En 2021, plusieurs actions climatiques qui promettent d’opérer un changement durable ont été adoptées. Notamment, la Cour suprême du Canada a confirmé une fois pour toutes la validité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (« LTPGES »)fédérale, tandis que le gouvernement du Canada a continué de mettre en œuvre une combinaison de mesures réglementaires et incitatives dans le but de progresser plus rapidement vers son objectif de carboneutralité, en plus de réaffirmer ses engagements en prévision de la COP26. En outre, les gouvernements fédéral et de l’Alberta ont annoncé des investissements importants dans les initiatives de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (« CUSC »), qui jouent un rôle déterminant dans l’atteinte de la carboneutralité. On peut également s’attendre à l’adoption, en 2022, de mesures législatives sur les carburants à faible teneur en carbone.
Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et COP26
Dans l’optique de se préparer à la tenue de la COP26 et de répondre à son obligation de présenter ses contributions déterminées au niveau national en vertu de l’Accord de Paris, le gouvernement du Canada a édicté en juin 2021 la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, première du genre au pays à imposer des exigences au gouvernement pour ce qui est de mettre en place un plan de réduction des émissions et de faire rapport de ses progrès en la matière.
La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité fixe des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (« GES ») en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et énonce un cadre de responsabilisation selon lequel le gouvernement devra produire un plan, des rapports et des évaluations. Actuellement, la Loi vise des réductions de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Par ailleurs, le ministre doit établir la cible nationale en matière de réduction des gaz à effet de serre :
- pour 2035 d’ici le 1er décembre 2024;
- pour 2040 d’ici le 1er décembre 2029;
- pour 2045 d’ici le 1er décembre 2034.
En juillet 2021, le gouvernement du Canada a annoncé que la cible de réduction prévue par la Loi représentait sa contribution déterminée au niveau national. Avant la tenue de la COP26, il a aussi continué à mettre de l’avant un ensemble de mesures réglementaires et incitatives ayant pour objectif d’accélérer la progression du Canada vers cette ambitieuse cible.
Initiatives de CUSC
« Les technologies de CUSC sont de plus en plus reconnues comme des outils précieux en matière de réduction des émissions de GES et d’action climatique. Au Canada, on prévoit que les efforts de CUSC contribueront grandement à l’atteinte des objectifs nationaux de carboneutralité. » Le gouvernement fédéral travaille donc à l’élaboration d’une stratégie qui reconnaîtra l’importance des efforts de CUSC dans la lutte contre les changements climatiques ainsi que les possibilités économiques liées à la croissance de cette industrie. Celui-ci a de plus annoncé dans son budget de 2021 des investissements majeurs dans les activités de recherche, de développement et de démonstration visant à assurer la viabilité commerciale des technologies de CUSC dans le cadre du programme d’innovation énergétique. Le gouvernement de l’Alberta a emboîté le pas en injectant des sommes importantes dans de nouveaux projets de CUSC.
Ce type de projets est monnaie courante en Alberta depuis plusieurs années; pensons notamment à l’Alberta Carbon Trunk Line et au projet Quest de Shell, qui représentent collectivement un investissement public de 1,24 G$ d’ici 2025. Le financement de sept autres projets de CUSC par l’entremise d’un investissement de 131 M$ dans le cadre de l’Industrial Energy Efficiency and Carbon Capture Utilization and Storage Grant Program a par ailleurs été annoncé en novembre. De nombreux projets de CUSC privés ont aussi été annoncés en 2021, notamment le projet Alberta Carbon Grid dévoilé en juin par Pembina Pipeline Corporation et TC Énergie de même que le projet Polaris de Shell annoncé en juillet.
Le régime réglementaire de l’Alberta pour ce qui touche les activités de CUSC se base largement sur le cadre qui régit actuellement le pétrole et le gaz, entre autres la Carbon Sequestration Tenure Regulation de 2011. Le gouvernement albertain a déclaré en mai 2021 ne pas envisager de changements immédiats à la législation et à la réglementation existantes; il demeure toutefois ouvert à y apporter des modifications si nécessaire. L’évolution constante de l’industrie du CUSC et des technologies connexes demandera vraisemblablement des ajouts aux lois et aux règlements actuels.
Norme sur les combustibles propres (« NCP »)
Actuellement au stade de projet de règlement, la mouture définitive de l’importante NCP devrait être publiée au printemps 2022, avec prise d’effet au mois de décembre.
Dans l’intervalle, Environnement et Changement climatique Canada a publié le très attendu modèle d’analyse du cycle de vie des combustibles, qui permettra aux utilisateurs qui adhèrent à la NCP de mieux comprendre la rentabilité de diverses activités et les possibilités d’obtention de crédits connexes.
Quelques ajustements de dernière minute pourraient être apportés à la NCP, mais tout indique que le Canada adoptera des mesures législatives sur les carburants à faible teneur en carbone en 2022.
Renvois relatifs aux émissions de GES
En mars 2021, la Cour suprême du Canada (« CSC ») a rendu des décisions dans trois renvois en provenance de la Saskatchewan, de l’Ontario et de l’Alberta, où la question en jeu était la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (L.C. 2018, ch. 12, art.186). Dans un arrêt rendu par six juges contre trois, elle a confirmé que la LTPGES résultait d’un exercice valide du pouvoir fédéral de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada (le « pouvoir POBG »). Reportez-vous à notre article sur le sujet pour une analyse plus détaillée de la question.
La CSC a jugé que la matière véritable de la LTPGES était « l’établissement de normes nationales minimales de tarification rigoureuse des GES en vue de réduire les émissions de ces gaz », et qu’elle relevait par conséquent de la compétence fédérale au titre du pouvoir POBG. Elle a établi que la matière était suffisante pour être considérée comme étant d’intérêt national, que les provinces n’avaient pas la capacité de s’en occuper et que l’empiétement sur leur compétence était acceptable.
Cet arrêt a permis d’offrir une clarté et une certitude des plus nécessaires en ce qui a trait aux compétences fédérales et provinciales en matière de politique sur les changements climatiques, et pourrait avoir des répercussions sur des litiges futurs relatifs au partage des pouvoirs dans le secteur de l’énergie. De plus, la décision de la CSC pourrait influencer l’issue du renvoi d’un dossier de contestation de la Loi sur l’évaluation d’impact (« LEI ») fédérale par le gouvernement de l’Alberta entendu par la Cour d’appel de l’Alberta en février 2021.