Ce qu’il faut savoir
- La plupart des parties prenantes du secteur de la gestion d’actifs au Canada sont des institutions financières canadiennes (IF) assujetties à des obligations de diligence raisonnable et de déclaration en vertu de la Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) et de la Norme commune de déclaration (NCD) figurant aux parties XVIII et XIX de la Loi de l’impôt sur le revenu1 (LIR), respectivement.
- Le 10 mars 2022, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié une mise à jour de son document d’orientation sur les parties XVIII et XIX de la LIR (collectivement, le document d’orientation le plus récent), qui touche ces IF.
- Le présent article traite des nouveautés du document d’orientation le plus récent qui ont une incidence sur les ententes dans le cadre desquelles de multiples IF tiennent un même compte.
Le document d’orientation le plus récent vient également clarifier ou modifier les avis administratifs de l’ARC quant aux enjeux de conformité de la FATCA et de la NCD qui influent sur les IF de façon plus large. Pour prendre connaissance de notre analyse de ces autres changements, veuillez vous reporter à notre article intitulé Documents d’orientation sur la FATCA et la NDC : ce que les institutions financières canadiennes doivent savoir.
Survol des changements contenus dans le document d’orientation le plus récent
1) Pénalités en cas de manquement à l’obligation d’autocertification et de mise en place de mesures efficaces
Les IF doivent obtenir du titulaire d’un compte une autocertification au moment de son ouverture2 ou dans les 90 jours suivant un « changement de circonstances »3. À défaut d’en obtenir une, une IF s’expose à une pénalité de 2 500 $ à la fois en vertu de la FATCA et de la NRD (soit une pénalité maximale de 5 000 $ pour chaque compte non documenté).
Dans le plus récent document d’orientation, l’ARC mentionne qu’elle n’imposera pas de pénalité aux IF qui prennent des « mesures efficaces » pour obtenir une autocertification auprès du titulaire du compte. Ces « mesures efficaces » peuvent inclure la fermeture ou le gel de comptes ou le refus d’en ouvrir des nouveaux s’ils ne sont pas accompagnés d’une autocertification.
En ce qui concerne le secteur de la gestion d’actifs, cette référence aux « mesures efficaces » qui figure dans le document d’orientation est possiblement la nouveauté la plus importante. Plus précisément, la « fermeture » ou le « gel » de comptes – deux termes nullement définis dans le document d’orientation le plus récent – ne sont pas des concepts qui devraient être pris à la légère par les IF, qui sont limitées dans les mesures qu’elles peuvent prendre par les documents juridiques qui les lient à leurs clients, leurs responsabilités fiduciaires de même que les règles en matière de valeurs mobilières.
2) Comptes de nom de client
Les titres d’un fonds d’investissement sont soit émis au nom d’un propriétaire bénéficiaire (les comptes de nom de client), soit enregistrés au nom d’un courtier (les comptes de prête-nom). L’avis administratif de l’ARC a changé uniquement en ce qui concerne la première catégorie, comme il est détaillé ci-après.
Les comptes de nom de client tenus par plusieurs IF pourraient faire l’objet d’obligations duplicatives en matière de diligence raisonnable et de déclaration. Afin d’éviter une duplication des efforts des diverses IF liées à un même compte, la LIR permet aux fonds d’investissement (et à d’autres IF) de ne pas effectuer le processus de diligence raisonnable relativement à un titre détenu au nom d’un client qui est également porté au compte d’un courtier qui est une IF (la dispense pour compte de nom de client)4. En vertu de cette dispense, les fonds d’investissement (et d’autres IF) n’ont pas à exécuter leur propre diligence raisonnable pour ce qui est des comptes de nom de client, mais devront généralement déclarer tout compte dont il a été déterminé qu’il était déclarable par le courtier.
Le document d’orientation le plus récent énonce les quatre exigences suivantes qui permettent aux IF de se prévaloir de cette dispense :
- Les biens portés au compte tenu par le fonds d’investissement sont également portés au compte tenu par le courtier;
- Le courtier est autorisé en vertu de la législation provinciale à se livrer au commerce des valeurs mobilières ou d’autres instruments financiers ou à fournir des services de gestion de portefeuille ou de conseils en placement;
- Le courtier a indiqué au fonds d’investissement si le compte est déclarable;
- Il n’est pas raisonnable pour le fonds d’investissement de conclure que le courtier n’a pas respecté ses obligations de diligence raisonnable.
Aux termes du document d’orientation précédent, lorsqu’il existait une entente écrite entre un fonds d’investissement et un courtier quant à la conformité à la FATCA et à la NRD, le fonds pouvait se fier aux notifications reçues du courtier même si celui-ci n’avait fourni au fonds que le statut des comptes déclarables. Autrement dit, si le courtier n’avait fourni aucune notification au fonds d’investissement quant à un compte, le fonds pouvait tenir pour acquis que le compte n’était pas déclarable. Dans le document d’orientation le plus récent, l’ARC a retiré la possibilité pour les fonds d’investissement de se fier à une entente écrite entre les parties pour conclure qu’un compte n’est pas déclarable si aucune notification n’a été obtenue du courtier quant à son statut et exige plutôt que le courtier informe le fonds du statut précis de chaque compte. Ainsi, le fonds d’investissement doit recevoir une notification lui indiquant si le compte est déclarable ou non; il ne peut pas tenir pour acquis qu’un compte ne l’est pas simplement parce qu’il n’a pas reçu de notification du courtier.
De plus, le document d’orientation le plus récent explique que dans le cas d’un nouveau compte ou lorsqu’il y a changement de circonstances relativement à un compte existant, et que le fonds est informé par le courtier du statut du compte, le fonds ne peut se fier à la classification du courtier que s’il conclut raisonnablement que celui-ci a respecté ses obligations de diligence raisonnable en fonction de son analyse de l’information disponible (y compris celle qu’il a reçue du courtier). Si le fonds d’investissement peut raisonnablement conclure que le courtier n’a pas respecté ses obligations de diligence raisonnable, il doit s’en occuper lui-même. Dans le cas d’un nouveau compte, le fonds d’investissement peut refuser de l’ouvrir jusqu’à ce qu’il soit convaincu que le courtier a fait preuve de diligence raisonnable et a obtenu une autocertification. Le document d’orientation le plus récent sur la FATCA fournit l’exemple suivant :
Dans le cas d’un compte de nom de client existant auprès du fonds qui n’était pas déclarable, le courtier confirme par écrit ou au moyen d’une notification systémique/électronique au fonds un changement d’adresse du client aux États-Unis et le statut déclarable du compte en fonction de la nouvelle autocertification ou de toute autre documentation qu’il a obtenue. Dans de telles circonstances, si le courtier n’avait fourni que la nouvelle adresse aux États-Unis sans aborder la question de la classification, il aurait fallu que le fonds lui demande plus de renseignements concernant le statut du compte ou qu’il mène sa propre diligence raisonnable.
Essentiellement, en vertu du document d’orientation le plus récent, les fonds d’investissement, pour être en mesure de se prévaloir de la dispense pour compte de nom de client, doivent effectuer leur propre diligence raisonnable des courtiers pour éviter de se voir imposer les pénalités susmentionnées, à l’égard desquelles les parties concernées sont responsables à titre propre et non solidairement pour ce qui touche les comptes de nom de client qu’ils ont en commun. En fait, étant donné que l’ARC a une meilleure visibilité sur les fonds d’investissement, qui sont responsables de la déclaration des comptes de nom de client, par opposition aux courtiers, il apparaît probable que les fonds seront visés par des vérifications de conformité aux termes de la FATCA et de la NRD, qui pourraient se solder par l’imposition de pénalités. Ainsi, un fonds d’investissement, tout dépendant de la confiance qu’il a en un courtier donné, pourrait devoir obtenir ses propres autocertifications à l’égard de certains comptes de nom de client, ce que la dispense connexe cherchait justement à éviter.
3) Gestionnaires de placement et établissements de garde de valeurs
Les titulaires de comptes institutionnels font souvent appel à un gestionnaire de placements et à un établissement de garde de valeurs de façon indépendante.
Dans ce type de scénario, les gestionnaires de placements étaient auparavant exemptés de la FATCA et de la NRD si l’établissement de garde de valeurs leur confirmait par écrit qu’il se conformait à la FATCA et à la NRD relativement aux comptes concernés. Cette position administrative tenait compte du fait que tant le gestionnaire de placements que l’établissement de garde de valeurs avaient l’obligation de suivre, indépendamment l’un de l’autre, des procédures en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client pour un même titulaire de compte institutionnel. Lorsque le gestionnaire de placements recevait une confirmation écrite de l’établissement de garde de valeurs, les règles de l’ARC énonçaient que le gestionnaire n’était pas considéré comme la personne chargée du maintien du compte aux fins de la FATCA et de la NRD (la dispense visant les gestionnaires de placements).
Le document d’orientation le plus récent ne prévoit plus cette dispense; le gestionnaire de placements et l’établissement de garde de valeurs sont plutôt tenus de se prévaloir de la dispense pour compte de nom de client dont il est question ci-dessus. Ce changement sera notable pour les gestionnaires de placements qui ont actuellement recours à la dispense les visant; ils auront jusqu’à la fin de cette année pour mettre en place des procédures internes leur permettant de s’acquitter de leurs nouvelles obligations en vertu de la FATCA et de la NRD.
4) Ententes entre courtier remisier et courtier chargé de comptes
Un courtier en valeurs mobilières de l’OCRCVM (le « courtier remisier ») peut conclure une entente avec un autre courtier en valeurs mobilières de l’OCRCVM (le « courtier chargé de comptes ») afin de lui permettre de satisfaire à certaines obligations en matière de diligence raisonnable et de déclaration.
Dans le document d’orientation précédent, la répartition des obligations de diligence raisonnable et de déclaration entre le courtier remisier et le courtier chargé de compte étant plus nuancée. Plus particulièrement, des règles différentes s’appliquaient en fonction du « type » d’entente (selon la classification de l’OCRCVM) conclue entre le courtier remisier et le courtier chargé de comptes.
Dans le document d’orientation le plus récent, le traitement de ces ententes a été simplifié de sorte qu’un seul ensemble de règles s’applique désormais. Ainsi, les obligations de diligence raisonnable et de déclaration continuent d’incomber au courtier remisier même s’il les a déléguées par contrat au courtier chargé de comptes5.
5) Date de prise d’effet des changements
Le changement au point 1 ayant trait aux mesures efficaces pour se prémunir contre l’imposition de pénalités a pris effet le 10 mars 2022 (c’est-à-dire à la date de la publication du document d’orientation le plus récent).
Ceux dont il est question aux points 2 à 4 concernant les ententes entre plusieurs IF entreront en vigueur le 1er janvier 2023 (la « date de prise d’effet »). En d’autres termes, aucune mesure n’a à être appliquée aux comptes existants pour tenir compte des changements susmentionnés6.
Comme les restrictions liées à la pandémie sont peu à peu levées, nous nous attendons à ce que l’ARC se mette à effectuer des vérifications sur place pour surveiller la conformité des IF à la FATCA et à la NRD. Pour éviter toute pénalité, il est impératif que les IF s’assurent que leurs politiques et procédures internes sont conformes au document d’orientation le plus récent.
Pour toute question sur la mise à jour des politiques et procédures internes de votre IF à cet effet, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur et l’autrice du présent bulletin.
1 LRC 1985, ch. 1 (5e suppl.)
2 Comme il est indiqué dans le document d’orientation le plus récent, dans certaines circonstances limitées, il n’est pas possible en pratique d’obtenir une autocertification pendant le processus d’ouverture d’un compte, par exemple lorsqu’un contrat d’assurance a été cédé d’une personne à une autre ou lorsqu’un investisseur a acquis des parts dans une fiducie de placement sur le marché secondaire. Dans ces cas, l’autocertification peut être obtenue dans les 90 jours suivant l’ouverture du compte. Les IF doivent la valider le plus rapidement possible après son obtention, sans jamais dépasser cette limite de 90 jours.
3 Un changement de situation survient lorsqu’une IF obtient de l’information qui lui permet de savoir ou de supposer que l’autocertification initiale n’est plus exacte ou fiable. Par exemple, une titulaire de compte, dont l’autocertification au dossier indique que sa seule résidence fiscale est le Canada, informe le gestionnaire de fonds de sa nouvelle adresse postale en Allemagne.
4 Un compte de nom de client peut également exister dans des circonstances autres que le scénario du fonds d’investissement et du courtier. Ainsi, les gestionnaires de placement ou de portefeuille peuvent avoir à composer avec des comptes de nom de client liés à la garde d’actifs financiers auprès d’une institution de garde. La dispense pour compte de nom de client s’applique également dans ces circonstances.
5 Seule exception : lorsque dans un contexte transfrontalier, le courtier remisier est une IF étrangère. Dans un tel scénario, il incombe au courtier canadien chargé de comptes (et non au courtier remisier étranger) de satisfaire aux obligations de diligence raisonnable et de déclaration.
6 Toutefois, si un compte existant fait l’objet d’un changement de circonstances à la date de prise d’effet ou par la suite, les IF doivent tenir compte de ce changement conformément aux nouvelles règles décrites dans cet article.