pour surfaces, lingettes jetables, désinfectant pour les mains, etc.).
- Protocole lorsqu’une personne est malade au travail. Les personnes qui se présentent au travail avec des symptômes qui semblent s’apparenter à ceux de la variole simienne doivent être séparées des autres membres du personnel et, s’il y a lieu, être renvoyées à la maison sur-le-champ.
- Refus d’une personne de travailler pour des raisons de sécurité/une personne de son foyer fait l’objet d’un test de dépistage de la variole simienne. Ce genre de situations sera évalué au cas par cas. L’employeur devra s’en rapporter avant tout aux lois sur la santé et la sécurité au travail, aux lois sur les normes du travail et aux directives de santé publique émanant d’une source fiable.
- Hausse du taux d’absentéisme. Les entreprises doivent déterminer comment elles composeraient avec un nombre élevé d’absences, notamment pour cause d’isolement volontaire ou de quarantaine obligatoire. Elles pourraient, par exemple, demander aux membres de leur personnel de faire des heures supplémentaires, embaucher des travailleurs et travailleuses temporaires aux termes de contrats de travail adéquats afin d’atténuer le risque ou faire appel à une agence de placement pour obtenir de l’aide temporaire.
2. Évaluez la nature de votre entreprise. Il est primordial de réaliser une évaluation objective de votre organisation et des facteurs de risque propres au milieu de travail. Les commerces de détail, où se produit un grand nombre de contacts avec le public et dont les surfaces sont fréquemment touchées, présenteront des enjeux passablement différents des entreprises qui n’emploient que des travailleurs à distance. Des enjeux très particuliers se rattacheront également aux établissements de soins de longue durée, aux résidences pour personnes âgées et aux transporteurs aériens. Les mesures à prendre varieront selon le secteur de l’entreprise en cause. Encore une fois, le contexte sera important. De plus, selon la nature de l’entreprise, la variole simienne pourrait avoir des incidences commerciales plus larges, notamment sur les opérations commerciales, les contrats avec d’autres parties et les chaînes d’approvisionnement.
3. Repérez les sources fiables pour obtenir de l’information et des conseils. Comme nous avons pu le constater pendant la pandémie de COVID-19, il est essentiel de s’appuyer sur des données probantes et des faits. Étant donné qu’Internet déborde de fausses informations, les employeurs doivent user de prudence avant de se fier à des sources non gouvernementales. Voici quelques organismes médicaux auxquels vous pouvez vous reporter :
- Agence de santé publique du Canada (ASPC)
- Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
- Organisation mondiale de la Santé (OMS)
Les cadres, notamment les membres de la haute direction et les responsables de services juridiques et des ressources humaines, devraient envisager de prendre ces mesures concrètes dès maintenant. Comme nous l’a montré la pandémie de COVID-19, il est préférable de prendre des mesures qui peuvent sembler hâtives que d’agir trop tard.
Pour obtenir des conseils en droit de l’emploi liés à la variole simienne et mieux comprendre comment composer avec l’épidémie, faites appel au groupe Droit du travail et de l’emploi de BLG.