La Cour d’appel confirme le jugement rendu par la Cour supérieure dans l’arrêt de principe Lamoureux c. OCRCVM portant sur la perte de renseignements personnels et rejette entièrement l’action collective du demandeur Danny Lamoureux dans le premier jugement rendu au stade du mérite en matière de perte de renseignements personnels au Canada1.
Les faits en bref
Le 22 février 2013, un inspecteur de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (« OCRCVM ») a oublié son ordinateur portable dans un train. Cet ordinateur égaré contenait les informations personnelles de divers individus, recueillies auprès de courtiers en valeurs mobilières faisant l’objet d’une inspection. Malgré les efforts de l’OCRCVM, l’ordinateur n’a pas été retrouvé.
Une première action collective est intentée par M. Sofio dans la foulée de cette perte. Celle-ci sera rejetée dès l’autorisation, en l’absence d’apparence de droit, le requérant n’ayant pas démontré un préjudice compensable2. La Cour d’appel confirmera ce jugement3. Suite à cet échec, M. Lamoureux intente sa propre action collective, autorisée en octobre 2017.
Contrairement à M. Sofio, celui-ci affirme avoir été victime d’un vol de ses renseignements personnels.
Analyse
La Cour d’appel confirme la décision de la juge Lucas, laquelle clarifie et confirme les circonstances pouvant donner ouverture à des dommages en matière de perte de renseignements personnels.
- Les inconvénients normaux de la vie en société ne sont pas indemnisables : Validant la décision de la Cour d’appel dans Sofio et s’appuyant sur l’arrêt Mustapha4 de la Cour suprême, le jugement confirme que les simples craintes, désagréments, angoisses et inquiétudes vécus par les membres du groupe en lien avec la perte de leurs renseignements personnels (surveillance des comptes, démarches auprès d’agences de crédit, honte) sont des « inconvénients normaux que toute personne vivant en société subit et devrait être tenue d’accepter5 ».
- Nécessité de prouver le lien causal entre la perte et l’utilisation frauduleuse des renseignements personnels : La Cour d’appel conclut que l’Appelant avait le fardeau de preuve de démontrer sur la balance des probabilités que l’utilisation illicite des renseignements personnels était reliée à la perte.
- La conduite diligente de l’OCRCVM fait obstacle aux dommages-intérêts punitifs : La faute de l’OCRCVM n’était pas intentionnelle et celle-ci a pris les mesures requises, en temps opportun, conformément aux normes applicables en pareilles circonstances, tel que l’a démontré la preuve d’expert.
Conclusion
Le jugement confirme que les craintes, désagréments, angoisses et inquiétudes vécus par les membres du groupe en lien avec la perte de leurs renseignements personnels sont des inconvénients normaux qui ne sont pas indemnisables.
Ce jugement suggère également que la preuve d’une réponse rapide et diligente, qui respecte les normes applicables en pareilles circonstances à la suite d’une perte de renseignements personnels, représente un élément important dans l’analyse d’une réclamation en dommages-intérêts punitifs.
1 Lamoureux c. OCRCVM, 2022 QCCA 685 (voir aussi la traduction anglaise de ce jugement par BLG), Lamoureux c. OCRCVM, 2021 QCCS 1093 (voir aussi la traduction anglaise de ce jugement par BLG).
2 Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2014 QCCS 4061.
3 Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820.
4 Mustapha c. Culligan du Canada ltée, 2008 CSC 27, [2008] 2 R.C.S. 114.
5 Par. 7.