une main qui tient une guitare

Perspectives

Changements importants à venir pour le régime de brevets du Canada

Le gouvernement du Canada a annoncé les plus importants changements au processus canadien de traitement des demandes de brevets en plus de 25 ans, lesquels devraient prendre effet le 3 octobre 2022. Les Règles sur les brevets seront modifiées en prévision d’une prolongation de la durée des brevets et conformément aux obligations du Canada en vertu de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE).

Certaines dispositions ont pour objectif de modifier les comportements des demandeurs en vue de simplifier le processus d’examen de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Les changements introduiront d’importantes contraintes dans le système d’examen souple actuel, ce qui se traduira par de nouveaux défis liés à la jurisprudence canadienne étroite relative au double brevet.

Points à retenir

  • Des changements au système canadien des brevets, notamment l’instauration d’une taxe pour revendications excédentaires et d’une exigence de requête pour la poursuite de l’examen, entreront en vigueur le 3 octobre 2022.
  • Le nouveau système pose des difficultés liées aux lois canadiennes uniques sur le double brevet, et les demandeurs devront trouver un équilibre entre les coûts additionnels qui leur seront imposés et leur capacité d’obtenir une protection par brevet efficace.
  • Ils pourront éviter certains aspects du nouveau système en demandant un examen d’ici le 30 septembre 2022.

Taxe pour revendications excédentaires

Pour la première fois, une taxe pour revendications excédentaires sera mise en œuvre dans le système canadien. Ainsi, après la vingtième revendication, les demandeurs devront débourser 100 $ CA pour chaque nouvelle revendication. Les revendications indépendantes, dépendantes et dépendantes multiples auront la même valeur1.

Cette taxe sera payable au moment de la requête d’examen2. Si des revendications s’ajoutent après le dépôt de la requête, les taxes pour revendications excédentaires supplémentaires seront intégrées à la taxe finale et exigibles après l’acceptation3.

Il est important de souligner que le calcul de la taxe pour revendications excédentaires au moment de l’acceptation s’appliquera aux revendications incluses dans la demande à tout moment à compter du lendemain du dépôt de la requête d’examen. À cet égard, la version finale des règles contraste fortement avec une version préliminaire publiée plus tôt, dans laquelle les taxes pour revendications excédentaires dues au moment de l’acceptation s’appliquaient uniquement au nombre de revendications effectivement acceptées.

Selon les nouvelles règles, il ne sera pas possible d’éviter ou de faire baisser les taxes pour revendications excédentaires en ajoutant un grand nombre de revendications après le dépôt de la requête d’examen, puis en le réduisant avant l’acceptation (p. ex., en faisant un choix à la suite d’une objection visant une unité). Ces taxes semblent avoir pour but d’encourager les demandeurs à déposer de plus petits ensembles de revendications, bien que cela ne soit pas toujours souhaitable selon la jurisprudence canadienne inhabituelle relative au double brevet (voir la section « Considérations liées au double brevet » ci-dessous).

Requêtes pour la poursuite de l’examen

Les modifications aux Règles sur les brevets comprennent aussi l’ajout d’une limite de trois rapports d’examen suivant la requête4. Cela comprend les actions officielles (y compris celles qui comprennent uniquement une objection d’unité) et les décisions finales de l’OPIC. Après l’envoi du troisième rapport, le demandeur devra présenter une requête pour la poursuite de l’examen (RPE) et payer une taxe de 816 $ CA dans les quatre mois suivant la date du dernier rapport5. Cette échéance ne peut pas être reportée, mais le demandeur est en droit de rétablir la demande dans les 12 mois suivant un délai échu6.

À moins d’une décision finale, le demandeur a droit à deux rapports d’examen supplémentaires après la soumission d’une RPE, après quoi il devra faire une nouvelle RPE et payer la taxe de nouveau s’il souhaite poursuivre l’examen7. Il n’y a pas de limite au nombre de RPE pouvant être déposées, et la taxe unitaire exigée demeure la même.

L’action officielle qui entraîne l’exigence de soumettre une RPE n’a pas à être une décision finale. Les décisions finales sont plutôt rares dans la pratique canadienne et sont habituellement le résultat d’une réelle impasse. Rien n’indique que l’OPIC compte changer cette pratique. Ainsi, à l’heure actuelle, les demandeurs qui envisagent la perspective d’une RPE ne devraient pas s’attendre à être en droit de faire appel devant la Commission d’appel des brevets.

Comme c’est le cas dans le système actuel, une décision finale limite les options et exige que la prochaine réponse (qu’elle implique ou non une RPE) écarte toutes les objections de l’examinateur, sans quoi ce dernier acheminera la demande à la Commission d’appel des brevets.

Les Règles sur les brevets permettent actuellement la poursuite de l’examen après l’acceptation si l’éventuel titulaire de brevet demande l’annulation de l’avis d’acceptation; ce mécanisme sera éliminé. En effet, il faudra désormais déposer une RPE pour demander la poursuite de l’examen après l’acceptation8. La RPE doit être présentée au plus tard à la date limite du paiement de la taxe finale (et avant le paiement de cette dernière), et aucun report ne sera possible9. Comme le veut la pratique existante liée au retrait de l’acceptation, si le demandeur dépasse la date limite de la taxe finale et que la demande est abandonnée, il ne pourra plus faire de RPE en vue d’en poursuivre le traitement.

Avis d’acceptation conditionnelle

Aux termes du nouveau système, les examinateurs pourront délivrer un avis d’acceptation conditionnelle (AAC) s’ils jugent qu’une demande est acceptable, mais que certaines modifications doivent être apportées. Le demandeur devra apporter les modifications exigées ou communiquer les motifs pour lesquels il estime sa demande conforme dans les quatre mois suivant la date de l’AAC.

Après l’envoi de l’AAC, les modifications autorisées seront limitées aux irrégularités soulevées dans l’avis et aux erreurs manifestes.

Si l’examinateur n’est pas satisfait de la réponse à l’AAC, l’avis sera retiré et les modifications seront considérées comme n’ayant jamais été effectuées10.

Comme c’est le cas pour les avis d’acceptation ordinaires, les personnes qui reçoivent un AAC peuvent demander la poursuite du traitement de la demande en déposant une RPE au plus tard à la date limite du paiement de la taxe finale (et avant le paiement de cette dernière)11. Aucun report n’est possible12.

Considérations liées au double brevet

L’introduction des RPE et des taxes pour revendications excédentaires entre en conflit avec la jurisprudence canadienne relative au double brevet. Les comportements encouragés par le nouveau système ne reflètent pas les pratiques exemplaires découlant de la situation unique du Canada en matière de double brevetage.

La nouvelle taxe cherche à favoriser le dépôt de plus petits ensembles de revendications pendant le processus d’examen, alors qu’il est généralement recommandé que l’examinateur se penche d’entrée de jeu sur tous les objets qui ont une pertinence à long terme. En effet, le dépôt d’une demande divisionnaire sans objection d’unité ouvre la voie à un double brevet impliquant la demande divisionnaire et la demande « parent ». Les tribunaux canadiens ont établi un critère de l’évidence applicable aux doubles brevets, mais il n’existe aucune disposition permettant d’abandonner la protection en fin de durée de validité (terminal disclaimer en droit américain) ni aucun autre mécanisme servant à résoudre les situations de double brevet. En revanche, la Cour suprême du Canada a affirmé que le dépôt d’une demande divisionnaire découlant d’une objection d’unité ne peut pas donner lieu à un double brevet. En pareille situation, l’objection d’unité offre une importante protection contre le double brevetage. Les demandeurs qui choisissent un ensemble de revendications à la suite d’une objection d’unité sont habituellement limités à ce choix. Il est donc important que l’appréciation de l’unité soit globale.

Dans le cadre du nouveau système, les demandeurs devront mettre en balance les taxes pour revendications excédentaires applicables aux ensembles de revendications importants et leurs visées commerciales sur le marché canadien. En raison des vulnérabilités potentielles liées au double brevetage, il ne sera pas souhaitable de retirer des revendications importantes sur le plan commercial dans le but de les ajouter à une demande divisionnaire ultérieure.

Dans certains cas, il pourrait être préférable de payer les taxes pour revendications excédentaires afin d’assurer une appréciation exhaustive des objets pertinents. Les demandeurs ne devraient toutefois pas être forcés de payer des frais supplémentaires pendant le traitement des brevets pour se protéger contre d’éventuels litiges. Une telle pratique établit un système à deux vitesses dans lequel seuls certains demandeurs ont les moyens d’obtenir cette protection.

Dans une optique de réduction des coûts, il sera important de présenter au moins une revendication indépendante pour chacun des éléments les plus larges aux fins de l’appréciation de l’unité. Reste à voir comment les tribunaux interpréteront cette stratégie.

La mise en place des RPE présente aussi un inconvénient pour les demandes englobant plus d’une invention, puisque l’un des trois rapports d’examen autorisés servira à obtenir une protection d’unité et à réduire le risque de double brevet. À l’heure actuelle, les examinateurs de l’OPIC ne procèdent souvent pas à un examen de fond lorsqu’ils repèrent un problème d’unité. Nous espérons toutefois que cela changera en raison du nouveau processus d’examen simplifié.

Évitement de certains aspects du nouveau système (dispositions transitoires)

Les règles modifiant les Règles sur les brevets comprennent des dispositions transitoires qui permettent aux demandeurs d’éviter les taxes pour revendications excédentaires et les RPE en demandant l’examen avant l’entrée en vigueur13. Pour ce faire, ils devront présenter leur demande d’ici le 30 septembre 2022. Parallèlement, les demandeurs qui envisagent de déposer une demande divisionnaire comprenant plus de 20 revendications voudront peut-être s’y prendre à l’avance et demander un examen d’ici cette date.

L’exigence de déposer une RPE après trois actions officielles ne s’appliquera pas aux demandes d’examen présentées avant la prise d’effet des règles, y compris les demandes en cours d’examen, à moins que le demandeur fasse une RPE pour demander la poursuite de l’examen après l’acceptation. En pareil cas, une RPE devra être déposée après chaque deuxième action officielle.

Les éventuels titulaires de brevet qui souhaitent profiter de la souplesse du système d’examen actuel devraient envisager de soumettre leur demande sans tarder. Les personnes qui ont déposé une demande de brevet en vertu du Traité de coopération en matière de brevets ou de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle devraient elles aussi présenter leur demande au Canada rapidement pour que les examens se fassent en parallèle.

Principaux contacts